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Pédago

J'improvise ! oui mais...

L'improvisation musicale, l'art d'improviser

Déjà une limite dans mon titre : oui... mais ! Pourquoi accoter “Limite” avec “Improviser”, demanderez-vous peut-être ? Et ce, dès le départ ? Improviser, ça peut avoir l'air facile, mais il n'en est rien. Car il faut franchir une multitude de barrières.

Déjà une limite dans mon titre : oui… mais ! Pourquoi acco­ter “Limite” avec “Impro­vi­ser”, deman­de­rez-vous peut-être ? Et ce, dès le départ ? Impro­vi­ser, ça peut avoir l’air facile, mais il n’en est rien. Car il faut fran­chir une multi­tude de barrières. D’abord il y a le corps : il faut être en forme physique pour donner de l’éner­gie à l’ins­tru­ment, le piano dans mon cas. Parti­cu­liè­re­ment l’ouïe. Je me suis vu souvent dans un état de satu­ra­tion sur le plan des ondes sonores. Trop c’est trop. Ça a l’air de rien, mais c’est très impor­tant ! Où est le plai­sir si les oreilles vous lancent un appel au silence et que vous les inon­dez de sons qu’elles ne peuvent plus suppor­ter ? Quant au reste du corps, s’il est stressé, fati­gué ou malade, encore-là : quel plai­sir à s’as­seoir sur un banc, le dos en bouillie, ou le ventre dérangé par quelque indi­ges­tion ? Le plai­sir est donc le fil conduc­teur par excel­lence.

Impro­vi­ser, c’est… rendre l’âme

Sans soute­nir une concep­tion dualiste de l’être, je peux tout de même affir­mer que je dois tenir compte des réali­tés invi­sibles ou spiri­tuelles de mon être. “L’amour, ça ne s’ana­lyse pas” (Édith Piaf), ça ne se voit pas, on ne peut le trou­ver à tel ou tel endroit dans notre être, mais l’amour existe bien, n’est-ce pas ? Donc, devant mes notes blanches et noires, de mes dix doigts, je dois trans­mettre une réalité invi­sible de mon être, tout en passant évidem­ment par “les sens”, comme on dit. Encore-là, il y a plai­sir à faire ça. Mais c’est loin d’être tout !

Impro­vi­ser, c’est se mettre en rela­tion avec l’ins­tru­ment

Car il me faut connaître non seule­ment la belle gamme de sons qui résonnent dans mes oreilles mais aussi comment chaque sono­rité me fait réagir person­nel­le­ment ! J’ai donc dû étudier par moi-même, patiem­ment, ces chemins de musique pour les appri­voi­ser, les rendre le plus près possible de ce que j’aime. La rela­tion des accords consti­tue le fond même de l’im­pro­vi­sa­tion. Un autre fil conduc­teur me guide toujours : l’amour de ce que j’en­tends ! J’ai dû explo­rer, un à un, les maté­riaux pour me les appro­prier comme dans une sorte de banque interne où je peux puiser n’im­porte quand et surtout libre­ment et ce, autant sur le plan tech­nique que sur le plan “sonore” propre­ment dit.

Impro­vi­ser, c’est plon­ger

Le pire effort à faire, le plus long aussi à maîtri­ser, c’est de s’aban­don­ner au moment présent… S’il y a la chan­son “Un jour à la fois”, il y a dans l’im­pro­vi­sa­tion “Un instant sonore à la fois” dans lequel doit s’ex­pri­mer tout son être et tout de son être aussi. Ça, c’est le subli­me… quand il arrive, cet instant ! C’est rare, dans mon cas du moins, car n’ayant aucune forma­tion tradi­tion­nelle en musique, mes pauvres oreilles ont à subir les affres d’une personne qui cherche beau­coup avant de trou­ver.

Patience ! Se plaire à soi-même est très exigeant car son oreille est tout de même “culti­vée” depuis plusieurs années par ce que l’on joue. Person­nel­le­ment, étant un amou­reux du son, du beau chant, de la belle musique, des beaux instru­ments de musique (le piano dans mon cas), je sens l’in­fluence de cette culture lorsque j’im­pro­vise. J’ai des histoires d’amour et de peine à son sujet, dans mes 58 années d’exis­tence. L’ins­tru­ment par lui-même m’est toujours apparu comme incon­di­tion­nel­le­ment beau et sympa­thique, rassu­rant dans un salon… On l’ima­gine faci­le­ment entouré de monde qui adore chan­ter ! Il est si convi­vial !

Tout piano a son âme, mais aussi ses limi­tes… Parfois, j’ai­mais les hautes mais pas les basses; parfois c’était le contraire. Parfois, seul le centre du piano semblait avoir de la vie sonore. Encore-là, je parle d’amour. L’ins­tru­ment doit plaire à mes grandes oreilles (huit pouces et demie ! Je blague, je blague). Mais il y a aussi l’en­droit où il laisse aller ses sono­ri­tés. J’ai un piano à queue, 5 pieds, huit pouces, un Petrof, et croyez-moi, je ne peux en jouer n’im­porte où au premier étage de ma maison car, trop près des murs, il vous bombarde les tympans à vous en faire mal. Chez moi, il n’y a qu’une seule place où le son peut se répandre avec amour ! Et encore, là, je dois me restreindre un peu au niveau de la force de frappe.

Pour ache­ver ma pensée sur le plon­geon, voici une image qui fera comprendre faci­le­ment ce que je veux dire… Imagi­nez-vous en haut d’une piscine, sur la planche à plon­ger, au bout! En bas… loin loin loin de vous, il y a la surface de l’eau. Je n’ap­pren­drai alors à plon­ger qu’en plon­geant ! Facile ? En quelque sorte oui ! C’est le seul et unique moyen de se débar­ras­ser du syndrome de la fameuse page “blanche” pour l’écri­vain, du clavier plein de notes blanches et noires (pour le pianiste) ! J’ai “souf­fert” de ce syndrome plusieurs années car je voulais jouer un morceau “parfait” en commençant… par peur de l’er­reur, par peur “des autres”, en fin de compte, par peur d’être jugé incom­pé­tent ! Mais, comment commen­cer un voyage sans faire le premier pas ?!

Une chan­son, c’est l’in­es­ti­mable cadeau d’un autre

Il y a 5 ans, grâce à certaines circons­tances, on m’a invité à animer des soirées de chant dans un foyer pour personnes “âgées” (Ne le sommes nous pas tous et toutes, “âgées de…”?!) au village de St-Guillaume d’Up­ton, dans la belle province de Québec, au Canada.

Or je ne savais abso­lu­ment rien de l’ac­com­pa­gne­ment. Rien ! De plus, je savais que j’étais une vraie nouille au niveau mémoire des chants. Comment m’en suis-je sorti puisque j’anime encore ces soirées, deux soirs par semaine, pendant deux heures et 15 minutes à peu près ? Avec beau­coup de travail de prépa­ra­tion. Je devais percer le mystère de chaque chant convoité. Si j’ai affirmé que j’étais nouille sur le plan mémoire, je voulais dire par là que je ne savais pas mémo­ri­ser les notes à jouer au piano ou au clavier. Mais mes oreilles, elles, n’ou­bliaient jamais un beau chant, un bel air, surtout ceux dont on ne peut s’em­pê­cher de monter le volume quand on les entend à la radio ou sur un disque (telle­ment ils nous font “flip­per”). Je pouvais donc repro­duire par ma voix ces beaux airs. Autre­ment dit, je pouvais les chan­ter avec les bonnes personnes du Foyer du Bel Âge. Par ailleurs, parmi les maté­riaux tech­niques amas­sés en moi, j’avais une notion des diffé­rents accords au piano, à force de les explo­rer au cours de mes 50 ans d’amour à ce faire. J’étais un peu moins habi­lité à les nommer, à les clas­ser et même à les ordon­ner selon leur famille sonore propre.

La belle surprise que j’ai eue, dès les premiers chants que j’ai explo­rés, fut celle de décou­vrir que le code des accords pour chaque chan­son était assez simple pour la plupart. Assez souvent, 3 ou 4 accords suffi­saient à me faire entrer dans chaque petit livre mysté­rieux de quelqu’un (le compo­si­teur) : sa chan­son ! Lire une parti­tion m’était cepen­dant impos­sible. C’est un métier qui prend des années à maîtri­ser, admet­tons-le ! Mais, avec les paroles et la place où chaque accord doit être fait sur celles-ci, je pouvais, grâce au clavier qui comporte la merveilleuse fonc­tion du “One finger”, grâce à une banque de rythmes aussi (la valse, le mambo, la salsa, etc.), je pouvais donc chan­ter et faire chan­ter le dit chant et en tirer plein de satis­fac­tion et de plai­sir ! Vous allez me dire: “Mon Dieu, y a rien-là, c’est le clavier qui fait tout”. Humble­ment je vous affirme la même maudite chose. C’est plus que facile ! Évidem­ment, on ne parle pas d’im­pro­vi­sa­tion ici. Si je vous ai écrit sur cette étape de ma vie en musique, c’était pour expri­mer une rela­tion très enri­chis­sante qui s’éta­blit auto­ma­tique­ment entre celui ou celle qui perce le mystère musi­cal d’un chant, par ses paroles et par sa musique et celui ou celle qui l’a un jour composé. C’est ce que j’ap­pelle un beau cadeau. Un morceau de son âme, qu’il ou elle a livré au monde entier !

Ainsi je puise dans le monde inté­rieur des compo­si­teurs pour m’ins­pi­rer à avoir plus confiance encore pour impro­vi­ser.

La foi déplace des monta­gnes…

Je vous laisse avec tout ça, bien humble­ment. C’est ma petite expé­rience. J’es­père surtout qu’elle encou­ra­gera peut-être quelqu’un, quelqu’une quelque part sur l’In­ter­net à avoir confiance en les chemins inté­rieurs qui souvent se font dans une grande soli­tude d’être. Il faut avoir confiance en soi, croire en son talent, peu importe comment il se présente. Ce talent sera toujours utile quelque part pour quelqu’un ou pour quelqu’une qui en a besoin.

Article écrit par Gilles Simard
St-Guillaume d’Up­ton, P.Q., Canada

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