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Pédago
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Les conséquences de la guerre du volume

La Loudness War, 3e partie

Suite de notre dossier sur le volume, ses conséquences sur la musique, le son et nos oreilles.

Accéder à un autre article de la série...

Nous en étions restés dans la précé­dente partie à un constat visuel : d’un côté la repré­sen­ta­tion graphique du tube de 1985, « Ladies & Gent­le­men, Grace Jones (Slave To The Rhythm) » chanté par Grace Jones et produit par un des grands produc­teurs de l’époque (toujours actif actuel­le­ment, mais plus discret), Trevor Horn. J’in­siste sur la notion de tube, impliquant ici le fait d’être un titre dansable (et qui avait fait les beaux jours des night clubs de l’époque, sous-entendu, pas besoin d’être surcom­pressé, sursa­turé pour faire danser…).

De l’autre celle d’un tube d’aujour­d’hui, « Crank It Up » signé par David Guetta, avec la parti­ci­pa­tion au chant de Akon.

Voici ce qu’on peut lire dans ce type de repré­sen­ta­tion graphique d’une forme d’onde : en données hori­zon­tales, il s’agit du temps, de la durée, en verti­cales, du volume, de l’am­pli­tude. Sur le Grace Jones, les traits fins repré­sentent ce qu’on appelle tran­si­toires d’at­taque, peaks (pics), crêtes, impul­sions, etc., et qui corres­pondent aux sons percus­sifs, brefs, ayant beau­coup d’at­taque ; les amas de bleu clair corres­pondent à des niveaux moyens de volume. Pour être précis, ils corres­pondent à un niveau RMS (Root Mean Square, racine carrée de la moyenne du carré d’une gran­deur sur un inter­valle tempo­rel donné, repre­nez donc une aspi­rine), que l’on rencontre prin­ci­pa­le­ment dans la mesure de l’in­ten­sité ou de la tension, dernière unité nous concer­nant ici. 

Loudness War

Un petit aparté, car nous allons toucher là à l’une des premières problé­ma­tiques sérieuses de la mesure audio, celle de repré­sen­ter le volume perçu (ou sonie). La mesure via VU-mètre, créée en 1939 puis stan­dar­di­sée en 1942 aux USA, est une des premières tenta­tives de visua­li­sa­tion des niveaux RMS et du volume perçu (à savoir, cette mesure VU-mètre est précise pour une onde sinu­soï­dale, mais beau­coup moins pour des signaux complexes). La mesure RMS, très fréquem­ment présente en audio­nu­mé­rique, est parfois aussi consi­dé­rée comme une approxi­ma­tion du volume perçu, mais aucune des deux mesures ne peut repré­sen­ter ce dernier avec préci­sion, car c’est une donnée subjec­tive (voir Volume perçu, volume mesuré, wtf ?).

« Le niveau RMS n’est qu’un aperçu, et un aperçu très, très approxi­ma­tif, du volume perçu.  » Bob Katz, Gears­lutz, avril 2006.

Reve­nons aux sons, aux crêtes et rappe­lons que les sons très brefs, percus­sifs, contiennent la quasi tota­lité des fréquences. Faites l’es­sai : prenez un bruit blanc et appliquez-lui une forme dyna­mique (autre­ment dit une enve­loppe, même si c’est un angli­cis­me…) très courte. En voici un exemple progres­sif (avec compen­sa­tion de la perte de volume) : 

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Reve­nons main­te­nant à nos images : sur la repré­sen­ta­tion du Guetta, il est diffi­cile d’iden­ti­fier quelques tran­si­toires que ce soit, et le niveau RMS montre une régu­la­rité assez inquié­tan­te…

Enfin, si l’on veut parler de données mesu­rées, le Grace Jones offre une plage dyna­mique de 17 dB, là où le David Guetta n’en propose que 3 dB (voir Mesure simpli­fiée de la plage dyna­mique). 

Volume perçu, volume mesuré, wtf ?

Une des choses engen­drant le plus de confu­sion, après la compres­sion (voir notre précé­dent article), est le déci­bel, abrégé en dB. Cet article essaiera d’uti­li­ser le moins possible cette unité de mesure rela­tive (et loga­rith­mique, atten­tion). Rela­tive car elle doit être expri­mée en fonc­tion d’une autre valeur : en simpli­fiant, on ne peut parler d’une valeur de deux dB dans l’ab­solu (alors qu’on sait exac­te­ment ce à quoi corres­pondent deux centi­mètres), mais de deux dB en plus ou en moins, par rapport à. De plus, il existe autant de dB que de données mesu­rées (dBu, dBW, dB SPL, dBm, dBV, etc.).

On peut mesu­rer de façon précise des niveaux élec­triques, des niveaux de pres­sion acous­tique, mais il est quasi­ment impos­sible de défi­nir de façon exacte la sensa­tion de volume perçu (comment mesu­rer « c’est deux fois plus fort, c’est quatre fois moins fort  » ?). 

Les dernières normes (EBU-R128, par exemple) se basent pour­tant sur cette idée subjec­tive. Contre­sens ? Non, car à partir du moment où l’on accepte l’exis­tence d’une norme, d’un stan­dard, ils seront valables pour tout et tout le monde, et permet­tront une base de compa­rai­son.

Une chose à rete­nir : en audio­nu­mé­rique, on utilise le dB FS (déci­bel pleine échelle, deci­bel full scale) et le dB FSTP (True Peak, vraie crête). Ce sont des mesures de la plus grande valeur possible, admis­sible. Il est hors de ques­tion de les dépas­ser. On revien­dra sur ce qui les diffé­ren­cie.

Mesure simpli­fiée de la plage dyna­mique

À l’is­sue d’une volonté de regrou­per les profes­sion­nels (et moins profes­sion­nels) contre la Loud­ness War, le site Dyna­mic Range a dans un premier temps réuni des infor­ma­tions, des télé­char­ge­ments, une liste d’ins­crip­tions selon votre acti­vité, et bien d’autres données. Asso­cié à deux éditeurs, il a aussi proposé au télé­char­ge­ment un très bon outil nommé TT DR Offline Meter, qui permet de mesu­rer la plage dyna­mique de vos albums et morceaux préfé­rés. Le télé­char­ge­ment de ce logi­ciel est main­te­nant dispo­nible dans le menu Links de ce site, qui propose aussi et surtout une liste d’al­bums passés au crible de cet outil.

Le fonc­tion­ne­ment est très simple, on glisse le fichier ou le dossier de l’al­bum (atten­tion, enle­vez toute ponc­tua­tion ou accen­tua­tion, et n’uti­li­sez que du 16 bits, 44,1 kHz) sur la barre supé­rieure du logi­ciel, et celui-ci calcu­lera la crête la plus haute (dB FSTP, ce qui explique que l’in­di­ca­teur affiche parfois « Overs ») ainsi qu’une moyenne des 20 niveaux RMS les plus forts pris dans un histo­gramme consti­tué de 10 000 mesures effec­tuées par fenêtre de trois secondes (avec une préci­sion de 0,01 dB), le résul­tat de la sous­trac­tion (niveaux RMS – crête) donnant le DR (Dyna­mic Range, plage dyna­mique). 

Même si de nouveaux stan­dards sont appa­rus depuis, ce type de mesures reste perti­nent, et garde l’idée de compa­rai­son. Vos oreilles, de toute façon, devraient norma­le­ment bien vous rensei­gner sur le sujet…

Faire trem­bler l’im­meuble ?

AVER­TIS­SE­MENT : concer­nant les écoutes à venir de cet article et des suivants, il est formel­le­ment décon­seillé d’uti­li­ser un casque ! 

Loudness War

Avant de conti­nuer, commençons par faire un test, en écou­tant l’ex­trait du Grace Jones. Vous allez régler votre système (je répète, surtout pas d’écoute au casque !) de façon à pouvoir écou­ter cet extrait à un volume vous permet­tant d’ap­pré­cier la pêche du morceau, sans néces­sai­re­ment aller à fond, les EQ en posi­tion neutre, dans votre lieu habi­tuel (et en pleine jour­née…).

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Puis, vous allez écou­ter sans rien toucher au volume précé­dem­ment réglé, mais en vous bouchant les oreilles, l’ex­trait du David Guetta. Si vous êtes coura­geux, essayez d’en­le­ver les mains de vos oreilles pendant cinq secondes, mais pas plus. 

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Ensuite, allez régler les problèmes nouvel­le­ment créés avec votre voisi­nage, et reve­nez lire la suite.

Télé­char­gez les fichiers AIFF (en ZIP)

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