Après une première mouture sortie il y a deux ans, la RD-8 se voit remaniée en MkII pour le plus grand plaisir des amoureux du son typique TR-808. Entièrement analogique, plus facile à prendre en main que son modèle et infiniment plus abordable, elle a de quoi séduire…
Notre premier contact avec la RD-8 remonte au Superbooth 2019, où le stand Behringer arborait une bonne dizaine de synthés fraichement sortis, ainsi que des RD-808 et RD-909. Ce n’était encore que des prototypes à l’époque. La RD-808 était la plus avancée des deux, elle fonctionnait parfaitement. Nous avions été impressionnés par la taille généreuse, les fonctionnalités additionnelles et le son bien claquant. Après un changement de nom et une inversion de couleurs dans la rangée de 16 boutons, la désormais RD-8 allait enfin pouvoir conquérir le marché. Pendant ce temps, Cool Audio, société sœur de Behringer spécialisée dans les circuits intégrés, développait le VA662, clone de l’OTA BA662 présent dans tous les synthés et BAR Roland du début des 80’s. Les circuits de la RD-8 sont alors revus pour intégrer le VA662, corriger une inversion de phase sur la sortie audio et protéger le PCB par un bouclier désormais métallique. C’est donc cette RD-8 MkII que nous venons de tester…
Proportions avantageuses
Dès le déballage, la RD-8 MkII impressionne par sa taille et la générosité de ses commandes. Ses 50×27×8 cm pour 3 kg, ses 32 potentiomètres, son encodeur, ses 5 inverseurs et ses 59 interrupteurs sont autant d’invitations à la programmation. La qualité de construction est très bonne, avec un dessous métallique, un capot plastique bien rigide et des flancs plastiques. Les potentiomètres semblent robustes, sans toutefois être vissés à la façade. Certains sont plus durs que d’autres, ce qui semble s’améliorer à l’usage ; heureusement, le capot un peu rugueux permet un bon grip et la taille est nettement supérieure à ceux de la TR-808. Les codes couleurs ne sont pas sans rappeler cette dernière, la RD-8 MkII en reprenant en grande partie l’organisation (sons et pas). Celle-ci est très bien pensée, avec des sections familières ou clairement identifiables.
Les percussions offrent différents réglages sonores et des boutons individuels (sélection / solo / coupure / assignation aux effets). Une rangée de 16 interrupteurs lumineux permet de programmer les pas des séquences (on reconnait la MkII à ses 4 premiers interrupteurs noirs, là où ils étaient blancs sur la MkI). On trouve aussi un écran à 4 caractères (diodes 7 segments), des commandes de transport, une touche Tap, des sélecteurs pour les différentes sections d’une séquence, des touches de répétition automatique de pas ou de note, des sélecteurs de division temporelle, une touche de synchro, une section effets et deux potentiomètres de volume (général et casque). Tout cela est fort généreux et joue un grand rôle dans l’ergonomie de la machine, infiniment supérieure à la TR-808, que ce soit pour le jeu ou la programmation.
Arrière toutes !
Un petit tour par l’arrière laisse entrevoir une connectique tout aussi généreuse : borne pour bloc secteur (pas glop) avec dispositif d’attache (glop), interrupteur de puissance, sortie casque TRS, sortie ligne mono TRS, retour d’effet (entrée vers mixage final), prise USB type B (Midi uniquement, limité aux notes, transport du séquenceur et changements de séquences / Songs), trio Midi DIN, 11 sorties instruments individuelles (l’utilisation de l’une d’elles retire l’instrument de la sortie principale), 3 sorties trigger (2 assignables à la percussion de son choix, 1 pilotée par la piste Accent, merci !), ainsi qu’une entrée et une sortie synchro. Mise à part ces deux dernières au format mini-jack, toutes les prises audio sont au format jack 6,35. À noter que les hi-hats ouvert et fermé possèdent chacun leur propre sortie séparée, bien qu’ils soient exclusifs.
Génération analogique
Comme la TR-808, la RD-8 MkII est une pure BAR analogique pour l’ensemble de ses 16 percussions (11 simultanées). Chaque instrument possède des réglages spécifiques, reprenant tout ce qu’on trouve sur une TR-808, tout en ajoutant quatre réglages inédits. Le kick est le plus complet : aux niveau, filtre et déclin s’ajoute un réglage d’accordage. On passe à la snare, qui reprend les trois réglages originels : volume, filtrage et timbre. Viennent les trois toms / congas (exclusifs), dont on peut individuellement régler le volume et le pitch. On passe aux rimshot / clave (exclusifs), dont le seul réglage concerne le volume. Viennent ensuite les maracas / claps (exclusifs), dont on peut régler le volume et l’offset du clap, qui simule une sorte de réverbe vers la gauche et espace les claquements sur la droite. Le clap a évolué par rapport à la RD-8 MkI : il bénéficie désormais du circuit intégré VA662 en remplacement du 13700, ce qui donne un son plus brillant et claquant, comme sur la TR-808. La cloche n’offre qu’un réglage de volume ; son déclin est fonction de l’accentuation. Vient ensuite l’unique cymbale, dont on peut régler le déclin et le volume, comme sur le modèle. Viennent enfin les hi-hats ouverts et fermés (exclusifs), dont on peut pour chacun régler le déclin et le volume ; également pour chacun, un réglage de filtrage a été ajouté, permettant de sculpter précisément le son, bien vu !
Globalement, la RD-8 MkII sonne bien comme une TR-808, avec un kick sombre, une snare sèche et claquante, des toms/congas synthétiques caractéristiques, une cloche improbable, un clap tranchant, des hi-hats incisifs et une cymbale qui chuinte. On gagnera à utiliser les sorties séparées où le signal est logiquement plus élevé que sur la sortie principale, surtout pour faire des traitements externes séparés par percussion. La RD-8 MkII permet une grande variété sonore et va encore plus loin avec ses quelques réglages supplémentaires bien choisis. Dommage qu’on ne puisse sauvegarder les réglages ou transmettre des CC Midi, on reste dans un contrôle analogique direct, comme l’ancêtre. Mais rien de choquant à cela.
- RD-8 MkII_1audio 1 Patt102:23
- RD-8 MkII_1audio 2 Patt202:03
- RD-8 MkII_1audio 3 Patt302:00
- RD-8 MkII_1audio 4 Patt401:53
- RD-8 MkII_1audio 5 Analog FX00:58
- RD-8 MkII_1audio 6 Solo Perc01:41
Séquenceur boosté
La mémoire de la RD-8 MkII renferme 16 banques contenant chacune 1 Song et 16 séquences de 64 pas. Elle est livrée vide, mais après discussion, il est prévu qu’on puisse bientôt télécharger des séquences sur le site Behringer signées Ben Booker, démontrant les qualités sonores intrinsèques de la machine, tant dans l’imitation de la TR-808 que dans les nombreuses fonctions additionnelles. Les 16 séquences peuvent être utilisées en fill-in à tout moment, permettant d’épicer la rythmique en live. On peut aussi répéter un groupe de pas (1, 2, 4 ou 8). On peut encore couper une percussion à la volée, l’isoler, créer un ratchet (roulement de percussion à 1, 2, 4 ou 8 répétitions de même durée). Avec une valeur de 8, la répétition est tellement rapide que le son est modulé dans l’audio, ce qui le transforme de manière spectaculaire ! Et pour humaniser un peu le jeu, rien de tel qu’un peu de Swing (25 à 75%).
La programmation se fait indifféremment en mode grille ou en temps réel. Le mode grille fonctionne aussi bien séquence arrêtée qu’en marche. Les commandes de transport facilitent ce choix. On sélectionne la percussion à entrer et on allume les pas où on veut qu’elle soit déclenchée. La machine permet de choisir si on veut que les modifications soient tout de suite sauvegardées ou après une procédure de sauvegarde, très appréciable. On peut ajouter de l’accent sur chaque pas (global uniquement, pas pour chaque instrument), comme s’il s’agissait d’une percussion. En fonction du niveau réglé via le potentiomètre dédié, l’accent agit sur différentes caractéristiques prédéterminées pour chaque percussion (attaque, pitch, volume, release, etc., voire plusieurs paramètres simultanés). On peut aussi entrer les percussions en temps réel avec le pad Trigger (une par une) ou via un contrôleur Midi externe, tel qu’un clavier ou un multi-pad (plusieurs percussions en même temps, la vélocité permettant d’entrer l’accent par pas à la volée).
Une séquence peut prendre différentes divisons temporelles : 1/8, 1/8T, 1/16, 1/16T et 1/32. Fonction rare, la longueur d’une séquence peut être réglée globalement ou par instrument, sur 1 à 64 pas : bonjour polymétrie ! Pour chaque pas, on peut aussi définir une probabilité qu’une percussion soit jouée telle que programmée (0 à 100%) ; on peut aussi entrer un fla (répétition de 2 coups rapides d’une percussion dans un intervalle de temps allant de 0 à 24). Tout cela humanise davantage la rythmique. Des fonctions directes permettent aussi de copier/coller/effacer/rallonger des motifs, ce qui fait gagner un temps précieux.
Enfin, la RD-8 MkII offre un mode Song permettant de chainer 16 étapes de séquences. Chaque étape contient un numéro de séquence issue de la banque en cours (1 à 16) et un nombre de répétitions (1 à 100). Une fois la première étape terminée, la Song passe à la suivante. On peut décider si elle s’arrête après la dernière étape, reboucle sur la dernière étape ou reboucle sur l’ensemble de la Song, super ! On aurait bien aimé pouvoir utiliser les 256 séquences pour créer une Song (et pas uniquement les 16 de la banque en cours) et disposer de plus de 16 étapes (par exemple 64). Pour contourner cette limite, on peut enchainer plusieurs Songs, qui seront lues une seule fois l’une après l’autre, avec arrêt, bouclage à la dernière séquence ou bouclage intégral (comme pour les séquences d’une Song), sympa. Tout comme les séquences, les Songs peuvent être exportées pendant le jeu et réimportées vers une STAN ou l’appli maison SynthTribe (réglages et édition de séquences), ce qui permet de franchir la limite des 256 séquences et 16 morceaux dans un contexte live, bravo !
Effets analogiques
La RD-8 MkII intègre deux effets analogiques placés en série, formant un bus vers lequel on peut router les percussions de son choix. Si on utilise une sortie individuelle, le son contourne évidemment le bus d’effets. Le premier effet est une enveloppe à segments attaque / maintien qui agit évidemment sur l’attaque et le niveau. Cela permet d’obtenir des attaques compressées et des effets de pompage (attention à l’élévation du seuil de bruit dans certains cas). Le second effet est un filtre résonant 2 pôles, capable de fonctionner en mode passe-bas ou passe-haut. La fréquence de coupure varie de 10Hz à 15kHz. On peut en jouer live ou enregistrer les mouvements de la fréquence de coupure dans la séquence en cours, en temps réel ou en pas à pas, sur 256 valeurs. Bien vu ! La qualité de ce filtre est très correcte et prend tout son sens dans les styles de musique ciblés.
Conclusion
On trouve aujourd’hui des malades qui proposent des TR-808 à plus de 6.000 € et des barjots qui les achètent ! Quand on écoute la RD-8 MkII, on redescend un peu sur terre par rapport à cette cote stratosphérique, avec une machine très fidèle à l’originale permettant de couvrir les mêmes styles musicaux (c’est bien là l’essentiel quand on se questionne entre les deux), bien plus intuitive tant l’ergonomie a été améliorée. On conserve les réglages sonores de la TR-808 auxquels s’ajoutent de nouveaux paramètres bien sentis. Le séquenceur est quant à lui nettement plus performant, avec plus de mémoire, 64 pas, la polymétrie, des outils pour jouer live, des probabilités et autres subtilités très intéressantes.
Sans oublier le filtre analogique avec automation et le générateur d’enveloppe, auxquels on peut assigner n’importe quelle percussion. Dommage qu’il ne traite que les percussions routées au bus global, mais cela aurait considérablement compliqué l’électronique, tout comme rendre le bus global stéréo avec des panoramiques prédéfinis. Quant à la connectique, elle ne dépareille pas du modèle originel par sa générosité (notamment les sorties individuelles) et va même plus loin, avec un Midi solide DIN / USB et plusieurs sorties trigger pour s’interfacer avec le monde modulaire. Bref, pour une somme très modique au regard de ce qui est proposé, voilà une excellente BAR que nous conseillons très volontiers à tous les amoureux du son de la TR-808. Award qualité/prix bien mérité !