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Pédago
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Des normes, enfin ?

La Loudness War, 10e partie

Suite de notre dossier sur le volume, ses conséquences sur la musique, le son et nos oreilles.

Accéder à un autre article de la série...

La dernière fois, nous avons commencé à parler des efforts mis en œuvre, efforts qui proviennent aussi bien des construc­teurs, éditeurs, diffu­seurs et profes­sion­nels de l’au­dio (on a évoqué Sound Check, le nouveau prin­cipe mis en œuvre par Apple, d’autres ont précédé ou vont suivre) que des légis­la­teurs (l’idée de descendre dans une four­chette plus basse le volume des salles de concerts).

D’autres grands acteurs de la vie numé­rique ont mis en place un système de modé­ra­tion du volume : Spotify, d’abord, puisque l’op­tion de norma­li­sa­tion (je n’ai pu trou­ver d’in­fos précises sur les moyens utili­sés) est présente depuis 2009. Atten­tion quand cette option est désac­ti­vée, car Spotify utilise en perma­nence un limi­teur qui peut avoir un effet plutôt désa­gréable suivant le volume des diffé­rents morceaux (notam­ment ceux mixés trop fort, soit un très grand pour­cen­tage d’al­bums récents). Mais comme les albums trop « hot  » (au DR tout riquiqui) sonnent déjà mal…

Mais le plus impor­tant est peut-être ce que fait YouTube depuis le mois de décembre 2014. Rappe­lons que la plate­forme est l’un des médias les plus consul­tés au monde en ce qui concerne la décou­verte et le suivi d’ar­tistes musi­ciens, notam­ment auprès des plus jeunes d’entre nous ; à cet égard, le moindre frémis­se­ment est immé­dia­te­ment réper­cuté dans le monde entier, via les diffé­rents réseaux sociaux. Il n’est pas dit que le dernier en date ait suscité la même disper­sion que d’autres nouvelles plus triviales, mais il est d’une impor­tance énorme pour la lutte contre la guerre du volume.

Quand le 13 est béné­fique 

La plate­forme de strea­ming a implé­menté un nivel­le­ment du volume perçu de ses vidéos musi­cales, en utili­sant comme réfé­rence un niveau d’à peu près –13 LUFS. C’est-à-dire que tous les médias mis en ligne chez l’hé­ber­geur se verront modi­fiés pour offrir un niveau perçu égal, quel que soit le volume de départ. Votre audio offre un niveau de –20 LUFS (donc une possi­bi­lité d’avoir une très belle dyna­mique, en théo­rie de 20 LU) ? Hop, il gagne 7 LUFS en étant boosté à –13 LUFS, si la marge lais­sée par le niveau crête maxi­mum le permet (ce qui n’est pas toujours le cas). Votre audio offre un niveau de –8 LUFS ? Hop, il va perdre 5 LUFS pour être ramené à –13 LUFS. Devi­nez lequel sonnera le mieux ?

Regar­dons les deux captures d’écran suivantes.

La première est l’ana­lyse de « King Kuta » de Kendrik Lamar, de l’al­bum To Pimp A Butter­fly (DR de 5).

Loudness war

La seconde est l’ana­lyse de la vidéo du même titre sur YouTube.

Loudness war

On le voit, le Loud­ness est bien descendu autour de 13 LUFS. D’autres véri­fi­ca­tions du même genre ont bien montré cette modi­fi­ca­tion du volume perçu. Il est cepen­dant à noter que les vidéos et musiques mises en ligne avant décembre 2014 montrent encore des volumes très diffé­rents. Reste à savoir si YouTube pren­dra soin de les modi­fier toutes, ou si cela ne s’ap­pliquera qu’aux plus récentes. Et qu’un quel­conque arran­ge­ment commer­cial ne permet­tra pas à certains de sonner un peu plus fort ; suspi­cion légi­time, tant certaines vidéos récentes dépassent le cadre appa­rem­ment imposé (-13 LUFS)…

Chan­ge­ments

Mais, me direz-vous, moins 13 quoi ? –13 LUFS, pour Loud­ness Unit rela­tive to Full Scale, le LUFS étant la nouvelle unité de mesure défi­nie par la norme EBU-R128, dont on a déjà parlé ici. Pour rappel, la norme impose une valeur de –1 dBTP (dB True Peak) et une valeur de –23 LUFS. À noter, les normes inter­na­tio­nales, comme l’ITU-R BS.1770, proposent elles le stan­dard LKFS (pour Loud­ness K-weigh­ted rela­tive to Full Scale), qui est équi­valent au LUFS).

Sans rentrer dans tous les détails (si l’on cherche plus d’in­for­ma­tions, une liste de liens et docu­ments est four­nie en fin de cet article), il s’agit d’une nouvelle façon de mesu­rer le volume perçu (donnée toute rela­tive, mais comme d’ha­bi­tude avec un stan­dard, s’il est adopté par tout le monde, il fait sens) sur plusieurs durées (Inte­gra­ted, c’est-à-dire sur toute la durée d’un programme, Short et Momen­tary) ainsi qu’en termes d’écarts, avec le Loud­ness Range (en LU). En cas de non-respect du Loud­ness et des True Peak, les fichiers seront modi­fiés afin de rentrer préci­sé­ment dans les normes.

Grâce à cette nouvelle façon de voir (entendre) les choses, on peut espé­rer que son adop­tion par les diffé­rents médias conduira à une unifor­mi­sa­tion, non pas de la musique ou du son, mais bien du volume diffusé, lais­sant ainsi l’au­di­teur/spec­ta­teur libre de monter globa­le­ment le son d’un média, plutôt que de subir une course au volume destruc­trice sur le plan sonore, et en bout de chaîne, sur nos oreilles. Un exemple type d’ac­tion ? L’ef­fet pub après une émis­sion ou un film, qui n’écla­tera plus aux oreilles des spec­ta­teurs.

Pour réfé­rence, les deux exemples du précé­dent article ont été « mouli­nés » via un des nombreux proces­seurs permet­tant d’ajus­ter n’im­porte quel fichier audio au maxi­mum défini par l’une ou l’autre norme. Pour la démo sur Jones et Guetta, le proces­seur a été réglé à –20 LUFS.

Si les choses se géné­ra­lisent, et il semble que cela soit le cas, l’im­pact en amont va être énorme. Parce que les tenants actuels du « tout très fort  », maisons de disques, publi­ci­taires, radios et artistes eux-mêmes, vont s’aper­ce­voir (souhai­tons-le…) que leurs produc­tions font pâle figure à côté d’autres correc­te­ment mixées, puisque leur manque de dyna­mique, de clarté, d’im­pact va sauter aux oreilles. 

Un seul mot : vite.

Réfé­rences

Tous les docu­ments et liens ici propo­sés, ceux prin­ci­pa­le­ment utili­sés pour cette série d’ar­ticles, comportent eux-mêmes de très nombreux liens et réfé­rences que l’on pourra consul­ter si l’on cherche à appro­fon­dir ses connais­sances. Comme la majo­rité des papiers tech­niques, ils sont en anglais.

Un blog, déjà mentionné dans le test du Flux PAS, a cepen­dant proposé une synthèse en français :

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