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Pédago
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Le master gagnant

Enceintes et mastering

L'un des buts principaux du mastering est de faire en sorte qu'un mix soit transportable, c'est-à-dire qu'il sonne bien avec n'importe quel système de diffusion audio.

Mais la diffi­culté vient de la grande dispa­rité des systèmes de resti­tu­tion sonore. Certes, nous sommes main­te­nant débar­ras­sés des supports analo­giques qui marty­ri­saient le signal (les cassettes et les vinyles pouvaient souiller le son quasi­ment à l’in­fini), mais certains compo­sants conti­nuent d’agir comme des égali­seurs très malveillants, notam­ment les haut-parleurs et les enceintes. Pour qu’un mixage soit réel­le­ment trans­por­table, il doit sonner correc­te­ment quel que soit le système de diffu­sion :

  • Un superbe ensemble audio­phile équipé d’en­ceintes de très haute qualité assu­rant une réponse quasi­ment linéaire et une défi­ni­tion extrê­me­ment élevée.
  • Un gros radio-cassette dont la fonc­tion « Mega-Giga-Super Bass­Boost » accen­tue à l’ex­cès le grave des haut-parleurs (oui, c’est absurde).
  • Un radio-cassette sans « Mega-Giga-Super Bass­Boost » dont le grave est aussi dessé­ché que Kate Moss en pleine grève de la faim.
  • Le casque intra-auri­cu­laire d’un lecteur portable dont la qualité n’est qu’une ques­tion de chance.
  • Diffé­rents systèmes auto­ra­dio. Je préfère ne pas y penser… et pour­tant, il le faudra.
  • Un tran­sis­tor dont les faiblesses rappellent celles d’un radio-cassette.

Qu’est-ce que tous ces systèmes ont en commun ? Les haut-parleurs (même si certains sont minia­tu­ri­sés à l’ex­trême pour se loger dans l’oreille). Comment compen­ser les diffé­rences entre haut-parleurs pendant le proces­sus de maste­ring (et du même coup au mixage) ?

 

Le plat pays…

Flat­land, de Edwin Abbott, est l’un des meilleurs ouvrages de mathé­ma­tiques farfe­lus de tous les temps, bien qu’il se concentre sur un domaine plutôt déserté. Mais en matière de haut-parleurs, le plat pays (Flat­land) n’est qu’un fantasme. Obser­vez la courbe de réponse des haut-parleurs les plus chers et les plus perfor­mants et vous décou­vri­rez un profil rappe­lant celui des alpes. Déjà impar­faite, cette réponse (illus­tra­tion 1) subit d’autres dégra­da­tions causées par le lieu d’écoute qui béné­fi­cie rare­ment d’une acous­tique corri­gée ; mais consi­dé­rons ce para­mètre comme négli­geable car le nombre de variables devien­drait astro­no­mique.

 

 

Réponse en fréquence d'un moniteur de studioIll. 1 : voici la courbe de réponse en fréquence typique d’une enceinte 2 voies profes­sion­nelle de haute qualité équi­pée d’un filtre actif. Bien qu’elle soit loin d’être plate, sachez qu’elle se situe bien au-dessus de la moyen­ne… Oui, c’est à ça que vous serez confronté.

Les diffé­rences entre haut-parleurs appa­raissent sur toute leur bande passante, du grave à l’aigu en passant par le médium. Par consé­quent, les ingé­nieurs de maste­ring sont arri­vés à la conclu­sion que le seul moyen de contre­car­rer ces diffé­rences est de produire des enre­gis­tre­ments dont la réponse est la plus plate et la plus « moyenne » possible. Autre­ment dit, il vaut mieux que le mixage sonne de façon légè­re­ment impar­faite sur tous les systèmes plutôt que bien avec certains et mal avec d’autres (l’ex­cep­tion concerne les systèmes audio­philes réel­le­ment linéaires qui, du fait des impor­tants inves­tis­se­ments en temps, argent et efforts néces­saires à leur mise en place, méri­te­raient d’être alimen­tés avec le meilleur signal possible.).

 

Il est diffi­cile de créer une réponse réel­le­ment homo­gène dans le médium parce que c’est l’une des bandes de fréquences où les haut-parleurs affichent les diffé­rences les plus signi­fi­ca­tives. (Au fait : je m’amuse toujours beau­coup lorsque, dans le banc d’es­sai d’un moni­teur de studio, le rédac­teur affirme haut et fort que l’en­ceinte révèle des détails sonores de ses enre­gis­tre­ments préfé­rés qu’il n’avait encore jamais enten­dus aupa­ra­vant ! Cela n’est pas surpre­nant car chaque moni­teur « égalise » l’en­re­gis­tre­ment à sa façon, mettant ainsi en avant certains détails du signal.)

 

C’est diffé­rent avec les hautes fréquences. Dans la musique, l’éner­gie tend à s’ame­nui­ser assez rapi­de­ment au-dessus de 5 kHz, c’est-à-dire dans la bande respon­sable de la sensa­tion de brillance. Dans ces fréquences, vous ne trou­ve­rez pas de crêtes incon­trô­lées causées par des notes s’en­tas­sant les une sur les autres pour la simple et bonne raison que l’éner­gie dispo­nible est insuf­fi­sante. Une petite accen­tua­tion de la « zone d’air » au-dessus de 10 kHz fera des miracles pour rendre un mix trans­por­table car elle permet­tra au twee­ter de s’ani­mer un peu plus. Et heureu­se­ment, la plupart des systèmes de diffu­sion possèdent un réglage d’aigu qui permet à l’au­di­teur d’at­té­nuer ou d’ac­cen­tuer les hautes fréquences en fonc­tion de ses goûts, de l’acous­tique du lieu et de l’état de son système audi­tif (surtout s’il assiste souvent à des concerts sans protec­tion).

 

Place au grave… La bande des basses fréquences est certai­ne­ment la plus impor­tante pour la trans­por­ta­bi­lité d’un mix, et cela pour plusieurs raisons.

 

Veiller à la trans­por­ta­bi­lité dès le mixage

L’idéal, c’est que vos mixages soient quasi­ment parfaits avant d’être envoyés à l’in­gé­nieur de maste­ring et que vous utili­siez certaines tech­niques dès l’en­re­gis­tre­ment et le mixage pour augmen­ter la trans­por­ta­bi­lité du master.

 

Les instru­ments conte­nant beau­coup de grave, notam­ment la grosse caisse et la basse, ne seront pas bien repro­duits par les systèmes de diffu­sion ayant une réponse basse fréquence pauvre. Pour faire en sorte qu’ils soient audibles avec des systèmes produi­sant peu de grave, égali­sez le médium pour accen­tuer les attaques de la basse et de la grosse caisse (si elle est acous­tique). Avec une grosse caisse élec­tro­nique, il existe diffé­rentes façons d’ac­cen­tuer le « clic » au départ de la frappe. Au niveau psycho-acous­tique, le cerveau de l’au­di­teur aura tendance à « ajou­ter » les subhar­mo­niques qui manquent dans le bas du spectre.

 

A propos : les fréquences très graves des basses utili­sant une onde sinu­soï­dale (souvent utili­sées en drum 'n’ bass) ne donne­ront jamais rien avec de petits haut-parleurs. Si vous rencon­trez ce problème, essayez une forme d’onde conte­nant plus d’har­mo­niques et utili­sez un filtre passe-bas pour avoir plus de grave tout en gardant suffi­sam­ment d’har­mo­niques.

 

Pour finir, et bien que cela ait déjà été dit un million de fois : la correc­tion acous­tique est votre amie ! Vous ne pour­rez ni enre­gis­trer ni mixer correc­te­ment dans une pièce dont l’acous­tique agit comme un égali­seur qui ajou­te­rait des trous et des bosses aléa­toires à la réponse en fréquence. Bien sûr, l’in­gé­nieur de maste­ring essaiera de répa­rer les dégâts, mais ce n’est ni simple ni infaillible.

Les enceintes ont souvent les pires diffi­cul­tés à main­te­nir une réponse linéaire en dessous de 80 Hz. Ici, nous sommes de nouveau confron­tés aux lois de la physique : les basses fréquences possèdent des longueurs d’onde telle­ment longues qu’il faut dépla­cer beau­coup d’air pour les diffu­ser. Les enceintes pour l’écoute domes­tiques et les gros radio-cassettes ne sont tout simple­ment pas en mesure de dépla­cer suffi­sam­ment d’air dans les fréquences vrai­ment basses. La capa­cité à descendre très bas dans le spectre sonore est l’un des facteurs qui distingue les enceintes de grande taille de leurs concur­rentes. C’est pourquoi certains équi­pe­ments possèdent une fonc­tion Bass Boost dont le rendu sonore est d’ailleurs diffé­rent de « véri­tables basses fréquences ». On pour­rait compa­rer la chose à une femme qui utili­se­rait un super maquillage qui agran­dit les yeux bien que leur taille réelle n’ait pas changé.

 

Et pour compliquer les choses, la repro­duc­tion du grave est sujette à deux autres problèmes. Le premier réside dans le fait que la sensi­bi­lité aux basses fréquences de notre système audi­tif dimi­nue avec le volume sonore (évoquons ici la tris­te­ment célèbre « courbe de Flech­ter-Munson »). Ainsi, la réponse en fréquence défi­ciente de nos oreilles est cumu­lée à la réponse en fréquence impar­faite des enceintes. Le second problème concerne l’en­re­gis­tre­ment lui-même : des irré­gu­la­ri­tés appa­raî­tront certai­ne­ment dans la réponse en fréquence de l’en­re­gis­tre­ment en raison de l’acous­tique qui crée des crêtes et des dépres­sions dans le grave, excepté si le studio béné­fi­cie d’une acous­tique excep­tion­nelle ou si tous les instru­ments sont enre­gis­trés en direct (sans micro).

Dans le pire des cas, les crêtes basse fréquence de l’en­re­gis­tre­ment ayant échappé à l’in­gé­nieur de maste­ring seront diffu­sées par des enceintes et dans un lieu dont les fréquences de réso­nance corres­pondent aux crêtes incri­mi­nées. Immonde.

 

C’est sans espoir et dépri­mant. Y a-t-il une solu­tion ?

Il n’existe pas de solu­tion parfaite, donc vous avez toutes les raisons d’être déses­péré et déprimé. Cepen­dant, vous pouvez tenter d’ap­pro­cher l’idéal au maxi­mum. Lors du maste­ring, si vous pouvez adou­cir la réponse basse fréquence pour suppri­mer toutes les crêtes et dépres­sions signi­fi­ca­tives (à moins de vouloir les conser­ver, par exemple dans le cas d’une grosse caisse techno), vous aurez fait un grand pas en direc­tion du master trans­por­table. Le résul­tat sera d’au­tant plus probant si vous anti­ci­pez et corri­gez ces problèmes dès le mixage.

 

Étant donné que la réponse de notre système audi­tif perd en préci­sion dans le bas du spectre, il peut s’avé­rer très utile de dispo­ser d’un contrôle visuel des basses fréquences. Quel que soit votre niveau de compé­tences, il est très diffi­cile d’iden­ti­fier une crête de 1,5 dB à 72 Hz unique­ment à l’oreille. Je trouve qu’un bon analy­seur de spectre capable d’af­fi­cher la réponse en fréquence moyenne est très utile. Pourquoi la réponse moyenne ? Parce que la réponse compor­tera toujours des crêtes et des dépres­sions natu­relles. Ce que nous recher­chons, ce sont les anoma­lies qui, lorsqu’elles sont diffu­sées avec un système présen­tant des crêtes ou des creux aux fréquences concer­nées, aggravent encore le problème.

 

Actuel­le­ment, mon outil préféré pour ce genre d’ap­pli­ca­tion est le programme d’éga­li­sa­tion et de maste­ring Har-Bal. Il four­nit une repré­sen­ta­tion très claire du grave et permet de redes­si­ner les crêtes et les dépres­sions à l’aide d’un simple outil stylo pour homo­gé­néi­ser la réponse basse fréquence (illus­tra­tion 2). Depuis que je procède de la sorte pour le maste­ring, tous mes clients ont remarqué que leurs mixages sont plus trans­por­tables. Alors oui, la réponse basse fréquence est loin d’être le seul facteur qui contri­bue à rendre un mixage trans­por­table, mais elle reste un para­mètre impor­tant.

 

 

Logiciel de mastering Har-BalIll. 2 : ici, Har-Bal a été utilisé pour apla­nir la réponse basse fréquence d’un morceau (pour plus de clarté, la capture d’écran ne montre que la bande de fréquences sous 500 Hz). La ligne grise supé­rieure repré­sente la réponse crête origi­nale tandis que la ligne grise infé­rieure corres­pond à la réponse moyenne. La ligne jaune indique la réponse crête et la verte la réponse moyenne qui résultent de la réponse basse fréquence nive­lée que vous avez redes­si­née.

 

Autres outils

Un bon compres­seur multi­bande (illus­tra­tion 3) est aussi un super outil de maste­ring pour compen­ser les anoma­lies des enceintes. Une légère compres­sion du médium permet d’abais­ser les bosses et de compen­ser les creux qui pour­raient être accen­tués par une enceinte. Dans le haut du spectre, vous n’êtes pas obligé d’ajou­ter beau­coup de compres­sion. Vous pouvez vous conten­ter d’aug­men­ter légè­re­ment le niveau global. D’autre part, dans la bande 300–400 Hz, vous pouvez réduire légè­re­ment le niveau (sans compres­ser) pour « resser­rer » un peu le son car c’est à cet endroit que s’amon­cellent certaines « pertur­ba­tions et impré­ci­sions ». Enfin, le fait d’ajou­ter de la compres­sion dans le bas du spectre vous aidera à homo­gé­néi­ser la réponse.

 

 

Compresseur multibande d'iZotope OzoneIll. 3 : ici, le proces­seur de dyna­mique multi­bande d’iZo­tope Ozone a été réglé pour ajou­ter une légère compres­sion dans le bas du spectre ; cela apla­nit quelque peu la réponse basse fréquence, ce qui contri­bue à amélio­rer la trans­por­ta­bi­lité de l’en­re­gis­tre­ment.

Une utili­sa­tion adéquate de l’éga­li­sa­tion et des trai­te­ments de la dyna­mique peut permettre d’abou­tir à un master dont les crêtes et dépres­sions indé­si­rables sont contrô­lées. Si vous arri­vez à faire ce genre de chose, vous êtes sur la bonne voie.

Comme véri­fi­ca­tion finale, écou­tez votre master avec diffé­rents systèmes de diffu­sion pour vous assu­rer que vous vous êtes rappro­ché au maxi­mum de l’idéal à atteindre. Vous touchez au but si votre mixage sonne un peu plus gros que la normale avec un système dont le son est plutôt maigre, s’il sonne plus maigre que la normale avec un système habi­tuel­le­ment gras et s’il sonne parfai­te­ment avec un système de diffu­sion de très haute qualité. Dans ce cas, vous tenez certai­ne­ment un bon master, peu importe les enceintes utili­sées pour l’écoute.

 

Origi­nel­le­ment écrit en anglais par Craig Ander­ton et publié sur Harmony Central.

Traduit en français avec leur aimable auto­ri­sa­tion.


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