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Interview / Podcast
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Interview de l'ingé son en mastering Greg Calbi (Springsteen, Bowie, Paul Simon, Lennon, John Mayer)

Le mastering avec maestria

Greg Calbi a déjà une sacrée carrière derrière lui en tant qu'ingénieur de mastering (43 ans pour être précis), et il est toujours bel et bien dans le coup. Durant cette période, il a masterisé plus de 8 000 albums, dont de nombreux classiques.

Interview de l'ingé son en mastering Greg Calbi (Springsteen, Bowie, Paul Simon, Lennon, John Mayer) : Le mastering avec maestria

Born to Run de Bruce Spring­steen, Young Ameri­cans de David Bowie, Grace­land de Paul Simon et Walls and Bridges de John Lennon ne sont que quelques-uns des titres figu­rant dans son impres­sion­nante disco­gra­phie. Parmi ses contri­bu­tions les plus récentes, on dénombre des albums de John Mayer, Bob Dylan, Nelly Furtado, Slater-Kinney, The New Porno­gra­phers, Minus the Bear et de nombreux autres artistes.

Preuve de son talent, il n’a jamais manqué de travail depuis ses débuts dans le métier au début des années 70. Il a connu le passage du l’ana­lo­gique au numé­rique, l’avè­ne­ment puis la chute du CD et le déclin de l’in­dus­trie phono­gra­phique. « J’ai commencé quand j’avais 23 ans et à présent j’en ai 68 », dit Calbi avant d’ajou­ter sur le ton de la plai­san­te­rie : « Pourquoi je ne suis pas plus riche que ça, je me le demande. »

Calbi s’est entre­tenu avec nous récem­ment depuis son studio à Ster­ling Sound, un ensemble de classe mondiale dédié au maste­ring situé à New York.

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Greg Calbi dans son studio (photo: Juan Patino)

Je me rappelle vous avoir inter­viewé pour un maga­zine il y a peut-être huit ou neuf ans, et vous aviez encore énor­mé­ment de maté­riel analo­gique dans votre studio et  pas tant de numé­rique. Depuis, je suppose que ça a changé ?

Ouais. On s’est tous adap­tés de façon à combi­ner les points forts du trai­te­ment analo­gique aux plug-ins et aux nouveaux logi­ciels qui sont sortis. Il y a vrai­ment de super déve­lop­peurs. Chaque ingé­nieur de maste­ring a sa préfé­rence. J’uti­lise Ozone 7 d’iZo­tope et ça a tota­le­ment révo­lu­tionné mon travail ici. Il se combine si bien à mon matos analo­gique que je peux utili­ser les plug-ins d’éga­li­sa­tion et de maxi­mi­sa­tion tout en gardant la flexi­bi­lité néces­saire pour pouvoir propo­ser des alter­na­tives qui ne soient trop coûteuses ni en temps, ni en argent pour le client. Alors qu’avec l’ana­lo­gique, tout devait se faire en temps réel. Quand on travaillait sur bandes, on devait à chaque fois rembo­bi­ner la bande et la remettre en lecture. Mais avec ce genre de trucs, on peut créer quelque chose, on l’en­re­gistre tel quel et on l’a défi­ni­ti­ve­ment. Et je peux propo­ser diffé­rentes versions au client, ce qui est très impor­tant puisque de nos jours les clients n’as­sistent plus aussi souvent aux sessions de maste­ring qu’avant.

Donc la plupart du temps vous travaillez sans que le client soit là ?

Il y a des années de ça, j’au­rais dit que 70% du travail se faisait en présence du client. A présent, je dirais que c’est plutôt dans les 35%. Mais ici [à Ster­ling Sound], le taux de présence du client pour la plupart des ingé­nieurs tourne plutôt autour de 10%. Ce qu’on fait, c’est qu’on a mis en place un flux de travail dans lequel le client nous envoie son maté­riel. On le télé­charge et on le met sur notre serveur. Je m’en occupe ici, je le traite, et je le remets sur le serveur. Ils le récu­pèrent, et s’ils veulent un remix, ils renvoient ce qu’il faut sur le serveur. Grâce à ça on gagne un temps fou et ça simpli­fie vrai­ment tout. Ça simpli­fie large­ment la part de travail du client. Au point qu’on peut faire l’in­té­gra­lité d’une session de cette manière.

Est-ce que les artistes étaient là, dans le studio, avec vous sur certains des albums clas­siques que vous avez maste­ri­sés ? Comment ça se passait ?

Ça varie vrai­ment d’un album à un autre. En géné­ral, si quelqu’un y assiste, c’est le produc­teur, l’ingé son et parfois l’ar­tiste. Parfois ils viennent. Norah Jones, par exemple, elle vient elle-même. Elle aime l’écoute en studio. Elle aime voir en quelque sorte de quelle matière sonore l’al­bum va être fait, et rééva­luer les mixes pour voir s’il faut les retra­vailler. Mais il y a des artistes qu’on ne voit et qu’on ne rencontre jamais.

Qui par exemple ?

J’ai fait une ving­taine d’al­bums de Bob Dylan et non seule­ment je ne l’ai jamais rencon­tré, mais je ne lui ai même jamais parlé. Il me fait passer ses messages par l’un de ses mana­gers, Jeff Rosen, et c’est Jeff qui me dit en gros ce que Bob en pense, je travaille en fonc­tion de ça et Jeff donne le résul­tat à Bob. Il y a toujours un inter­mé­diaire. 

Quelques anec­dotes sur les artistes qui étaient présents à vos sessions de maste­ring ?

Ouais, l’une de mes préfé­rées date des années 70, quand je travaillais sur un album de Harry Nils­son dont le titre était Pussy­cats. Je travaillais dessus dans la salle de maste­ring et Harry m’a serré la main, et il n’a pas dû écou­ter plus d’une minute avant de se tour­ner vers moi et de me dire « putain, je déteste ce genre d’en­droits ». Et il est reparti. [Rires]

Waow.

Ce qu’il faut comprendre c’est qu’à ce stade, c’est terminé, l’ar­tiste devra faire avec le mix tel qu’il est et les prises telles qu’elles ont été faites. Certains préfèrent passer à autre chose. Ça peut être en lien avec leur confiance dans leur pres­ta­tion à l’en­re­gis­tre­ment, ou autre chose. Prenez k.d. lang, de toutes les personnes avec qui j’ai travaillé elle fait vrai­ment partie de celles dont l’oreille est la plus déve­lop­pée. Je n’ai travaillé avec elle qu’une seule jour­née, c’était sur son album Smoke qui doit dater envi­ron du milieu des années 90. Et k.d. était la cliente idéale, elle était exigeante mais pas insis­tante, et elle avait une très bonne oreille. Elle avait l’oreille néces­saire pour comprendre ce qu’on faisait, là où certaines personnes n’y comprennent vrai­ment rien, sans que ça les empêche d’être d’ex­cel­lents artistes d’ailleurs. Mais elle, elle enten­dait chaque nuance. À l’in­verse, quelqu’un comme Mike Brecker, qui est un artiste fantas­tique, maîtrise certai­ne­ment chaque into­na­tion de son jeu de saxo­phone, autant que la moindre de ses respi­ra­tions ou de ses pauses, mais par contre il n’avait aucune sensi­bi­lité pour tout ce qui est égali­sa­tion et trucs dans le genre, ou même l’équi­libre sonore en géné­ral. Il se conten­tait de haus­ser les épaules en nous disant « faites comme vous le sentez les gars. »

C’est inté­res­sant de voir de telles varia­tions d’un artiste à un autre.

Pour certains, on dirait que ça fait simple­ment partie de l’as­pect social de l’étape de fini­tion d’un album, histoire d’y mettre un point final sur le plan émotion­nel. Emmy­lou Harris par exemple, quand elle est venue, elle a commencé à parler de sa vie, de sa maman et de sa fille, comme si on était amis depuis des années. Mais on n’a presque rien échangé sur le boulot ou ce qui se passait [durant la session]. On a juste un peu parlé de la partie séquence, et encore. Parce que c’est là que l’ordre des pistes et les enchaî­ne­ments doivent se déci­der.

Vous avez déjà eu un groupe au grand complet ici ? Ce n’était pas trop agité pendant la session de maste­ring ?

Ce n’est pas une ques­tion d’agi­ta­tion. Quelques trucs peuvent arri­ver : si un groupe vient, le plus souvent s’il y a plusieurs auteurs ou compo­si­teurs dans le groupe, ils ont par exemple beau­coup trop de chan­sons, et ça discute pour déci­der quelles chan­sons seront sur l’al­bum.

Parce que ça n’est pas toujours déter­miné à l’étape où les pistes vous sont confiées ?

Vous seriez surpris de savoir combien de déci­sions de ce genre sont repous­sées au tout dernier moment. Parfois, les gens arrivent avec leurs onze chan­sons, et ils ont l’ordre précis de 1 à 11. Mais parfois, ils n’en ont aucune idée, et parfois ils me demandent un avis. Et s’il y a plusieurs auteurs dans le studio, il y a une dimen­sion poli­tique qui entre en ligne de compte, avec des gens qui veulent s’as­su­rer que leurs chan­sons seront sur le disque à cause des droits d’au­teur et tout ça.

Reve­nons à la ques­tion de l’in­fluence des tech­no­lo­gies numé­riques : la possi­bi­lité de char­ger des réglages de façon instan­ta­née est certai­ne­ment à double tran­chant sur le plan du mixage, parce que ça tend à retar­der le moment où l’on consi­dère que le travail est vrai­ment fini. Je suppose que le même phéno­mène affecte le maste­ring ?

Mastering : Ozone 7 standalone screen
Calbi a inté­gré Ozone 7 d’iZo­tope dans son flux de travail, et est même l’au­teur de l’une des banques de presets qui sont four­nies avec le logi­ciel

Le maître mot, c’est la disci­pline, il s’agit vrai­ment de rester concen­tré. Pour la produc­tion musi­cale, la plus grosse diffé­rence entre le monde numé­rique et le monde analo­gique c’est que dans les années 70, quand tout était analo­gique, il fallait vrai­ment prendre des déci­sions et s’en­ga­ger à 100% dans ce qu’on faisait. Si vous vous ratiez, il fallait à nouveau réser­ver le studio, refaire toute la mise en place, et c’était diffi­cile de retrou­ver exac­te­ment les mêmes condi­tions donc la pres­sion était vrai­ment impor­tante. Et tout le monde bossait en ayant ça en tête, c’était vrai­ment un état d’es­prit diffé­rent. Aujour­d’hui, tout est une ques­tion de trai­te­ment. Même en arri­vant en session de maste­ring, ils arrivent en nous donnant des mixes alter­na­tifs. Des fois ce sont les stems d’un instru­ment en parti­cu­lier pour pouvoir en rajou­ter — pas seule­ment refaire l’éga­li­sa­tion, mais bien en mettre plus. Le fait de ne pas être forcé de prendre certaines déci­sions peut rallon­ger le projet. Mais à un moment, il n’y a plus le temps ou plus assez d’ar­gent, et il faut bien se déci­der. Ça me rappelle Woody Allen quand il fait un film. Il dit que quand il termine un film, ce n’est vrai­ment que parce qu’il y est obligé, qu’il y a une limite de temps mais que le film n’est jamais vrai­ment terminé. Il ne se rappelle pas un seul de ses films qu’il n’au­rait pu amélio­rer.

Un peu plus tôt, vous avez évoqué Ozone 7 d’iZo­tope. Je sais que vous avez fait une excel­lente banque de presets qui est four­nie avec, et que tout un chacun peut utili­ser pour un résul­tat assez impres­sion­nant. Mais vous, que pensez-vous du maste­ring en DIY ? En tant qu’in­gé­nieur de maste­ring, c’est le genre de phéno­mènes qui peut vous prendre des clients, mais d’un autre côté c’est inévi­table d’une certaine manière.

C’est un marché qui est attaqué de toutes parts, et au final ça dépend toujours du budget dont la personne dispose. Quelqu’un qui mixe et maste­rise son propre projet perd l’op­por­tu­nité de le faire écou­ter par un profes­sion­nel aux oreilles expé­ri­men­tées qui pourra s’y impliquer et dire « ça, ça pour­rait être amélioré ». Je pense que s’il y a le budget, c’est tout béné­fice pour un ingé­nieur-mixeur de faire revoir son mixage par un ingé de maste­ring qui pourra peut-être amélio­rer le résul­tat. Il y a des spécia­listes du mixage qui maste­risent leurs propres produc­tions et qui le font vrai­ment très bien, mais ils sont vrai­ment peu nombreux. C’est possible, mais ça demande une sorte de qualité d’écoute, et il faut être capable de sépa­rer tout ça de ce qui se passe au mixage, et d’écou­ter la chan­son en termes de dyna­mique, de forme, de texture et de tona­lité, sans se lais­ser distraire par tel truc sur la grosse caisse, ou celui-là au moment où la voix démarre, ou d’autres petits détails.

C’est vrai.

Ça m’étonne toujours. J’écoute une chan­son et là quelqu’un se tourne vers moi et me demande « vous trou­vez que le solo de guitare est assez fort sur les huit dernières mesures ? », et moi je réponds, « non mais si j’écoute ça, je me foca­lise sur le mix, mais là j’écoute dans l’op­tique du maste­ring, ce n’est pas le même genre d’écoute. » Après, quand je repasse l’en­re­gis­tre­ment et que je l’écoute d’une autre oreille je peux effec­ti­ve­ment l’éva­luer. Mais c’est une ques­tion de foca­li­sa­tion.

Mais il peut vous arri­ver d’opé­rer des correc­tions. Par exemple, si vous aviez affaire à un mix sur lequel le solo de guitare était trop fort sans qu’il soit possible de reprendre le mixage pour le corri­ger, quelle qu’en soit la raison, vous essaie­riez de régler le problème, non ?

Tout à fait. C’est vrai­ment atroce, et ce n’est pas une ques­tion de goût. Parfois, on a quelqu’un qui arrive avec un enre­gis­tre­ment sur lequel les voix sont telle­ment fortes que je ne peux que lui dire « écou­tez, je dois vous dire que ce n’est pas possible, c’est vrai­ment n’im­porte quoi. » Et ils y retournent et m’en­voient une autre version. Si la voix est trop forte, ce sera vrai­ment dur pour moi d’équi­li­brer le son de façon à obte­nir un résul­tat correct. Mais c’est toujours une déci­sion diffi­cile que de dire ou non à quelqu’un qu’un mix doit être refait. En tant que profes­sion­nel du maste­ring, ce n’est pas une bonne pratique parce que les gens attendent de moi des conseils et un soutien, pas néces­sai­re­ment des critiques. Il faut apprendre à travers ce genre d’épi­sodes. Il faut s’im­pliquer avec les gens, faire preuve de déli­ca­tesse. En fait, ce genre de choses, ça vient après une longue expé­rience.

Quel est le problème sonore que vous rencon­trez le plus souvent dans les mixes qui vous sont confiés ?

Le plus fréquent, c’est le manque de préci­sion du bas du spectre, il n’est pas bien enre­gis­tré et ne donne pas un bon son, tout ce qui est en dessous de 200 cycles [Hz] sonne confus. Et ça vient du fait que les envi­ron­ne­ments d’écoute en moni­to­ring sont si peu fiables. Il faut vrai­ment un profes­sion­nel plein d’ex­pé­rience qui travaille dans un envi­ron­ne­ment qu’il connait par cœur, et vous n’ima­gi­nez pas combien sont obli­gés de travailler dans des envi­ron­ne­ments qu’ils découvrent tout juste. Les problèmes du bas du spectre sont diffi­ciles. Trop de grosse caisse, ou une basse sous-mixée parce que les moni­teurs donnent trop de basses, et au maste­ring on ne peut pas tirer grand chose du bas du spectre. C’est l’un des problèmes prin­ci­paux.

Quels sont les autres ?

Les voix satu­rées et les guitares au son granu­leux sont un autre problème, les gens attaquent l’élec­tro­nique trop fort et ne sont visi­ble­ment pas sensi­bi­li­sés à ce type de risque de distor­sion du signal. Ce qui se passe au maste­ring, c’est que comme le maste­ring a pour but de tout rendre plus clair et vif, ça donne quelque chose de presque encore plus distordu. Ça finit par être vrai­ment fati­gant. Et c’est aussi un gros problème. Et c’est aussi lié à la struc­ture même du mixage « in the box », dans lequel les gens amènent une certaine forme de satu­ra­tion sans vrai­ment savoir en mesu­rer les impli­ca­tions. Beau­coup d’in­gé­nieurs du son profes­sion­nels avec lesquels je colla­bore travaillent main­te­nant à 100% « in the box », et ce qu’ils en sortent est d’une clarté exem­plaire. Ils savent tout simple­ment para­mé­trer chaque niveau de gain.

Je me deman­dais, est-ce que le fait de mixer en 32 bits à virgule flot­tante a changé la qualité des mixes, vu que ça dimi­nue les risques d’écrê­tage ?

Ça n’est pas un problème de réso­lu­tion. C’est diffi­cile à décrire préci­sé­ment, mais le problème c’est surtout la tenta­tion de bour­rer une seule et même chan­son avec telle­ment d’idées musi­cales juste parce qu’il est facile de le faire. La plupart des éléments sont désor­don­nés, et l’en­semble est suren­com­bré. Ce qu’il se passe, c’est que quand certaines personnes se lancent dans la produc­tion, elles passent telle­ment de temps sur certains éléments qu’à la fin il est hors de ques­tion pour elles de les enle­ver. La tenta­tion du surpeu­ple­ment est là. Sur le plan du maste­ring, où l’on ne se préoc­cupe que des fréquences, ça complique les choses parce qu’il devient diffi­cile de réduire certains éléments pour rendre l’en­semble propre, resserré et clair.

Donc en réalité, c’est plus un problème d’ar­ran­ge­ment que d’ex­cès de compres­sion ou autre.

C’est la tech­no­lo­gie qui mène à un manque de disci­pline au niveau de l’ar­ran­ge­ment, et à un manque de confiance dans chaque compo­sante de celui-ci. Vu qu’il est si facile d’ajou­ter un autre élément. C’est ce dont on parlait juste avant, cette inca­pa­cité à prendre des déci­sions. On essaie ci, et ça, et puis encore ça.

Quand vous maste­ri­sez, est-ce qu’il vous arrive de véri­fier comment les mixes maste­ri­sés vont sonner une fois conver­tis en MP3 ou dans d’autres formats compres­sés ? Je crois qu’Ozone a une fonc­tion qui permet de faire ça.

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La section « Career High­lights » de la page web de Calbi sur le site de Ster­ling Sound

Je ne le fais pas, parce qu’il y a telle­ment de varia­tions diffé­rentes en fonc­tion de la défi­ni­tion choi­sie. Mais je véri­fie le résul­tat avec Spotify, j’ai Spotify bran­ché en perma­nence dans le studio. Ils font vrai­ment du bon boulot. Il y a une sorte de compres­sion légère avec laquelle je n’ai aucun problème. Je n’ai jamais fait de compa­ra­tif entre Apple Music et Spotify.

Mais vous ne pensez pas que ça vaille la peine de véri­fier comment ça sonnera dans un format qui dégrade le signal comme le MP3 ?

Je pense surtout qu’il y a trop de variantes dans les façons dont les gens écoutent la musique. Rien que les casques, par exemple : chaque casque a un équi­libre sonore diffé­rent. Il y a de quoi deve­nir fou. Je fais simple­ment en sorte d’ob­te­nir un résul­tat que j’aime mieux que ce qui m’avait été confié au départ, et que j’ai l’im­pres­sion d’avoir poussé aussi loin que possible. Et si la personne qui m’a confié la chan­son a le même ressenti que moi, alors je m’ar­rête là et advienne que pourra.

Mais il faut que ça sonne fort.

Le volume, c’est là que tout se joue. La version maste­ri­sée doit à la fois être pleine de dyna­mique et sonner fort. Si ça sonne fort sans dyna­mique, ils n’aiment pas, et si c’est plein de dyna­mique sans sonner fort ils n’aiment pas non plus.

Que pensez-vous du retour en grâce du vinyle ? Et comment cela vous influence-t-il ?

Ça nous influence parce que ça nous donne plus de boulot à factu­rer, et c’est vrai­ment rentable. Et on peut se montrer vrai­ment utiles, parce que Ster­ling Sound a toujours eu de très bonnes machines à graver, et nos machines de découpe-vinyles ont toujours eu une répu­ta­tion mondiale. On n’a jamais laissé tomber. Dans les années 90, beau­coup de gens travaillant dans le maste­ring ont revendu leurs graveurs, mais ici on en a toujours eu.

C’était bien vu.

Et le vrai truc en plus du vinyle, pour moi, ce n’est pas tant sur le plan sonore que la façon dont les gens s’ap­pro­prient l’objet, à la fois sur le plan visuel, tactile, et musi­cal. Je trouve ça très sensé. Les gens veulent vrai­ment possé­der, tenir un objet, pas seule­ment écou­ter un contenu. Ce retour en grâce date d’à peu près 10 ans main­te­nant, ça a pris lente­ment. Ce dont on s’est rendu compte, même dans les gros labels, c’est que c’est une vraie source de béné­fices. Il est rentable d’in­ves­tir de l’ar­gent pour que ces trucs sonnent bien. Il y a des tech­niques spéci­fiques qu’on utilise spéci­fique­ment pour le maste­ring des vinyles, pour adap­ter ce qu’on fait déjà pour les supports numé­riques. Pour le vinyle, on peut vrai­ment parler d’adap­ta­tion et non d’amé­lio­ra­tion vu qu’on enlève une partie des trai­te­ments de façon à épurer l’en­semble, c’est aussi pour ça qu’au final le vinyle produit un rendu sonore diffé­rent. Sur le plan artis­tique, c’est un peu lourd à gérer, parce que si en faisant ça, le résul­tat change trop, le produc­teur va récu­pé­rer un master qui ne corres­pon­dra plus à l’en­re­gis­tre­ment pour lequel il a donné son feu vert, celui de la version numé­rique. La version numé­rique est toujours celle qui a été approu­vée au départ. Maste­ri­ser spéci­fique­ment pour le format vinyle dépasse le budget d’à peu près n’im­porte qui. Il n’y a que très peu de personnes qui prennent la peine de le faire faire. Keith Richards en avait les moyens pour son dernier album. C’est vrai­ment une ques­tion de budget. S’il s’agit juste de le faire correc­te­ment, on fait une version « correcte », qui ne revient pas si cher. On a un surcoût de produc­tion de peut-être 500 dollars. Mais pour un maste­ring spéci­fique sur vinyle, il faudrait rajou­ter envi­ron 5 000 dollars, et très peu de gens peuvent se le permettre. Ça prend une jour­née entière. Il y a plein de choses qu’on pour­rait essayer dans tous les sens. Mais encore une fois, on se retrouve alors avec deux produits aux sono­ri­tés diffé­rentes, ce qui n’est pas forcé­ment l’objec­tif souhaité. 

N’y a-t-il pas des problèmes d’ordre pure­ment physique au niveau du maste­ring pour vinyle, par exemple l’obli­ga­tion de suppri­mer certaines des très basses fréquences pour que le diamant ne saute pas dans tous les sens ?

On essaie d’évi­ter. Autre­fois, on faisait ça pour leur permettre de sonner assez fort, parce que c’étaient les vinyles qui étaient passés en radio, et c’était vrai­ment impor­tant [que ça sonne assez fort]. C’est surtout la contrainte de temps qui est impor­tante avec le vinyle, parce que dès qu’on dépasse 22 minutes par face, le volume est véri­ta­ble­ment dimi­nué. Et quand c’est le cas, les bruits inhé­rents à la surface deviennent plus audibles, et le rendu de l’en­re­gis­tre­ment devient en quelque sorte distant. Ce à quoi il faut s’ap­pliquer, c’est essayer de faire tenir le plus haut volume possible en tenant compte des durées néces­saires pour chaque face, A et B. On a un gars plein d’ex­pé­rience qui fait ça depuis 40 ans. Il est très bon, et il a du super maté­riel. Sur le plan sonore, c’est un peu compliqué. Il faut trou­ver un compro­mis entre le budget et le temps dispo­nible. Je trouve que le vinyle est vrai­ment super pour le consom­ma­teur parce qu’il procure une meilleure expé­rience émotion­nelle. Je pense que les groupes le pensent aussi, et ils adorent avoir des disques sur leur stand à la fin des concerts pour pouvoir les vendre 25 ou 30 balles pièce.

Merci Greg !

Mais de rien.


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