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La Gibson Les Paul

Histoire de la Les Paul

Avec la Stratocaster, la Gibson Les Paul est sans aucun doute la guitare électrique la plus populaire auprès des musiciens, tous genres confondus, et ce depuis presque 70 ans... Retour sur l'histoire de cette instrument de légende.

La Gibson Les Paul : Histoire de la Les Paul

C’est en hiver, à la fin de l’an­née 1951, que commence ce conte pour les grands enfants que nous sommes. Dans un pavillon de chasse campé en Penn­syl­va­nie, loin des tumultes de la scène et à des kilo­mètres du moindre atelier de luthe­rie. Ted McCar­thy, élu frai­che­ment président de Gibson, tape du pied devant le perron de la bâtisse, pour se débar­ras­ser de la neige qui s’y est agglu­ti­née : il va jouer gros sur ce coup-là et ne veut surtout pas faire tache. Car depuis un an, lui et son équipe se courbent l’échine pour rattra­per Fender et son succès élec­trique, remporté tout récem­ment par la Broad­cas­ter. Et depuis des mois, ils tentent de mettre au point la première Solid Body de la marque. C’est juste­ment ce proto­type que tient ferme­ment contre lui son assis­tant, tout aussi frigo­ri­fié et battant la même musique du plat de la semelle. On leur ouvre la porte et on les invite dans un grand salon converti en studio d’en­re­gis­tre­ment pour deux vedettes incon­tour­nables de l’époque : Les Paul et sa femme Mary Ford. Ted est juste­ment là pour les rencon­trer et conqué­rir le cœur du guita­riste renommé, qu’est déjà Lester, avec ce nouveau modèle de guitare censé relan­cer Gibson. Il ne se doutait pas encore que cette créa­tion porte­rait le nom de l’ar­tiste pour la posté­rité. 

L’homme derrière le nom

Lester William Polfus est né à Wauke­sha dans le Wiscon­sin en 1915. C’est un guita­riste accom­pli qui se fait appe­ler Rhubarb Red dès ses 17 ans, pour se produire à la radio en tant qu’ar­tiste de coun­try. Il se met vite au Jazz en passant par le Rhythm & Blues, variant les styles au gré des contrats qu’il parvient à décro­cher.

Young Les Paul aka Rhubarb Red

En paral­lèle de cette carrière précoce, Lester s’in­té­resse de très près à l’en­vers du déco­rum et comme beau­coup de contem­po­rains des années 30, bien mieux équi­pés et prépa­rés que lui, il se passionne pour le fonc­tion­ne­ment de son instru­ment. Et il entre­voit une réelle vision de son avenir élec­trique. À l’ins­tar de Paul Tutmarc ou George Beau­champ, Lester se livre à de nombreuses expé­riences, d’abord avec un micro de gramo­phone, puis avec celui d’un télé­phone. Il s’en­tête et apprend vite. Mais il est loin d’avoir les moyens de Ricken­ba­cker et de ses « spanish guitars » en baké­lite ou de Gibson et de sa ES150 sortie en 1936. Deux concepts de guitares acous­tiques ampli­fiées et commer­cia­li­sés dès les années 30. Il ne peut alors se résoudre à vivre de cette idée qui l’en­tête et pour­suit une carrière musi­cale proli­fique sous le nom de Les Paul.

Peu après, il troque sa Gibson L5 pour une Epiphone et par la même occa­sion, il se met a fréquen­ter les ateliers de ce fabri­cant grec installé à New York depuis 1910. Il profite des fins de semaine et du congé hebdo­ma­daire des employés de la compa­gnie pour occu­per les locaux en toute discré­tion. Il se débar­rasse alors de son costume de musi­cien, pour revê­tir celui d’un véri­table Docteur Fran­ken­stein : il scie d’abord une planche de pin à laquelle il ajoute deux micros de sa concep­tion, un circuit élec­tro­nique basique et même une tige vibrato. Il accroche un manche à cette planche de la manière la plus rudi­men­taire qui soit (avec des crochets en métal !) et a la bonne idée de décou­per la caisse d’une guitare en deux, pour les dispo­ser de chaque côté de la planche et conser­ver ainsi l’as­pect et l’er­go­no­mie d’une guitare espa­gnole.

Paul Tutmarc

Quand le vieil Epi (le surnom d’Epa­mi­non­das Statho­pou­los, le créa­teur de la marque Epiphone) débarque un lundi et voit cette créa­tion impro­bable trôner dans l’ate­lier, Les Paul lui présente son concept de guitare Solid Body, qu’il est fier de surnom­mer la bûche (the log, en anglais). Les Paul voit alors juste, car le concept d’une guitare Solid Body est véri­ta­ble­ment attrac­tif. Autant pour un fabri­cant que pour un utili­sa­teur : elle est plus facile à fabriquer qu’une Arch­top et repro­duit le son des cordes sans se risquer au larsen et aux divers problèmes liés à l’am­pli­fi­ca­tion d’une caisse de réso­nance. Il modi­fie par la suite deux autres Epiphones de série, dont il décou­pera le corps pour le conso­li­der, avant d’y ajou­ter des micros. Ces trois guitares le suivront partout et malgré leur perti­nence sur scène comme en studio, elles seront reje­tées par l’en­semble des fabri­cants qui ferme­ront leur porte à Les Paul pendant plus d’une décen­nie. Gibson y compris : Maurice H. Berlin, le patron de la maison mère, refu­sera de voir en la Log un succès commer­cial, quatre ans avant la sortie de la première élec­trique chez Fender !

En dépit de l’in­com­pré­hen­sion du marché, Lester pour­suit sa carrière de musi­cien pour deve­nir un précur­seur de la musique samplée et de l’en­re­gis­tre­ment multi­bandes. Car l’in­no­va­teur qu’il est a bien plus d’une corde à son cheva­let. Il met de coté la commer­cia­li­sa­tion de son inven­tion et reprend la route des studios, il joue pour Nat King Cole, puis Bing Crosby qui le lais­sera offi­cier dans son studio à LA en tant qu’in­gé­nieur et qui finira même par finan­cer ses expé­riences. Les Paul veut faire avan­cer les tech­niques de prises de son, qui se limi­taient alors à la capture de l’en­semble de l’or­chestre par micros d’am­biance. On peut imagi­ner les limites de ce procédé rudi­men­taire, Lester se mit en tête de les faire voler en éclat. Dès 1942, il fabrique son propre enre­gis­treur à bande, bricolé avec des pièces d’avion et un enjo­li­veur de voiture, il enre­gis­trera d’ailleurs ses plus grands succès avec ce maté­riel de fortune.

Les Paul Octopuss

De 1945 à 1950, il reste terré dans le studio pour peau­fi­ner la tech­nique qui devien­dra sa signa­ture sonore : le « new sound of Les Paul ». Il emploie à cet effet deux magné­to­phones à bandes, pour s’en­re­gis­trer à la volée entre chaque prise et ainsi créer plusieurs couches de guitares ou de voix sur une seule et même bande. Par la suite, il aura même l’idée de trafiquer un enre­gis­treur Ampex acquis par Bing Crosby : il y ajou­tera une tête de lecture avant le tampon d’ef­fa­ce­ment. L’idée est simple, mais bougre­ment effi­cace : il suffit d’en­re­gis­trer une première partie puis de rembo­bi­ner la bande. Et à chaque fois que l’on enre­gistre, la tête de lecture passe un play­back de ce qui sera effacé, le mixe avec une piste supplé­men­taire prise à la volée et le tout est réins­crit sur la même bande ou éven­tuel­le­ment sur une autre. Ainsi, Les Paul pouvait enre­gis­trer à la chaîne jusqu’à une douzaine de guitares, tout en jouant sur la vitesse de lecture des bandes, pour produire des effets jusque-là jamais enten­dus. Et comme ceci n’était pas suffi­sant pour le génie de son enver­gure, il posa les jalons d’une tech­no­lo­gie qui allait deve­nir un procédé courant en studio. Car son premier système, même s’il fut effi­cace entre de bonnes mains, présen­tait un défaut majeur : la piste géné­rale étant effa­cée à chaque enre­gis­tre­ment, tout plan­tage sur le dernier obli­geait l’uti­li­sa­teur à refaire tous les autres. Alors Lester proposa d’uti­li­ser un autre enre­gis­treur Ampex équipé d’une bande de 1 pouce, sépa­rée en 8 sections indé­pen­dantes. Chacune des huit parties de la bande jouis­sait de ses propres têtes d’en­re­gis­tre­ment et de lecture, ajou­tées par Lester et son équipe. On pouvait alors enre­gis­trer et effa­cer à volonté chacune des pistes, si bien que l’on bapti­sera son système la pieuvre (the octo­puss). Eh oui, les amis, ceci est un fait histo­rique : Les Paul est bien l’in­ven­teur du huit pistes ! 

En 1948, un grave acci­dent de voiture immo­bi­li­sera Lester pendant deux ans et en 1949, il se marie pour la seconde fois, devant l’au­tel comme sur scène, avec une certaine Colleen Summers, plus connue sous le nom de Mary Ford. Ensemble ils écume­ront les scènes et les succès, avec deux titres en première place au top des ventes et même un show télé­visé à leur nom : « Les Paul et Mary Ford at home ». Les Paul impose alors son « new sound » à un public ébahi, se servant de machines sur scène pour rempla­cer tout un orchestre. La fortune et la gloire attendent donc le couple, qui gagnera jusqu’à un million de dollars par an. De quoi inté­res­ser les huiles de chez Gibson et surtout son nouveau leader vision­nai­re…

Pendant ce temps chez Gibson…

Ted McCarthy

Un nouvel acteur entre dans la compa­gnie Gibson en 1948, sa parti­ci­pa­tion est capi­tale puisqu’il s’agit de l’homme de l’omb­re derrière la guitare Les Paul. Dès 1950, Ted McCar­thy se voit confier les rênes de Gibson par Maurice H. Berlin, patron de la maison mère de Gibson, avec la tâche ardue de donner un coup de fouet au cata­logue de la marque. La guitare est en pleine explo­sion et bien que Gibson jouisse encore des nombreuses idées de Lloyd Loar, qui ont défini les bases de ce à quoi doit ressem­bler une guitare de la marque, la compa­gnie est encore trop ancrée sur la produc­tion d’ins­tru­ments folks, tels que la mando­line. On doit déjà à Gibson le concept de la table bombée et même l’in­ven­tion du Truss Rod, mais à l’époque, cela ne suffi­sait pas à faire explo­ser les ventes.

Et c’est la concur­rence qui va mettre un gros coup de pied dans la four­mi­lière. Car en 1950, un petit répa­ra­teur d’am­plis cali­for­nien met sur le marché la Broad­cas­ter : une Solid Body qui fait de l’œil aux guita­ristes de coun­try et qui rencontre un succès gran­dis­sant. Alors que chez Gibson, l’en­semble des modèles élec­triques sont des acous­tiques ampli­fiées qui n’in­té­ressent déjà plus grand monde, Ted McCar­thy sent le vent tour­ner et comprend qu’il va falloir se résoudre à produire un instru­ment à caisse pleine. Il se mettront alors à 4 pour conce­voir le premier proto­type de ce qui devien­dra la Les Paul.

Gibson Super 400CES

Cette guitare présen­tait déjà un corps en acajou sur lequel était collée une table en érable bombée. Il repre­nait de nombreux éléments de modèles anté­rieurs : les micros P90 à simple bobi­nage et leurs quatre potards (V,V,T, T) sont direc­te­ment inspi­rés de la L5CES et de la Super 400CES. La forme de la caisse est un rappel d’une vieille tradi­tion chez la marque, comme le manche collé en Acajou. Et les repères de touche en trapèze avaient déjà été posés sur un modèle d’ES 150 de 1950. Au bout d’un an de travail, le projet fut à peu près abouti : la première Solid Body de Gibson présen­tait déjà la forme, le timbre et la réso­nance de ce qui allait deve­nir un stan­dard. Il ne lui restait plus qu’a être lancée. Et pour ce faire McCar­thy trou­vera vite le meilleur repré­sen­tant qui soit… 

Lester regarda Mary, sa compagne sur scène comme dans la vie. Il tenait entre ses mains le proto­type de ce qui allait deve­nir une légende de la guitare élec­trique.

« On devrait bosser avec eux Mary, qu’en penses-tu ? ». 

En affaires, ce couple prenait les déci­sions à deux. Et même concer­nant la guitare de Lester, Mary eut le dernier mot. Qui fut, comme tout le monde peut le devi­ner, posi­tif.

Un contrat fut rédigé sur la table du salon, à la main et en deux exem­plaires.

Le télé­phone sonna. Le dos de Pegg se raidit d’un coup, elle remonta métho­dique­ment ses lunettes avant de saisir le combiné. Au bout du fil, il y avait de mauvaises nouvelles pour son patron. Elle pouvait les sentir venir, rien qu’à entendre le timbre de la voix qui deman­dait Ted McCar­thy.

L’in­ter­lo­cu­teur de première impor­tance ne se présen­tait plus : il faisait la pluie et le beau temps depuis des années chez Gibson, si bien que toutes les Solid Bodies de la marque portaient son nom. Les Paul allait divor­cer après treize ans de vie et de scènes communes avec Mary Ford. Et le contrat commer­cial entre la compa­gnie et le guita­riste venait juste de prendre fin, pour ne pas se renou­ve­ler. Malgré l’ab­sence du musi­cien sur scène et la dispa­ri­tion de son nom au cata­logue de la marque, la guitare conti­nuera de faire parler d’elle. On n’ar­rête pas comme ça une légende.

Une nais­sance dorée

Avant de deve­nir le stan­dard à un million de dollars que tout le monde connait, la Les Paul a été mise à jour plusieurs fois.

Gibson Les Paul Story

Quand elle est sortie en 1952, la guitare compo­sée d’un sand­wich d’acajou et d’érable voit sa table dorée (d’où le terme « Gold­top »). Elle annonce déjà la couleur de ses succès, mais présente des défauts majeurs, notam­ment un manque d’in­cli­nai­son du manche collé, qui obli­gea le fabri­cant à opter pour un cheva­let conçu aupa­ra­vant par Lester : un module trapé­zoï­dal vendu jusque-là en pièce déta­chée et adapté gros­siè­re­ment à la situa­tion pour rabais­ser la hauteur des cordes. Car pour le faire, Gibson montait simple­ment les cordes sous le cheva­let !

Même Lester ne caution­nera pas cette première mouture pour ses problèmes d’in­to­na­tion, de sustain et d’er­go­no­mie. La compa­gnie recti­fie vite le tir et sort, un an après, une seconde version de la Gold­top, équi­pée d’un cheva­let-cordier posé en biais sur deux vis réglables et d’une incli­nai­son de manche plus pronon­cée. Ce même cheva­let sera remplacé, sur la version de 1955, par le Tune-O-Matic, conçu par Ted McCar­thy permet­tant d’ajus­ter la longueur de chacune des cordes.  

Une histoire de Lover

Si la marque doit encore beau­coup à l’in­fluence de Lloyd Loar, c’est encore un autre nom qui fera sonner la Les Paul pour des décen­nies : l’in­con­tour­nable Seth Lover. Employé au besoin par la compa­gnie comme consul­tant, l’ex­pert en radio et en élec­tro­nique rejoint défi­ni­ti­ve­ment ses équipes en 1952. La spécia­lité de Lover, ce sont les micros et il a un regard bien parti­cu­lier sur le sujet. Quand Gibson lui demande de conce­voir un micro plus puis­sant que le P90 et concur­rent poten­tiel du Dyna­so­nic de De Armond, il propose un nouveau type de plots carrés compo­sés d’Al­nico 5 : le 480 ou « Stapple » équi­pera la Les Paul Custom, la L5 et la Super 400 sur une courte durée. Mais c’est son deuxième concept qui déclen­chera la révo­lu­tion sur tout le marché de la guitare élec­trique : le micro PAF, premier humbu­cker en titre. Créé en 1955 et équi­pant dès 1957 la Gold­top et la Custom, il restera asso­cié aux guitares Gibson pour la posté­rité. Une paire de micros de 1959, soudés d’ori­gine, se vend aujour­d’hui autour des 10 000 dollars. C’est tout dire… 

Les petites sœurs de l’or

Gibson Les Paul Story

Durant tout le temps de sa première colla­bo­ra­tion avec l’ar­tiste, Gibson a vu les choses simple­ment en décli­nant toutes les Solid Bodies sous son nom. Ainsi on a pu voir d’autres Les Paul complé­ter assez vite le cata­logue :

  • La Custom : appa­rue en 1954, elle est vendue 100 dollars de plus que la Gold­top (propo­sée à 225 $). Compo­sée essen­tiel­le­ment d’acajou, elle propose un son plus rond et des frettes plus plates. Sa fini­tion noire et sa touche en ébène auraient été choi­sies spécia­le­ment par Lester pour mettre en valeur les mains du musi­cien sur scène. Elle est aussi équi­pée d’un micro grave diffé­rent sur la version de 54 (le fameux 480 de Seth Lover) et de trois micros PAF sur la version de 1957.
  • La Junior : desti­née au débu­tant, la Junior consti­tue l’en­trée de gamme de la marque en 1954 et se vend alors pour moins de 100 dollars. Sa table n’est pas sculp­tée et elle ne sera équi­pée que d’un seul micro. Elle sera aussi propo­sée dès 1956 avec un diapa­son 3/4.
  • La TV : lancée en 1955, la Les Paul TV est en fait une Junior à la fini­tion proche du natu­rel (on dira jaune pâle pour l’écrire vite). On suppose bien des raisons expliquant l’ap­pel­la­tion de ce modèle, la plus probante étant qu’il fut lancé durant le tour­nage de l’émis­sion télé­vi­sée Les Paul and Mary Ford at home, qui rendu le couple célèbre.
  • La Special : encore une évolu­tion de la Junior, avec deux micros et dans la même fini­tion que la TV, qui débarque en 1955. Comme la Junior en 1956, la Special sera décli­née en version 3/4 en 1959, pour ne se vendre qu’à 12 exem­plaires cette année-là ! 

Chan­ge­ment de robe 

En 1957, la Gold­top est au top de sa concep­tion : elle arbore déjà une belle paire de PAF, un cheva­let et un cordier fiable et précis (le Tune-O-Matic est déjà de rigueur). Pour­tant, les ventes commencent à bais­ser la même année, la clien­tèle lui préfé­rant certai­ne­ment une autre star appa­rue quelques années plus tôt sous le soleil cali­for­nien : la Stra­to­cas­ter. En 1958 la compa­gnie change la toilette de la Gold­top pour encou­ra­ger ses ventes qui baissent encore. L’or laisse alors la place à la tradi­tion du Cherry Sunburst et du book­mat­ching : une tech­nique de découpe de la table permet­tant d’ob­te­nir un dessin de table homo­gène et symé­trique. La fini­tion étant trans­pa­rente et non dorée, les guitares Les Paul se parèrent de leurs plus belles toilettes, pour les courtes années qui leur restaient à vivre. 

On a beau être au firma­ment, le préci­pice n’est jamais vrai­ment loin.

No more singles ! 

Gibson Les Paul Story

Certains guita­ristes se plai­gnant de ne pas pouvoir user de leur pouce sur la corde de Mi, en haut du manche, il fut décidé en 1958 de modi­fier la forme de la Junior et de la TV. Le single cut fut aban­donné et on dessina une double échan­crure pour les quatre modèles.

En 1959, les ventes de la Junior explo­sèrent et la Special ne s’en sortait pas si mal, au regard des faibles résul­tats de la Sunburst et de la Custom. Le coupe­ret allait bien­tôt tomber pour ces deux guita­res… du moins un bon coup de ciseaux à bois !

La bête à cornes

En 1961, l’in­ima­gi­nable pour tout amou­reux de la Les Paul survient et la belle se fait litté­ra­le­ment détrô­ner par la SG. On ne fait pas que lui prendre sa couronne, on l’ac­com­pagne genti­ment à la porte du château et on la chasse à grands coups de balai du cata­logue. 

Cette anné-là, la SG devient Les Paul Stan­dard, Custom et Junior. Et Lester, qui la croise un jour dans un maga­sin de musique, appelle dans la foulée Gibson pour qu’on retire son nom de ces guitares trop poin­tues.  

Un nom dispa­raît…

Gibson Les Paul Story

Ça n’est pas les quelques coups de ciseaux donnés en trop sur la SG qui enta­me­ront les rela­tions entre la compa­gnie et Lester en 1963. Car en réalité, le contrat a déjà expiré depuis un an et son mariage avec Mary Ford prend la même direc­tion. Recon­duire un contrat avec Gibson et gagner de l’ar­gent oblige Lester à en parta­ger les béné­fices, puisque son divorce ne sera prononcé qu’en 1964. Et du côté de chez Gibson, on sent bien que Lester et Mary vendent moins de disques qu’à la fin des années 50. Son nom dispa­raît des guitares Gibson la même année que la mort de JFK. 

Et en 1965, il pose sa guitare et claque la porte des studios pour presque une décen­nie… 

D’autres raisonnent !

La Gibson Les Paul n’est donc plus produite à partir de 63, mais très vite, de grands guita­ristes vont montrer le chemin de sa résur­rec­tion. Keith Richards arbore une Sunburst dès 1964, ache­tée lors d’une tour­née aux US, puis c’est Michael Bloom­field et Eric Clap­ton qui s’illus­trent avec une Gold­top et une Sunburst en 1966, sans parler de Jimmy Page, qui se sert d’une Custom à trois micros en studio avant de former Led Zeppe­lin. On vit même un certain Jeff Beck échan­ger son Esquire contre une Sunburst. Pendant cinq longues années, les guita­ristes vont faire de la Les Paul Stan­dard et de la Custom un véri­table objet de culte, une idole élec­trique faite de bois, que l’on s’ar­rache déjà sur le marché de l’oc­ca­sion.  

Et la guitare revient

En 1967, le monde est aux abois, car les quelques milliers de Les Paul d’oc­caz ne suffisent pas à conten­ter les foules. L’an­née suivante, Gibson relance la Gold­top et la Custom et très vite l’usine s’em­balle pour produire plus de ces réédi­tions. Un nouveau contrat étant signé, Les Paul touchera un peu plus de 5 $ sur chaque guitare vendue. Gibson ne cessera plus jamais de vendre ce modèle, qui sera décliné plus de 60 fois jusqu’en 1993. 

Ça frise !

 

Gibson Les Paul Story
Gibson Les Paul Story

De quoi briller en société 

Gibson Les Paul Story

Voici quelques anec­dotes glanées ici et là pour rédi­ger cet article : 

  • Gibson a inventé le truss rod (la tige de réglage)
  • Epiphone se compose du surnom du fonda­teur grec de la société Epami­nonda Statho­pou­los (surnomé “épi”) et du suffixe “phone”.
  • Lorsque Lester William a eu son acci­dent de voiture en 1948, les méde­cins durent poser des broches sur son bras gauche pour le sauver, il leur demanda alors de fixer son bras avec un angle de 90° pour qu’il puisse conti­nuer à jouer de la guitare.
  • La couleur rouge des Sunburst d’époque est sensible aux UV, un véri­table connais­seur est capable de dire combien de temps une Les Paul est restée en vitrine, avant d’avoir été vendue. 
  • Le micro PAF (Patent Applied For) a gardé l’étiquette carac­té­ris­tique (visible sous le capot), même après l’ob­ten­tion du brevet en 1959, pour dissua­der la contre­façon. Et même quand son numéro de brevet fut indiqué la première fois, la direc­tion fit chan­ger ce dernier pour choi­sir celui d’un cheva­let.
  • On a volé la première Les Paul d’Eric Clap­ton, durant la répé­ti­tion du premier concert de Cream. Plusieurs proprié­taires de Sunburst reven­diquent aujour­d’hui la posses­sion de cette guitare.
  • La Les Paul qui servit à enre­gis­trer le solo de While my Guitar Gently Weeps, fut offerte par Eric Clap­ton à Georges Harri­son. Juste avant qu’il ne lui pique sa femme !
  • L’acro­nyme SG, corres­pond à “Second Gene­ra­tion” et non à “Solid Body”
  • Une Sunburst de 1959, d’ori­gine, se vend aujour­d’hui autour du demi-million de dollars.

Et pour finir et conclure cette belle histoire, je vous propose une cita­tion de l’homme qui a donné sa voix défi­ni­tive à la Les Paul. Je cite­rai donc, bien humble­ment, le grand Seth Lover :

 « Si on veut amélio­rer quelque chose, il faut être diffé­rent ».  


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