Tracktion est mort : vive Waveform ! La célèbre petite STAN change de nom à l’occasion de sa version 8, mais pas seulement…
Ce n’est un secret pour personne. On a toujours eu à Audiofanzine un gros faible pour Tracktion. Ce n’est pas que cette STAN soit forcément meilleure que les Cubase, Logic, Sonar, DP, Reaper, FL Studio, Pro Tools ou Studio One qui se disputent le marché, car elle serait même la moins complète du lot sur le plan fonctionnel. Face à un amas d’usines à gaz qui finissent toutes par se ressembler en s’inspirant les uns des autres, elle a toutefois l’énorme avantage d’être différente, que ce soit dans ses fonctionnalités ou dans son ergonomie. Après plus 15 années passées à améliorer son bébé, Julian Storer ne nous présente pourtant pas Tracktion 8, mais Waveform, sa nouvelle STAN. Est-ce la suite déguisée de Tracktion ? Oui, en partie, même si ce changement de nom cache bien d’autres nouveautés, comme nous allons le voir en vidéo :
Ou avec les bons vieux mots vintage qui suivent… ;-)
La première de ces nouveautés, c’est du côté des tarifs qu’elle nous vient, Waveform étant proposé dans trois versions : Basic à 99 $, Pro à 150 $ et Ultimate à 200 $, sachant que le seul changement de l’une à l’autre de ces versions tient dans le bundle qui accompagne le logiciel Waveform. Avant d’évoquer le contenu de ces derniers, on se penchera d’abord sur le séquenceur même, non sans constater avec regret que sa version nue (sans aucun bundle donc) connaît une augmentation de 66 % par rapport à Tracktion 7. Que voulez-vous ? Il faut bien que les développeurs vivent.
Premiers contacts
Les retrouvailles sont à la fois rassurantes et décevantes, car en dépit d’un nouveau logo, ce Waveform à des furieux airs de Tracktion 8. En se penchant toutefois sur les détails, on tombe vite sur une petite icône qu’on ne connaissait pas dans le coin supérieur droit de l’interface. Un clic dessus et vlan ! Nous voici nez-à-nez avec une table de mixage ! Une interface que le développeur s’était toujours refusé à intégrer, préférant une disposition horizontale des différentes tranches en regard des pistes qui les concernent. Si ce système existe toujours, il est donc rejoint par une console plus classique qui n’a rien de très surprenant : panpot, fadeur, vu-mètre, solo et mute, il n’y a bien qu’au niveau des effets que Waveform demeure original, l’envoi vers un bus auxiliaire passant par une brique Send et une brique return qu’on placera parmi les inserts en recourant à une autre tranche. S’il s’avère un tantinet fastidieux dès qu’on veut recourir à un bus auxiliaire, ce système présente un énorme avantage : il permet de prélever le signal où on le souhaite : pré ou post fader, avant ou après tel effet, etc. avec même la possibilité de mettre différents Envois à différents emplacements. Bref, question souplesse, c’est très bien vu, même si la mise en place d’un bus est du coup plus laborieuse.
L’autre grande nouveauté tient au fait que dans sa version basique, Waveform propose enfin un synthé/sampler livré avec une bonne petite collection de sons prêts à l’emploi. Ne vous emballez pas : ces derniers n’ont pour la plupart rien de transcendant, et comme c’est souvent le cas avec les instruments de base fournis dans les STAN, on alterne le correct, le tout juste passable et le médiocre (les instruments acoustiques notamment). La bonne nouvelle vient toutefois du fait qu’il s’agit non pas d’un rompler fermé mais d’un vrai (petit) sampler dans lequel vous pourrez importer vos propres échantillons pour en faire des instruments. Bref, si Collective ne va probablement pas intéresser ceux qui disposent déjà de bien mieux dans leur répertoire VST (on est tout de même loin d’un Sampletank, et encore plus loin d’un HALion, d’un Falcon ou d’un Kontakt), son apparition comble une vieille lacune du logiciel et justifie en partie l’augmentation de prix. Or ce n’est pas la seule nouveauté.
L’harmonie pour les nuls
On notera d’abord que Waveform est compatible avec la norme MPE (Multidimensional Polyphonic Expression), ce qui ravira les utilisateurs des produits Roli : ceux qui ont essayé un clavier Seaboard le savent, la possibilité de gérer pour chaque note, indipendamment des autres, des paramètres comme le pitch bend, décuple les possibilités offertes par le clavier (voir le test à cette adresse). C’est donc avec un certain enthousiasme qu’on accueille cette nouveauté, en attendant que toute la concurrence s’y mette !
Soucieux d’assister les utilisateurs n’ayant pas de notions de solfège, Waveform intègre par ailleurs un Pattern Generator qui pourra être utilisé au choix pour générer des accords ou des arpèges, une ligne de basse ou même une mélodie. L’idée part d’un bon sentiment, mais elle pêche toutefois dans sa réalisation. Il est en effet impossible de détecter les accords joués sur les autres pistes et pour peu que l’on parte de ce système pour générer une progression harmonique, on se heurte à des choses mal pensées : les différentes pistes du morceau ne sont pas liées entre elles au niveau harmonique par exemple, tandis que le générateur d’accords semble avoir du mal avec les signatures ternaires ou que l’édition d’une progression vous fait perdre une mélodie que vous aurez passé du temps à saisir. Bref, on est loin de la piste Accords d’un Cubase même si l’intention est louable.
On regrette surtout que le développeur ait choisi de nous proposer une nouvelle fonction de plus ou encore d’assurer la compatibilité avec les plateformes Raspberry Pi, plutôt que de travailler sur les 1001 choses qu’on pourrait reprocher à Tracktion depuis des lustres.
Mess Univers
En effet, que ce soit au niveau de la gestion des plug-ins, des clics droits ou du bandeau central qui permet d’éditer les différents éléments, Tracktion est toujours aussi bordélique d’un point de vue ergonomique. Tout y fait la même taille et semble jeté pêle-mêle tandis que des choses simples comme changer un tempo ou une signature rythmique doivent se passer en deux temps. Bref, on s’agace de cette foule de petits détails, non parce que c’est là que réside l’essentiel, mais parce que cela fait des lustres qu’on voudrait les voir corrigés et qu’aussi vraie que les petits ruisseaux font les grandes rivières, l’accumulation de petits reproches finit avec le temps par se transformer en grief.
Reconnaissons toutefois que Julian ne s’est pas tourné les pouces, comme en témoignent les versions +Pack et Ultimate proposant un pack complet de plug-ins et le synthé Biotek selon la formule choisie. Or, sans pour autant que ces plug-ins soient mauvais, ils n’ont rien non plus de bouleversants. Vendue seule 150 $, la suite de plug-in aura bien du mal à rivaliser avec une bonne sélection de freewares ou ce que l’on trouve chez Toneboosters par exemple, d’autant qu’encore une fois, tout n’est pas irréprochable en termes d’ergonomie. Quant à Biotek vendu 150$ lui aussi, tout en produisant des sons intéressants bien qu’à la limite de faire de la musique tout seul, il dispose d’une interface qui frise l’ésotérisme : disons que c’est un synthé conceptuel… Même à 200$ au lieu de 400, le pack Ultimate n’a donc rien de très attractif…
Conclusion
En dépit d’un nouveau nom qui laissait espérer une révolution, Waveform est bien la huitième version de Tracktion pour le meilleur et pour le pire, avec les mêmes qualités… mais aussi les mêmes défauts. Et comme son tarif à été revu à la hausse pour se porter au niveau de l’entrée de gamme de bien des concurrents, on attendait bien plus de Waveform qu’une console, un instrument virtuel, un pattern generator très perfectible et une compatibilité Raspberry Pi. Fourni avec Melodyne Essential à moins de 100 $, le logiciel demeure certes un bon plan dans sa version Basic en termes de rapport qualité/prix, mais on aimerait vraiment que son auteur se penche sur toutes les lourdeurs qui nuisent à son logiciel depuis des lustres. Quant aux versions +Pack et +Pack Ultimate, elles sont clairement moins attractives que la version Basic, vu que les plug-ins qu’elles proposent ne parviennent pas totalement à convaincre.
Cela ne retire rien à toutes les très bonnes idées qu’on trouvait dans Tracktion et qu’on retrouve dans ce Waveform, et il ne fait aucun doute que les anciens utilisateurs de la STAN auront tout intérêt à lâcher les 50 $ réclamés pour la mise à jour. Quant à savoir si ceux qui cherchent un premier séquenceur devraient choisir celui-ci, disons qu’à ce prix là, il y a du monde en face qui ne manque pas d’arguments, même si les concepts particuliers du logiciel peuvent les séduire. C’est cependant pour trancher ce genre de questions que les version d’évaluation existent…