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Le timbre (II)

Les bases de l'acoustique : le timbre (II)

Nous avons au cours de la première séquence, donné physiquement une définition du timbre. Nous avons insisté sur la nature « plurielle » des éléments qui le composent et qui en définissent par cela même sa nature et surtout le nombre infini de combinaisons possibles entre les différentes composantes spectrales !

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Nous allons appro­fon­dir cette analyse en nous préoc­cu­pant à présent des influences que peuvent appor­ter les varia­tions d’autres para­mètres tels l’in­ten­sité, la durée et l’es­pace sur la percep­tion timbrale. En effet, ces variables ne sont pas « étanches » les unes par rapport aux autres : le fait même d’en modi­fier une, se réper­cute sur l’autre soit de façon réelle c’est-à-dire évaluable physique­ment ou subjec­tive c’est-à-dire percep­tible à l’oreille donc à travers le déco­dage du cerveau. La percep­tion timbrale dans son ensemble relève en effet de la somme de toutes ces quan­ti­tés psychoa­cous­tiques que va évaluer et rassem­bler notre cerveau.

L’ef­fet Stevens

Effet StevensFig 1 : diagramme de Stevens

L’ex­pé­rience porte sur des sons simples donc sinu­soï­daux. Sur une fréquence donnée et physique­ment constante, par exemple 5000 Hz on augmente l’in­ten­sité en la faisant varier par exemple de 40 à 90 dB. L’au­di­teur croit en toute bonne foi avoir entendu monter le son dans l’aigu. Et cela envi­ron de 40 Savarts c’est-à-dire presque un ton (un ton « tempéré » = 50 Savarts) Il s’agit là en effet d’une varia­tion virtuelle de la hauteur, qui ne relève que de la percep­tion humaine et non pas d’un appa­reil de mesure. Pour des fréquences infé­rieures à 1000 Hz, c’est l’in­verse. On va avoir l’im­pres­sion que le son plonge dans le grave lorsqu’on augmente son inten­sité. ( Voir schéma 1) Cela se nomme l’ef­fet Stevens.

Consé­quences de l’ef­fet Stevens

Figure 2Fig 2 : sensa­tion d’éloi­gne­ment des harmo­niques de leur justesse réelle,
dans le cas d’un cres­cendo.

 

Une varia­tion réelle de l’in­ten­sité sur les compo­santes du spectre entraîne une varia­tion subjec­tive du timbre.

Dans le cas d’un signal complexe donc pour la majo­rité des sons qui nous entourent, lors d’une varia­tion progres­sive de l’in­ten­sité d’un son, chaque compo­sante va vivre indi­vi­duel­le­ment son propre effet Stevens. On peut alors imagi­ner comment notre oreille peut perce­voir de manière « déca­lées » les compo­santes du spectre lors par exemple d’un cres­cendo à la trom­pette. Peut-on encore parler de spectre harmo­nique si certaines fréquences un peu taquines se mettent à nous faire croire qu’elles sont un peu plus hautes ou plus basses que la réalité ? Il y a donc bien au niveau de notre oreille, une sensa­tion d’évo­lu­tion timbrale lorsque l’in­ten­sité augmente.

Il est facile d’en déduire que tout signal complexe assujetti à une varia­tion d’in­ten­sité va voir la percep­tion de son spectre donc de son timbre altéré.

Rôle des formants

Figure 3Fig 3 : avec un formant autour de 3000Hz, l’in­ten­sité du son paraît plus impor­tante.

Nous avons vu au cours de la première séquence, qu’un formant est une fréquence du spectre dont l’éner­gie est parti­cu­liè­re­ment plus forte. Certains instru­men­tistes à vent et les chan­teurs clas­siques utilisent ce fait pour gagner en puis­sance (où du moins pour vous en donner le senti­ment) sans réel­le­ment four­nir plus d’éner­gie. Effort que tech­nique­ment ils seraient bien en peine de four­nir… à moins d’y lais­ser leurs poumons !

Comment l’illu­sion s’opère-t-elle ? Et bien c’est un peu le coup du Kilo de plumes et du Kilo de plombs… lequel est le plus lourd ? L’ins­tru­men­tiste va travailler sur le timbre pour vous faire croire qu’il augmente l’in­ten­sité. Il va grâce à sa tech­nique, répar­tir diffé­rem­ment l’éner­gie dans le spectre, en la concen­trant plus parti­cu­liè­re­ment autour de 3000 Hz, là où l’oreille est très sensible et réagit aux plus faibles inten­si­tés. Le son est perçu plus fort par l’au­di­teur alors qu’en console, on peut ne consta­ter qu’un faible écart au vumètre.

Modi­fi­ca­tion réelle du timbre et sensa­tion de varia­tion de hauteur

Lorsqu’il y a filtrage d’une partie du spectre, ce qui peut être le cas sur scène à cause d’un décor, d’un pendrillon ou tout autre obstacle, on peut avoir la très désa­gréable impres­sion que le musi­cien joue faux : un peu trop haut ou un peu trop bas. Ce phéno­mène est dû à l’ab­sorp­tion par le maté­riau, d’une bande de fréquence du spectre. Ce « trou » dans le timbre peut être suffi­sant pour nous faire croire que la hauteur varie.

Cet effet se constate dans le cas de sons « sépa­rés » ce qui est le cas de la musique en géné­ral !
Il sera encore plus sensible si le spectre de l’ins­tru­ment n’est pas ou peu harmo­nique : par exemple, sons appa­ren­tés aux cloches ou le cas du xylo­phone.

Ce phéno­mène n’opère pas dans le cas d’un son harmo­nique émis en continu. La mémoire conser­vera la « trace » de l’es­pace entre les harmo­niques et la justesse sera conser­vée. Seules les modi­fi­ca­tions du timbre dues au filtrage seront perçues.

Timbre et durée : le rôle des tran­si­toires

L’at­taque

Nous consa­cre­rons un chapitre sur le para­mètre de la durée où la notion de courbe d’en­ve­loppe sera abor­dée. Mais dans le cas présent, il est diffi­cile de ne pas évoquer la notion d’évo­lu­tion du timbre dans le temps et de ne pas souli­gner au moins l’im­por­tance de la nature de l’at­taque dans la déter­mi­na­tion du spectre qui va suivre.

Chacun sait que l’ou­til choisi pour mettre en vibra­tion le corps sonore libère ou non un certain nombre de compo­santes. Une cymbale « attaquée » à l’ar­chet ou au ballet ne sonnera pas de la même façon. L’un comme l’autre libè­rera au niveau du spectre des éléments diffé­rents.

Le sustain

Seul un synthé­ti­seur est capable de déli­vrer un signal parfai­te­ment stable en timbre dans la durée. C’est d’ailleurs ce que l’on reproche fréquem­ment aux « samples » utili­sés dans nos machines et qui donnent parfois aux sons imita­tifs un manque de relief… Dans le cadre de l’ins­tru­ment acous­tique, le timbre évoluera constam­ment, avec un degré d’im­pré­vi­si­bi­lité lié à la dimen­sion humaine et physique des tech­niques de jeu.

Le release ou tran­si­toire d’ex­tinc­tion

L’es­pace de propa­ga­tion dans lequel le son est « capté » ainsi que le lieu d’écoute modi­fient le timbre. Nous abor­de­rons plusieurs sujets rela­tifs au problème de l’acous­tique archi­tec­tu­rale dans nos dossiers. Dans le cas présent, nous consta­te­rons en premier lieu le fait que la réver­bé­ra­tion de l’es­pace de propa­ga­tion modi­fie le release et retarde ou abrège ( dans le cas d’un espace parti­cu­liè­re­ment mat comme une chambre anéchoïde) le temps de dispa­ri­tion des compo­santes. Le timbre se trouve de fait soit « dilaté » dans le temps ou « abrégé ». Le timbre d’une même source sonore peut donc se trou­ver altéré en fonc­tion de lieux d’écoutes diffé­rents, compte tenu du fait que l’at­té­nua­tion n’est pas linéaire en fréquence.

 

Loi d’at­té­nua­tion du timbre en fonc­tion de la distance

Si vous enten­dez en plein air un orchestre au loin­tain, vous perce­vrez en premier les basses. Puis en vous rappro­chant, vous enten­drez le médium puis en dernier une fois proche de la source les aigus. Ce phéno­mène vient du fait que chaque fréquence en fonc­tion de la rela­tion qui la lie à la vitesse de propa­ga­tion du son et de la longueur d’onde, arri­vera plus ou moins vite jusqu’à votre oreille.

Suivant votre distance de la source sonore, le timbre se trouve altéré et la notion d’éloi­gne­ment s’as­so­cie bien plus à un « défi­cit » en aigus qu’à une réelle décrois­sance de l’in­ten­sité du signal. Un son éloi­gné se recon­naît ainsi par son timbre.

Figure 4

 

La satu­ra­tion et la distor­sion

Quand on effec­tue les mesures d’ef­fi­ca­cité d’un ampli­fi­ca­teur, par exemple, on mesure la distor­sion harmo­nique totale (D.H.T). Cela indique le « degré » de défor­ma­tion du signal audio entré pour une puis­sance de sortie donnée. Cette valeur est expri­mée en « % » et repré­sente la quan­tité d’in­for­ma­tions indé­si­rables (fréquences harmo­niques du signal, bruit, para­sites, etc.) qui s’ajoutent au signal en sortie de l’ap­pa­reil. Plus la valeur est élevée, moins bon est l’ap­pa­reil, bien entendu. Toute­fois, les musi­ciens y trouvent parfois « leur bonheur »… : les guita­ristes sont ainsi friands du jeu saturé et de l’uti­li­sa­tion de la pédale de distor­sion. Si l’on injecte un signal sinu­soï­dal dans un appa­reil à un niveau supé­rieur à celui qu’il peut « encais­ser », on va satu­rer l’en­trée et créer une distor­sion musi­cale : l’éner­gie perdue en ampli­tude va se trans­for­mer en compo­sants harmo­niques supplé­men­taires qui enri­chi­ront le timbre. (Fig 4). L’exemple de la figure 4 montre le résul­tat, avec un signal sinu­soï­dal en entrée. Si on applique un signal complexe, le gain en richesse du timbre sera d’au­tant plus impor­tant.

Les inci­dences du timbre sur le niveau du signal

Nous avons vu plus haut que si l’on déplaçait les zones d’éner­gie d’un signal vers la zone sensible de l’oreille, on avait l’im­pres­sion de perce­voir un signal plus intense. Mais… lorsque nous allons jouer sur les correc­teurs de tona­lité de nos tranches de consoles, nous allons ajou­ter ou retran­cher de l’éner­gie cette fois-ci, réelle sur le plan élec­trique, ce qui aura un effet certain sur le niveau du signal diffusé. Il faudra donc être vigi­lant au niveau du gain d’en­trée de la tranche, qu’il pourra être utile de retou­cher, afin d’évi­ter de satu­rer. D’une certaine manière, on pourra aussi consi­dé­rer qu’à l’op­posé, on pourra « rappro­cher » un son dans le mixage en augmen­tant simple­ment un peu le niveau de l’un des correc­teurs (de préfé­rence, plutôt dans le médium-aigu…)

Modi­fi­ca­tion de la percep­tion du timbre liée à la distance

Comme nous venons de le dire, on peut rappro­cher un signal dans un mixage en lui ajou­tant un peu d’ai­gus. Tout simple­ment, parce que comme nous l’avons dit précé­dem­ment, les fréquences des harmo­niques aiguës s’amor­ti­ront plus vite. On peut donc en déduire qu’une source éloi­gnée aura un timbre plus sourd qu’une source équi­va­lente, à proxi­mité. Nous venons donc de mettre en évidence une manière de mixer qui favo­ri­sera la véra­cité en jouant sur les timbres plutôt que sur les niveaux : les premiers plans seront plus « brillants » et les arrière-plans plus sourds. La véra­cité du mixage y gagnera en conser­vant une homo­gé­néité sonore que le simple fait d’agir sur les faders n’au­rait pas permis.

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  • diablomephisto 985 posts au compteur
    diablomephisto
    Posteur·euse AFfolé·e
    Posté le 12/12/2013 à 19:11:22

    Et bah dis donc j'aurais jamais imaginé l'existence d'un phénomène comme l'effet stevens.

    Par contre je suis pas sur de bien comprendre la phrase : "Si vous entendez en plein air un orchestre au lointain, vous percevrez en premier les basses. Puis en vous rapprochant, vous entendrez le médium puis en dernier une fois proche de la source les aigu. Ce phénomène vient du fait que chaque fréquence en fonction de la relation qui la lie à la vitesse de propagation du son et de la longueur d’onde, arrivera plus ou moins vite jusqu’à votre oreille".

    La célérité du son étant la même quelques soit la fréquence, j'ai du mal à saisir.

     

     

    ps: merci pour l'article.

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