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Interview / Podcast
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Rencontres avec Mathieu Rousselot (Tunecore) et Guillaume Coignard (coach vocal)

Music on Stage : rencontres en bordure du tremplin

Partenaire du tremplin Music On Stage 2017 organisé par Star’s Music, Audiofanzine revient sur le déroulement de l’événement et sur quelques rencontres intéressantes faites à cette occasion.

Écri­ture, répé­ti­tion, concert, enre­gis­tre­ment : ce sont a priori autour de ces quatre acti­vi­tés que tourne, dans l’idéal, toute la vie d’un musi­cien. À l’heure d’In­ter­net et de l’au­to­prod, bien d’autres choses viennent toute­fois s’ins­crire dans le quoti­dien d’un groupe ou d’un artiste qui n’a pas été encore pris sous l’aile d’une maison de disque. De la commu­ni­ca­tion sur les réseaux sociaux au merchan­di­sing, de la réali­sa­tion de clips ou de pochettes au booking de concerts, de la compta au webmas­te­ring ou aux rela­tions presse : il faut désor­mais savoir tout faire, bien au-delà de la musique, pour faire avan­cer son projet. Là-dedans, les trem­plins sont un exer­cice inté­res­sant pour les artistes et groupes car, outre un éven­tuel prix à gagner, c’est l’oc­ca­sion de se confron­ter au regard de profes­sion­nels, de vali­der la direc­tion pour­sui­vie, mais aussi de faire parler un peu de soi et de faire un bon concert en cas de victoire.

C’est préci­sé­ment dans cet état d’es­prit qu’un millier de groupes et d’ar­tistes ont posé leur candi­da­ture au trem­plin Music On Stage 2017, orga­nisé par les maga­sins Star’s Music en parte­na­riat avec de nombreux acteurs, dont Audio­fan­zine. Une bonne occa­sion de voir comment se déroule un trem­plin de l’in­té­rieur et de faire quelques rencontres ô combien inté­res­santes.

La dure loi du casting

Si la présé­lec­tion des groupes s’est faite par le biais de MP3 ou de vidéos, ce n’est vrai­ment qu’au Studio bleu que les choses vont se corser pour les dix fina­listes qui ont dû se plier aux dures lois du casting. Chaque groupe dispo­sait d’à peine une demi-heure pour s’ins­tal­ler et faire la balance, et d’une grosse ving­taine de minutes pour balan­cer un mini­set face au seul public du jury sous les néons d’une salle de répet. Pas le temps de se chauf­fer, de prendre l’am­biance de la salle ni de s’ap­puyer sur un public : il faut répondre présent de son mieux, gérer son trac comme on peut dans ce qui se trouve à mi-chemin entre un concert et un entre­tien d’em­bauche, malgré toute la bien­veillance du jury.

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L’exer­cice est diffi­cile et, recon­nais­sons-le, ingrat pour les groupes qui ne seront pas rete­nus à l’ar­ri­vée mais auront parfois traversé la France pour cette seule demi-heure d’au­di­tion. Il a toute­fois le mérite de révé­ler assez vite les quali­tés et défauts des diffé­rents préten­dants. Au-delà du style musi­cal, au-delà même de la qualité des compos et des pains ou des faus­se­tés traî­nant ça ou là, on ne s’éton­nera guerre de consta­ter que les groupes les plus expé­ri­men­tés sont ceux qui s’en sortent le mieux, parce que les titres sont en place, d’une part, mais aussi parce qu’on sent une réelle conni­vence entre les musi­ciens, une cohé­sion de groupe, et que l’ef­fort dispa­raît sous le plai­sir de jouer.

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Même si la perfor­mance qui s’offre au jury est le fruit de centaines voire de milliers d’heures de travail, quelques groupes parviennent en effet à rendre tout cela fluide et spon­tané, à trans­for­mer la salle de répét en salle de concert, prenant posses­sion du lieu et allant cher­cher le jury comme n’im­porte quel autre public. Et ça paye face à d’autres forma­tions qu’on sent parfois trop appliquées, distantes et concen­trées sur le désir de bien faire, usant de gimmicks scéniques qu’on remarque comme des traits de fusain mal recou­verts par l’huile du tableau, et dans lesquelles on se surprend à écou­ter le jeu d’un musi­cien en parti­cu­lier parce que la mayon­naise d’en­semble a du mal à prendre.

À l’is­sue de la jour­née d’au­di­tion et à la lueur de ces consi­dé­ra­tions, les déli­bé­ra­tions ne prêtent pas à de grands débats et les noms des trois vainqueurs sortent assez faci­le­ment du chapeau : Jet Banana, Nazca et Space Alli­ga­tors.

Outre la satis­fac­tion de voir leur travail récom­pensé, il reste à ces groupes à profi­ter de leur prix : une séance de coaching vocal avec Guillaume Coignard, une séance de coaching numé­rique avec Mathieu Rous­se­lot de Tune­core et un concert dans la belle salle du Divan du Monde à Paris.

Veni, clas­sici, vici

Trois vainqueurs donc, à commen­cer dans l’ordre alpha­bé­tique par Jet Banana, un quatuor de Meaux qui reven­dique des influences 60’s/70’s anglaises comme améri­caines (Beatles, Stones, Led Zep mais aussi Motö­rhead
ou Brian Jones­town Massacre) et qui produit un power rock mêlant éner­gie Grunge et mélo­dies pop avec beau­coup d’à propos et d’at­ti­tude.

Chan­ge­ment d’am­biance avec les Lyon­nais de Nazca : 2 filles et 2 garçons dont les titres réso­lu­ment acous­tiques naviguent entre folk et musique des quatre coins du monde mêlant harmo­nies vocales, ukulele et percus­sions au sein de compos réel­le­ment solaires et oniriques. En français, anglais ou espa­gnol, le groupe nous fait voya­ger sans que l’on ne puisse jamais bien situer l’ailleurs où il nous emmène sur une carte. Et c’est tout ce qui fait le plai­sir de la ballade.

On revient enfin au rock avec les Lillois de Space Alli­ga­tors qui s’aven­turent quant à eux sur les terres de Franz Ferdi­nand ou Kings of Leon mais aussi… Gush ! Le power trio propose ainsi des compos aussi élégantes qu’éner­giques dans le plus pur style britan­nique et avec ce qu’il faut de perlim­pin­pin disco pour faire taper du pied.

C’est donc un beau programme qui s’an­nonce pour le divan même s’il faut avant cela passer par la case coaching dans les beaux locaux du centre de forma­tion Abbey Road Insti­tute France (qui ne sont autres que le Studio Omega). Au menu pour commen­cer : coaching vocal avec Guillaume Coignard.

Profes­sion de voix

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Chan­teur à la base (on le trouve au casting de nombreuses grosses comé­dies musi­cales) mais aussi choriste (Vanessa Para­dis, Benja­min Biolay et Grand Corps Malade), Guillaume est aussi et surtout prof de chant, direc­teur et coach vocal (Izia Hige­lin, Anaïs Delva, Asha, etc.). Il a enfin parti­cipé à quelques gros télé-crochets en tant que coach (Star Ac, Rising Star) et comprend parfai­te­ment les problé­ma­tiques de l’ar­tiste comme ceux de l’in­dus­trie dans laquelle il évolue.

Bref, un homme aux nombreuses casquettes qui va, l’es­pace d’une heure pour chaque groupe, prodi­guer quelques conseils à des chan­teurs qui sont pour la plupart complè­te­ment auto­di­dactes et doivent gérer bien d’autres choses au quoti­dien que leur seul rôle de voca­liste. Un coaching qui prend d’ailleurs parfois la forme d’une piqûre de rappel sur le travail de base à four­nir au quoti­dien, comme le souligne Navid de Nazca : « Ce sont des choses que l’on sait devoir faire : s’échauf­fer, avoir de la rigueur dans le travail. Mais entre nos métiers et le fait de devoir gérer plein de choses dans le projet musi­cal, on oublie parfois de faire nos voca­lises, nos gammes, etc. »

C’est sur ces aspects mais aussi sur le diffi­cile art du chant et les diffé­rents métiers qu’exerce Guillaume que nous avons pu reve­nir en sa compa­gnie.

Du buzz au biz

Après avoir donné de la voix, nos trois groupes ont rendez-vous avec le conseiller d’orien­ta­tion en la personne de Mathieu Rous­se­lot. Brand Mana­ger pour la plate­forme de mise en ligne de musique Tune­core, Mathieu a aupa­ra­vant travaillé chez Wagram comme chez Deezer et béné­fi­cie donc d’une bonne vue d’en­semble de l’in­dus­trie du disque, et des étapes néces­saire à l’évo­lu­tion d’un projet. L’oc­ca­sion est donc donnée à chacun de faire le point sur ses ambi­tions, sachant que les groupes n’en sont pas tous au même point. Même si cela se traduit par une certaine préca­rité, Jet Banana est ainsi la seule forma­tion dont les membres se consacrent à plein temps au projet tandis que chez Nazca ou Space Alli­ga­tors, il faut arri­ver à compo­ser avec les impé­ra­tifs d’une « autre » vie profes­sion­nel­le… qui ne manque pas forcé­ment d’in­té­rêt. Les Space Alli­ga­tors tirent ainsi autant qu’ils peuvent sur la corde du temps libre tandis que seuls deux des quatre membres de Nazca ont pu assis­ter au coaching car il n’est pas possible de poser des jours comme on le souhaite dans l’édu­ca­tion natio­nale. Une situa­tion parfai­te­ment résu­mée par Gauthier (Space Alli­ga­tors) : "Quand on a le temps de tout gérer, c’est beau. On peut se dire : c’est notre projet et il ne repose que sur nous. Mais à présent qu’on a moins le temps [NDR : Nathan, le batteur, encore récem­ment étudiant a rejoint ses deux acco­lytes dans la vie active de sorte que, comme ses collègues, il dispose de moins de temps pour gérer la logis­tique et la com du groupe], on se dit que c’est bien de vouloir tout gérer, mais qu’on est moins effi­cace sur le live et la musique alors que c’est ce qui est le plus impor­tant pour nous.

Tous s’ac­cordent donc sur un point : l’évo­lu­tion du projet passe par le fait de s’en­tou­rer pour se déchar­ger du gros travail qu’im­plique le fait de s’au­to­pro­duire. Même chez Jet Banana qui consacre tout son temps à son projet, on recon­naît en effet que l’on passe souvent bien plus de temps à s’oc­cu­per des à-côtés de la musique (commu­ni­ca­tion, réali­sa­tion de clips, orga­ni­sa­tion, etc.) qu’à jouer et écrire de la musique (plus de 80% parfois). Pouvoir se déchar­ger de certaines tâches devient ainsi une prio­rité, même s’il faut apprendre à délé­guer et s’il faut bien comprendre le rôle de chaque inter­ve­nant. Mathieu Rous­se­lot expliquera ainsi au groupe que ce n’est pas le label qui est en charge de la promo­tion des artistes mais bien le distri­bu­teur. L’info est d’au­tant plus précieuse que, comme le souligne Fred, le chan­teur du groupe « Il faut bien cibler les raison que l’on a de faire quelque chose avant de se lancer conne­ment dans le truc. C’est comme pour l’en­re­gis­tre­ment : on n’en­re­gistre pas un CD juste pour le fait de l’en­re­gis­trer, ce qu’on a fait comme bourde à nos débuts. Ca doit être fait pour une bonne raison. » Et s’ins­crire dans un retro-plan­ning serait-on tenté d’ajou­ter.

Entre deux séances de coaching, nous en avons profité pour inter­vie­wer Mathieu Rous­se­lot au sujet des muta­tions perpé­tuelles du monde de la musique et du rôle des artistes au milieu de tout cela.

Sauter à pied joint sur le Divan

La plus grande récom­pense, c’est toute­fois au Divan du Monde que les trois groupes iront la cher­cher, une salle qui a vu défi­ler les Gains­bourg, Bala­voine et autres Dalida et construite sur l’em­pla­ce­ment d’un caba­ret où se pres­saient autre­fois Degas, Toulouse-Lautrec et même Charles Baude­laire. Demeuré pendant quelques années un lieu d’ac­cueil pour les artistes de World Music, la salle entame d’ailleurs un retour vers la chan­son française et le concert final de ce Music on Stage sera donc la dernière occa­sion pour entendre chan­ter en anglais au Divan avant long­temps.

En coulisse, la tension est palpable et, entre concen­tra­tion et décon­nade, chacun cherche à évacuer son trac comme il peut à mesure que la salle se remplit : les batteurs tapent nerveu­se­ment sur tout ce qui est à portée de main ou de baguette, on procède à quelques répé­ti­tions de chœurs… Vient enfin le moment aussi redouté qu’at­tendu de rentrer dans l’arène.

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C’est aux Space Alli­ga­tors qu’a été confié le soin d’ou­vrir le bal. Les trois mousque­taires ne déçoivent pas et envoient un set parfai­te­ment exécuté où le groupe se lâche nette­ment plus qu’au casting. L’éner­gie est là, commu­ni­ca­tive, et la qualité d’écri­ture des compos fait le reste. Un rock élégant servi par trois perfor­mers au taquet qui donnent tout ce qu’il faut donner. Un vrai régal à voir.

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Nazca n’aura pas à souf­frir de la compa­rai­son et nimbés de lumière blanche, les quatre lyon­nais posent d’en­trée de jeu les bornes du vaste terri­toire musi­cal qui est le leur. Des percus aux accents tribaux aux harmo­nies vocales déli­cates tissées par les chan­teuses, on navigue entre ciel et terre en suivant le fil d’un ukulélé, d’une guitare ou d’un celesta. Le paysage défile et les chan­sons ont cette évidence qui fait qu’on a le senti­ment de les connaître dès la fin du premier refrain. Un parfait bol d’air avant de repar­tir dans le déluge sonore qui suit.

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C’est aux Jet Banana que revient l’hon­neur de clore le concert et de pronon­cer ce qui sera le dernier mot anglais avant long­temps dans la salle du Divan : Fire­ball ! Fidèle à ce qu’il avait montré lors des castings, le groupe envoie le boulet avec maes­tria et beau­coup de présence. Une reprise de Led Zep ? Même pas peur, le plus remarquable étant que les titres du groupe tiennent sans rougir la compa­rai­son. Il y a tout ce qu’on peut attendre d’un concert rock : de bonnes chan­sons, de la dingue­rie, du charisme et ce qu’il faut d’éner­gie pour faire bouger la tête ou lancer un pogo dans la fosse.

Bref, la fin idéale pour un trem­plin qui a parfai­te­ment rempli son rôle en mettant un coup de projo sur 3 groupes ô combien promet­teurs.

On les suivra donc de près sur leurs espaces respec­tifs : C’est ici que ça se passe pour Jet Banana, là pour Nazca et encore là pour Space Alli­ga­tors.

Un immense merci à :
Jet Banana, Nazca et Space Alli­ga­tors
Guillaume Coignard et Mathieu Rous­se­lot
Toute l’équipe de Star’s Music et notam­ment Julie de Smedt et Marion Cornu­det
Abbey Road Insti­tue France
Le Divan du Monde

Auteur de l'article Los Teignos

Si j'avais eu le physique, nul doute que j'aurais fait un grand Sumo, mais vu que je ne pèse que 80 kg, j'occupe mon temps comme je peux entre musique et littérature.


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