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L'égalisation selon Craig Anderton

Égalisation à la carte

L'égaliseur est l'un des outils les plus importants et les plus performants du parc de processeurs utilisé par les mordus de son. Pourtant, trop de gens égalisent avec leurs yeux au lieu d'utiliser leurs oreilles. Par exemple, après avoir terminé un mix, j'ai remarqué qu'un de mes clients notait les réglages d'égaliseur que j'avais faits. Alors que je lui demandais pourquoi, il a répondu qu'il aimait les égaliseurs et voulait utiliser les mêmes réglages pour de futurs mixs.

Erreur ! L’éga­li­sa­tion fait partie du proces­sus de mixage. Au même titre que les réglages de niveau, de pano­rama et de reverb, qui diffèrent d’un mix à l’autre, les égali­seurs doivent être ajus­tés diffé­rem­ment pour chaque mix. Et pour cela, il faut savoir comment trou­ver les fréquences d’éga­li­sa­tion magiques pour chaque type de données audio, mais égale­ment savoir quel outil est adapté à telle ou telle tâche.

 

On utilise les égali­seurs prin­ci­pa­le­ment pour trois appli­ca­tions diffé­rentes :

  1. Résoudre des problèmes
  2. Renfor­cer ou affai­blir la posi­tion d’un instru­ment dans le mix
  3. Modi­fier la couleur du son

Chaque utili­sa­tion possède son approche et ses tech­niques propres.

 

Résoudre des problèmes

L’éga­li­seur peut résoudre une grande variété de problèmes. Pour cette appli­ca­tion, on utilise géné­ra­le­ment un égali­seur para­mé­trique doté d’un nombre donné de bandes de fréquences (le plus souvent de 1 à 8, voir illus­tra­tion 1). Pour chaque bande, vous pouvez déter­mi­ner l’in­ten­sité de l’am­pli­fi­ca­tion/atté­nua­tion, la fréquence à laquelle cette ampli­fi­ca­tion/atté­nua­tion est appliquée et la largeur de la bande de fréquences affec­tée par le trai­te­ment (de très étroite à très large). Notez que les égali­seurs « pseudo-para­mé­triques » (aussi appe­lés semi-para­mé­triques) ne comportent pas de réglage de largeur de bande. L’ab­sence de ce para­mètre frustre sérieu­se­ment les aficio­na­dos de l’éga­li­sa­tion, d’au­tant plus que certains fabri­cants tendent, à tord, à adop­ter une largeur de bande trop étroite peu adap­tée aux trai­te­ments subtiles.

 

http://www.harmo­ny­cen­tral.com/static/articles/tips/making_eq_work_for_you/Fig1_big.jpgIll. 1 : Le MasterQ de PSP Audio­ware est un plugin d’éga­li­sa­tion de haute qualité pour systèmes de MAO doté de sept bandes de fréquences modi­fiables. De gauche à droite, on trouve un filtre passe-haut, un filtre en plateau (shelve) pour le grave, trois filtres para­mé­triques, un filtre en plateau pour l’aigu et un filtre passe-bas.

 

Parmi les exemples d’uti­li­sa­tion typiques d’un égali­seur para­mé­trique, citons la coupure très étroite à 50 Hz (60 Hz hors d’Eu­rope), pour suppri­mer le ronfle­ment secteur contenu dans un signal, et/ou dans les hautes fréquences pour élimi­ner un léger siffle­ment. Autre problème courant à résoudre : un instru­ment génère une réso­nance qui inter­fère avec d’autres instru­ments ou complique le réglage des niveaux. Voici une façon de résoudre ce problème :

 

Il y a plusieurs années, j’ai produit un album de la guita­riste clas­sique Linda Cohen (« Angel Alley », réédité en CD). Elle jouait un instru­ment magni­fique avec un son plein et riche très bien projeté sur scène : la caisse réson­nait forte­ment dans le bas-médium, ce qui augmen­tait sensi­ble­ment le niveau. Cepen­dant, l’en­re­gis­tre­ment est bien diffé­rent de la scène. En réglant les niveaux de sorte que les notes graves les plus volu­mi­neuses n’en­traînent pas de distor­sion dans l’en­re­gis­treur, les notes plus hautes semblaient sonner très faible­ment.

 

Une solu­tion était de compres­ser/limi­ter le signal, mais cela alté­rait l’at­taque de la guitare. Si ce type de trai­te­ment peut passer inaperçu dans un mix, il ressort parti­cu­liè­re­ment avec instru­ment solo. L’éga­li­sa­tion donne ici un résul­tat plus natu­rel : il suffit d’at­té­nuer les fréquences trop fortes pour compen­ser leur ampli­fi­ca­tion natu­relle et ainsi apla­nir la réponse. Voici une méthode simple pour loca­li­ser les fréquences problé­ma­tiques avant de les trai­ter :

  1. Rédui­sez le niveau d’écoute (le son peut deve­nir très désa­gréable et de la distor­sion peut appa­raître pendant le proces­sus décrit ci-dessous).
  2. Réglez une ampli­fi­ca­tion très impor­tantes (10 à 12 dB) et une largeur de bande étroite (envi­ron un quart d’oc­tave).
  3. Pendant que l’ins­tru­ment est joué, tour­nez lente­ment le réglage de fréquence. Certaines réso­nances vont ressor­tir violem­ment en raison de la forte ampli­fi­ca­tion et de l’étroi­tesse de la bande. Certaines réso­nances peuvent même satu­rer.
  4. Loca­li­sez les fréquences de réso­nance les plus fortes et abais­sez leur niveau jusqu’à trou­ver l’équi­libre entre les réso­nances et le reste du son de l’ins­tru­ment. Vous devrez éven­tuel­le­ment élar­gir légè­re­ment la bande trai­tée si les réso­nances couvrent de nombreuses fréquences ou, au contraire, opter pour une bande étroite quand il s’agit de suppri­mer un ronfle­ment centré sur une fréquence donnée.

Ce procédé (ampli­fier > loca­li­ser la fréquence > atté­nuer) est utile pour suppri­mer un médium disgra­cieux, une réso­nance stri­dente, etc. Parfois, il sera souhai­table de conser­ver ces réso­nances pour que l’ins­tru­ment se démarque ; cepen­dant, dans la plupart des cas, on utili­sera les égali­seurs pour atté­nuer les réso­nances afin que les instru­ments s’in­tègrent élégam­ment au morceau.

 

Les égali­seurs des systèmes de MAO, notam­ment ceux des logi­ciels d’en­re­gis­tre­ment sur disque dur, sont parti­cu­liè­re­ment effi­caces en raison de leur préci­sion. Lors d’un projet un peu spécial, on m’a demandé de suppri­mer le bruit d’un moteur de bateau parmi des chants de baleines. Bien que n’oc­cu­pant pas tout le spectre audible, le bruit du moteur était présent sur plusieurs fréquences. En trai­tant chacune de ces fréquences avec un filtre réglé en « notch » (coupure impor­tante sur une bande de fréquences très étroite), j’ai réussi à suppri­mer une par une chaque compo­sante du bruit jusqu’à ce que le moteur dispa­raisse.

 

Cette méthode souligne égale­ment l’une des règles d’or de l’éga­li­sa­tion : il vaut mieux atté­nuer qu’am­pli­fier. Le fait d’am­pli­fier restreint la réserve de niveau, tandis que le fait d’at­té­nuer l’aug­mente. Dans l’exemple consis­tant à résoudre le problème de réso­nance d’une guitare clas­sique, le fait d’at­té­nuer les fréquences de réso­nance permet d’aug­men­ter le gain global afin d’en­re­gis­trer à un niveau moyen bien supé­rieur.

 

Renfor­cer la posi­tion d’un instru­ment

La tech­nique consis­tant à loca­li­ser puis atté­nuer des fréquences données permet aussi de résoudre les conflits entre instru­ments. Par exemple, en mixant un titre de Spen­cer Brewer pour Narada Records, j’ai été confronté à deux instru­ments à vent distincts qui réson­naient sur la même fréquence. Lorsqu’ils étaient ensemble, ils surchar­geaient la bande de fréquences en ques­tion, ce qui les rendait diffi­ci­le­ment diffé­ren­tiables. Voici comment procé­der :

  1. Loca­li­sez puis atté­nuez la fréquence de réso­nance de l’un des instru­ments pour obte­nir un son plus droit.
  2. Notez l’at­té­nua­tion et la largeur de bande choi­sies pour affai­blir la réso­nance.
  3. Avec un second filtre, sélec­tion­nez une fréquence légè­re­ment plus haute ou plus basse que la réso­nance natu­relle puis ampli­fiez-la autant que vous avez atté­nué la réso­nance natu­relle.

À présent, les deux instru­ments sonnent de façon bien arti­cu­lée et ils tendent à ne plus se gêner mutuel­le­ment car les réso­nances occupent des fréquences légè­re­ment diffé­rentes.

 

Modi­fier la couleur du son

L’éga­li­sa­teur peut aussi servir à modi­fier le carac­tère sonore du signal, par exemple pour trans­for­mer un piano rock criard en quelque chose de plus clas­sique. Ce type d’uti­li­sa­tion néces­site des réglages d’éga­li­seur rela­ti­ve­ment doux géné­ra­le­ment appliqués à diffé­rents endroits du spectre audio.

 

Les musi­ciens décrivent souvent le carac­tère d’un instru­ment de façon subjec­tive. Voici les portions du spectre audible auxquelles corres­pondent ces descrip­tions (bien entendu, il s’agit ici d’une inter­pré­ta­tion très subjec­tive).

  • 20 à 200 Hz : grave/bas
  • 200 à 500 Hz : chaleur
  • 500 à 1.500 Hz : défi­ni­tion
  • 1.500 à 4.000 Hz : arti­cu­la­tion, présence
  • 4.000 à 10.000 Hz : brillance
  • 10.000 à 20.000 Hz : lustre, air

http://www.harmo­ny­cen­tral.com/static/articles/tips/making_eq_work_for_you/Fig2_big.jpg

Ill. 2 : le médium est atté­nué autour de 500 Hz, ce qui met en valeur le haut et le bas du spectre.

 

Pour ajou­ter de la chaleur par exemple, essayez d’ap­pliquer une légère ampli­fi­ca­tion (envi­ron 3 dB) quelque part entre 200 et 500 Hz. Comme dans le cas précé­dent, gardez toujours à l’es­prit qu’il est préfé­rable d’at­té­nuer plutôt que d’am­pli­fier. Par exemple, pour obte­nir un son plus brillant et plus profond, essayez d’at­té­nuer le médium plutôt que d’am­pli­fier les extré­mi­tés du spectre (illus­tra­tion 2).

 

Autres conseils rela­tifs à l’éga­li­sa­tion

L’éga­li­sa­tion desti­née à résoudre des problèmes et à modi­fier le carac­tère sonore doit inter­ve­nir tôt dans le proces­sus de mixage car elle influence direc­te­ment la façon dont le mix se déve­loppe. En revanche, dans la plupart des cas, il est préfé­rable d’éga­li­ser au moment où vous commen­cez à régler les niveaux : souve­nez-vous que l’éga­li­sa­tion ne fait rien d’autre que modi­fier les niveaux de bandes de fréquences spéci­fiques. Tout chan­ge­ment d’éga­li­sa­tion modi­fie l’équi­libre global entre les instru­ments.

 

L’autre raison pour laquelle il faut attendre un peu avant d’éga­li­ser repose sur le fait qu’un instru­ment traité isolé­ment peut sonner incroya­ble­ment bien lorsqu’il est seul, et beau­coup moins bien quand il est combiné aux autres signaux du mix. Si toutes les sources sont égali­sées pour vous « sauter à la figure », il n’y aura plus assez de place dans le mix pour faire « respi­rer » une piste. Vous devrez alors modi­fier l’éga­li­sa­tion de certains instru­ments pour leur donner un rôle de soutien plutôt que de leader. Par exemple, essayez d’at­té­nuer légè­re­ment le médium des instru­ments d’ac­com­pa­gne­ment (une guitare ryth­mique par exemple) pour ména­ger plus de place au chant au sein du spectre sonore.

 

Pour finir, gardez toujours à l’es­prit qu’une égali­sa­tion subtile donne souvent les meilleurs résul­tats. Une ampli­fi­ca­tion/atté­nua­tion d’un ou deux dB peut créer une diffé­rence signi­fi­ca­tive. Dans le même ordre d’idée, voici l’une des erreurs clas­siques des ingé­nieurs débu­tants : ampli­fi­ca­tion exagé­rée du grave > son trop baveux > ampli­fi­ca­tion de l’aigu pour retrou­ver de la brillance > le son est creux car le médium est trop faible > ampli­fi­ca­tion du médium > etc. Bref, c’est l’es­ca­lade ! Le meilleur moyen de véri­fier la perti­nence d’une égali­sa­tion est de compa­rer le résul­tat au signal origi­nal grâce au bypass de l’éga­li­seur. Utili­sez-le souvent pour véri­fier régu­liè­re­ment que vous n’avez pas perdu le contrôle du signal source !

 

Origi­nel­le­ment écrit en anglais par Craig Ander­ton et publié sur Harmony Central.

Traduit en français avec leur aimable auto­ri­sa­tion.


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