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Pédago
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L’automation artistique, ou le retour du film de votre mix

Le guide du mixage — 106e partie

Après l’aspect fonctionnel, envisageons à présent l’automation selon un point de vue artistique en revenant à notre analogie entre musique et cinéma...

L’automation artistique, ou le retour du film de votre mix : Le guide du mixage — 106e partie
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Je me rends compte tout à coup que j’ai omis de vous expliquer pourquoi je faisais une distinc­tion entre ces deux types d’au­to­ma­tion. La raison est somme toute simple, il s’agit ici d’op­ti­mi­ser le ratio qualité du rendu/temps. Avec l’ex­pé­rience, je me suis aperçu qu’il était beau­coup plus effi­cace de rassem­bler les besognes d’ordre pure­ment tech­nique ensemble afin de s’en libé­rer plei­ne­ment avant de s’at­te­ler à toute tâche artis­tique. Ainsi, l’es­prit me semble plus libre, car il n’est pas inter­rompu en plein proces­sus créa­tif par d’éven­tuels problèmes d’ar­rière-cuisine. Cela ne vous parle peut-être pas, mais essayez tout de même, je vous assure que le résul­tat est bluf­fant, sans parler du bien-être que cette façon de faire procure.

Pensez votre morceau comme un film

Afin de parler de l’au­to­ma­tion artis­tique, je vous propose de reve­nir à la notion de film de votre mix dont je vous ai déjà parlé en tout début de cette série d’ar­ticles. Si nous pour­sui­vons l’ana­lo­gie ciné­ma­to­gra­phique, le constat actuel est le suivant : le casting est fait, les acteurs connaissent leurs textes sur le bout des doigts et le gros du décor est planté. Mais cela ne suffit pas pour faire un film digne de ce nom ! Il vous reste encore à travailler sur la mise en scène, la scéno­gra­phie, et bien entendu la réali­sa­tion. Tout cela vous paraît peut-être un peu trop abstrait. Voyons donc de quoi il retourne exac­te­ment.

Selon André Antoine, la mise en scène est « l’art de dres­ser sur les planches l’ac­tion et les person­nages imagi­nés par l’au­teur drama­tique ». Pour l’ins­tant, vos acteurs/instru­ments savent quand ils rentrent et sortent de scène, mais il reste à défi­nir le comment : en douceur sans trop se faire remarquer ou bien d’une façon toni­truante ? De plus, s’ils connaissent leur empla­ce­ment initial au sein de l’es­pace, il faut tout de même encore diri­ger leurs mouve­ments tout au long de l’ac­tion. En effet, si tout le monde reste planté comme une fougère en pleine forêt durant l’in­té­gra­lité du film/morceau, le spec­ta­teur/audi­teur risque d’avoir une sérieuse crise de bâille­ments à la longue…

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Pour la scéno­gra­phie, c’est peu ou prou la même tisane. Si le décor reste iden­tique et irré­mé­dia­ble­ment statique tout du long, l’en­nui aura vite fait d’étreindre l’as­sis­tance. De subtils mouve­ments, même en fond de plan, ou des chan­ge­ments complets de décor main­tien­dront à coup sûr l’in­té­rêt du public.

Enfin, la réali­sa­tion s’oc­cu­pera de l’en­chaî­ne­ment des scènes, c’est-à-dire, en ce qui nous concerne, des passages entre couplets, breaks, refrains, solo, etc. Abrupts ou progres­sifs, ces chan­ge­ments de cadres sont des piliers pour l’évo­lu­tion drama­tique de votre titre.

Car, ne l’ou­bliez pas, votre musique raconte une histoire. Et le but de l’au­to­ma­tion artis­tique, comme tout ce que nous avons fait jusqu’à présent d’ailleurs, est de servir ce récit afin que le message émotion­nel soit trans­mis au mieux à l’au­di­teur.

Nous allons voir de suite les ensei­gne­ments que nous pouvons tirer de cette analo­gie ciné­ma­to­gra­phique ainsi que les leviers à votre dispo­si­tion à l’heure de l’au­to­ma­tion artis­tique qui vous permet­tront d’ar­ri­ver à vos fins. Mais au préa­lable, je vous invite à reprendre en main et étudier atten­ti­ve­ment le script de votre film, à savoir les notes rédi­gées au tout début de cette aven­ture et consti­tuant votre vision du mix, car vous allez en avoir besoin…

Leçon de cinéma appliquée à la musique

En regard de la mise en scène, le premier ensei­gne­ment issu du cinéma concerne l’or­ga­ni­sa­tion du discours de chacun des acteurs. Qu’il s’agisse de mono­logues ou de dialogues, il est primor­dial pour chaque inter­ve­nant d’avoir son temps de parole réservé à lui seul, sous peine de rendre son propos complè­te­ment inin­tel­li­gible. Pour reve­nir au cadre musi­cal, les acteurs prin­ci­paux se résument bien souvent au chant et aux instru­ments solistes. Serait-il oppor­tun d’avoir un solo par-dessus le chant ? Ou bien encore deux solos en même temps ? Bien sûr que non. À vous donc d’agen­cer cela au mieux : appa­ri­tion de « licks » entre les phrases chan­tées, arti­cu­la­tion des solos sous forme de ques­tion/réponse, etc.

J’en entends déjà certains s’ins­crire en faux : « Mais c’est de l’ar­ran­ge­ment ça, pas du mixage ! ». Effec­ti­ve­ment, cela tient plus de l’ar­ran­ge­ment. D’ailleurs, si le titre que vous mixez est bien arrangé à la base, vous aurez certai­ne­ment beau­coup moins de travail à l’heure de l’au­to­ma­tion. Mais dans le cas contraire, n’hé­si­tez pas une seule seconde à prendre des déci­sions, même dras­tiques, à partir du moment où cela sert l’œuvre musi­cale et non pas l’égo d’un musi­cien, d’un compo­si­teur, voire le vôtre.

Toujours au niveau de la mise en scène, il est inté­res­sant de se pencher sur la ques­tion des place­ments et dépla­ce­ments des person­nages. L’in­ter­ven­tion d’un person­nage clé n’aura aucun impact si ce dernier se trouve à ce moment-là caché derrière un meuble dans le fond du décor ; il se doit d’être à l’avant-scène pour que le public puisse non seule­ment capter l’in­té­gra­lité de son propos, mais égale­ment toutes ses nuances de jeu. Il est tout aussi évident qu’une fois son discours achevé, ce même person­nage ne va pas obstruer inuti­le­ment le front de scène, il faut bien entendu qu’il libère la place pour ses petits cama­rades. Cette danse des prota­go­nistes est essen­tielle au bon dérou­le­ment de votre récit musi­cal, tâchez donc d’y prêter une atten­tion toute parti­cu­lière.

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Concer­nant la scéno­gra­phie, les leçons à en tirer d’un point de vue musi­cal sont peut-être un poil plus abstraites de prime abord. En effet, les chan­ge­ments d’ar­rière-plan sont beau­coup moins perçus de façon consciente par le public. Cepen­dant, il ne faut surtout pas sous-esti­mer l’im­pact émotion­nel de cet art ô combien diffi­cile ! Imagi­nez un instant une comé­die musi­cale avec un acteur/chan­teur qui se lève d’un coup pour donner de la voix. Eh bien si vous placez la scène dans une café­té­ria étudiante entiè­re­ment vide, ou pleine, mais avec des clients abso­lu­ment immo­biles, ou bien encore avec une clien­tèle vivant sa vie sans faire cas du chant, ou au contraire avec tout le monde qui se met à danser sauce Fame, vous vous rendez bien compte que l’im­pact de la perfor­mance change pour chacune de ces situa­tions, qu’im­porte les paroles ou le style musi­cal.

Dans un contexte pure­ment musi­cal, cela se traduit par le manie­ment des instru­ments d’ac­com­pa­gne­ment. Bien sûr, le jeu des musi­ciens, le groove du morceau et la densité de l’ar­ran­ge­ment influent énor­mé­ment sur ce senti­ment d’am­biance. Néan­moins, il ne faut surtout pas mettre à l’in­dex l’in­ci­dence des fluc­tua­tions qu’il est possible d’im­pri­mer au décor musi­cal sur la sensa­tion de vie de votre mix, que cela soit fait au travers d’une auto­ma­tion subtile ou non. Atten­tion toute­fois, veillez bien à ce qu’au­cun de ces instru­ments d’or­ne­ment ne vienne voler la vedette aux acteurs prin­ci­paux, ce n’est pas le propos. Gardez à l’es­prit la vision du film de votre mix et tenez-vous-y ferme­ment afin d’évi­ter tout débor­de­ment.

Finis­sons cet épisode avec la réali­sa­tion — au sens très large du terme. Imagi­nez la scène suivante : deux étudiants assis sur un lit dans la pénombre. Inter­ca­lez un bref plan sur leurs mains qui se frôlent et tout le monde se doutera de la suite des évène­ments. Par contre, si le plan inséré est cadré sur la poignée de porte de la chambre qui tourne, le public s’at­ten­dra à tout autre chose. De plus, l’im­pact de l’ou­ver­ture de la porte sera diffé­rent s’il y a allu­mage de la lumière en simul­tané ou non, si cette lumière est froide ou chaude, etc. Bref, le cadrage, le montage des plans et la gestion de la photo­gra­phie jouent tous un rôle impor­tant dans l’évo­lu­tion drama­tique du récit. Bien entendu, d’un point de vue stric­te­ment musi­cal, cela peut se traduire au niveau de l’ar­ran­ge­ment, de l’in­ter­pré­ta­tion des musi­ciens, voire de la compo­si­tion elle-même. Mais l’au­to­ma­tion artis­tique peut exacer­ber l’im­pact de tout ce beau monde, et même créer de bout en bout ce type d’ef­fet afin de soute­nir le dérou­le­ment du récit sonore tout en préser­vant l’at­ten­tion de l’au­di­teur.

Volume, Pan, EQ, Mute, Send : que quels para­mètres jouer ?

En matière d’au­to­ma­tion en situa­tion de mixage, le prin­ci­pal levier est histo­rique­ment le fader de volume. Et malgré toute la liberté offerte par nos STAN, ce bon vieux fader reste à ce jour l’arme de choix pour tout ingé­nieur du son averti. En effet, sa simpli­cité d’em­ploi alliée à son impact sonore direct en font un outil diable­ment effi­cace pour mettre en avant ou en retrait de votre scène musi­cale tel ou tel élément du mix à tel ou tel moment en un tour­ne­main. De plus, si vous avez envoyé intel­li­gem­ment vos diffé­rentes pistes vers des bus spéci­fiques (batte­ries, ryth­miques, voix, etc.), les faders de ces derniers vous permet­tront de gérer de façon simple les enchaî­ne­ments entre les couplets, refrains, breaks et solo du titre à mixer. Prenez garde cepen­dant à ne pas avoir la main trop lourde car, comme je vous l’ai déjà dit, l’au­di­teur n’aime pas vrai­ment sentir la main du « tech­ni­cien » derrière les manet­tes…

Le réglage de pano­ra­mique est bien entendu un autre levier de choix en termes d’au­to­ma­tion artis­tique. Tout aussi simple à utili­ser que le fader de volume, il permet de rapi­de­ment jouer sur la largeur du cadre de votre film sonore. Ceci étant, son manie­ment néces­site encore plus de subti­lité que pour le fader car des chan­ge­ments répé­tés de façon trop rapide ont vite fait de donner le mal de mer à l’au­dience, surtout lors d’une écoute au casque. Prudence donc !

L’au­to­ma­tion de l’éga­li­sa­tion est égale­ment un candi­dat idéal d’un point de vue artis­tique. Sur un instru­ment seul, cela offre une alter­na­tive plus subtile que le fader de volume pour mettre en avant ou en retrait cet élément du mix à des moments choi­sis puisqu’il suffit bien souvent de jouer sur une seule bande de fréquences avec une faible ampli­tude de gain. De plus, sur des groupes de pistes, l’au­to­ma­tion d’un EQ n’a pas son pareil pour chan­ger la couleur d’un paysage sonore.

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N’hé­si­tez pas non plus à titiller le bouton Mute de certaines de vos pistes, c’est un moyen simple et effi­cace d’agir sur la mise en scène, la scéno­gra­phie ou la réali­sa­tion du film de votre mix.

Faire varier les envois de vos pistes vers vos bus auxi­liaires de réver­bé­ra­tion et/ou délai ainsi que les para­mètres de ces derniers sont aussi d’ex­cel­lents moyens de rendre votre mixage plus vivant. Il vous est ainsi possible de faire « bouger » les éléments du mix dans l’es­pace, mais égale­ment de trans­for­mer complè­te­ment la scène ou le lieu virtuel dans lequel tout ce beau monde évolue.

Enfin, l’au­to­ma­tion ponc­tuelle du bypass ou des réglages d’ef­fets spéciaux comme les réverbes, délais, filtres, modu­la­tions, etc. est une bonne solu­tion pour atti­rer l’at­ten­tion de l’au­di­teur sur un élément spéci­fique du mix à un moment oppor­tun. Atten­tion toute­fois, cette méthode doit être utili­sée très occa­sion­nel­le­ment pour que le côté excep­tion­nel de la chose conserve toute sa puis­sance d’im­pact émotion­nel.

Voilà, je pense qu’avec tout ça vous avez déjà de quoi faire et qu’il est donc grand temps pour vous de trans­for­mer votre vision du mix en auto­ma­tion. Pour ce faire, nous verrons dans le prochain article comment réali­ser concrè­te­ment vos auto­ma­tions.

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