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Pédago
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L’avis des autres sur votre mix

Le guide du mixage — 129e partie

Après des heures à travailler seule sur votre mix, l'heure est venue de recourir au regard d'autrui pour valider vos choix ou révéler des problèmes qui vous auraient échappé.

L’avis des autres sur votre mix : Le guide du mixage — 129e partie
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Juger de façon sincère un mixage est l’une des choses les plus dures qui soient. Après toutes ces heures passées à malaxer la matière sonore en son cœur, il est effec­ti­ve­ment bien diffi­cile d’abor­der une œuvre avec une écoute d’une justesse à toute épreuve en fin de mix. C’est d’au­tant plus le cas pour le home studiste puisqu’il cumule (trop) souvent les casquettes de compo­si­teur, inter­prète, ingé­nieur du son et réali­sa­teur artis­tique. Cepen­dant, il existe une méthode simple permet­tant de retrou­ver rapi­de­ment le recul néces­saire à l’ana­lyse de votre travail en toute objec­ti­vi­té…

L’écoute exter­na­li­sée

Ce que j’ap­pelle « l’écoute exter­na­li­sée » se base sur une idée à première vue enfan­tine puisqu’il s’agit de faire écou­ter votre mixage à une personne de votre entou­rage, proche ou non, peu importe. J’en entends déjà certains s’écrier que c’est bien joli comme histoire, mais tout le monde n’a pas la chance de connaître quelqu’un doté d’une finesse d’oreille suffi­sante pour lui permettre d’émettre une critique avisée sur un sujet aussi spéci­fique. Et vous avez raison… Sauf que l’ef­fi­ca­cité de cette méthode ne repose abso­lu­ment pas sur les quali­tés audi­tives de votre « cobaye », car c’est vous qui allez bel et bien faire tout le travail ! En effet, ce qui compte ici n’est pas l’écoute de cette personne, mais plutôt le recul qu’elle va appor­ter à la vôtre…

Mixage 128 Couv Large

N’avez-vous jamais remarqué ce curieux phéno­mène ? Lorsque vous faites écou­ter l’une de vos produc­tions à quelqu’un, il y a toujours au moins un moment où vous voulez inter­ve­nir pour expliquer, justi­fier, ou simple­ment faire entendre telle ou telle chose en parti­cu­lier à votre audi­teur. Or, si vous ressen­tez ce besoin impé­rieux, c’est qu’il y a certai­ne­ment un problème. Vous en étiez jusqu’à présent proba­ble­ment plus ou moins conscient, mais le fait de soumettre votre travail au regard de l’autre vous force à en prendre plei­ne­ment conscience et cela vous appa­rait alors comme une évidence. Vous voyez de quoi je parle, n’est-ce pas ?

Honnê­te­ment, je ne sais abso­lu­ment pas à quoi est dû ce phéno­mène. C’est peut-être une forme d’em­pa­thie qui nous fait tout à coup perce­voir notre musique au travers des oreilles de l’autre, ou peut-être une vieille ruse de Sioux, un sorti­lège vaudou, ou tout simple­ment le même concept qui sert de socle à la psycho­lo­gie moder­ne… Mais qu’im­porte, le résul­tat est là : nous savons, mais nous ne savions pas que nous le savions, et la seule présence d’un quidam suffit à remettre toutes les pendules à l’heure. Amusant, non ?

Du coup, plutôt que de pertur­ber l’écoute quiète de votre sympa­thique audience avec un bla-bla qui lui paraî­tra certai­ne­ment abscons, je vous invite à menta­le­ment prendre note de toutes ces remarques qui brûlent vos lèvres ; couchez-les sur papier au besoin. En revanche, n’es­sayez pas d’ima­gi­ner tout de suite des solu­tions aux problèmes que vous venez de soule­ver, chaque chose en son temps. Concen­trez-vous simple­ment sur cette écoute exter­na­li­sée afin de tirer plei­ne­ment parti des bien­faits de cette objec­ti­vité retrou­vée. Puis, une fois revenu dans le calme de votre station de travail, analy­sez ces nouvelles données et agis­sez en consé­quence. Essayez, vous m’en direz des nouvelles !

Ceci dit, à présent que vous avez recouru à un tiers en faisant fi de son avis, il est inté­res­sant de refaire la démarche en s’in­té­res­sant juste­ment à ce qu’il  pense. Aussi effi­cace soit-elle, cette façon de faire ne vous dispense pas en effet de prendre en compte les remarques et autres réac­tions de votre gentil cobaye, et ce, même si la personne en ques­tion ne gravite pas de près ou de loin autour du monde de la musique. Après tout, votre chef-d’œuvre ne se destine certai­ne­ment pas qu’à un public de connais­seurs, n’est-ce pas ?

Comme dirait l’autre

Avant même de faire un débrie­fing en fin d’écoute, la première chose à prendre en consi­dé­ra­tion se résume au compor­te­ment de votre audi­teur pendant la lecture du morceau. Ses réac­tions physiques sont d’ex­cel­lents indi­ca­teurs quant à l’im­pact émotion­nel du titre. A-t-il dode­liné de la tête ou battu la mesure d’une façon ou d’une autre si la musique s’y prête ? Et si tel est le cas, à quel(s) moment(s) ? A-t-il marqué des signes de surprises aux passages voulus ? Semble-t-il devoir faire des efforts pour rester dans la musique ? Obser­vez atten­ti­ve­ment tous les signes externes : les mouve­ments des yeux et des sour­cils, les mimiques des lèvres, les gestes des mains et des bras, le balan­ce­ment des jambes, et guet­tez même les éven­tuels dres­sages de poils ! Mine de rien, toutes ces choses relèvent du réflexe et repré­sentent donc les effets direc­te­ment provoqués par votre musique sur quelqu’un qui la découvre pour la toute première fois. Prenez donc ces signes en compte et confron­tez-les à la vision que vous avez de votre mix. Si tout corres­pond à vos attentes, c’est que vous avez bien fait votre job, sinon, c’est qu’il y a peut-être quelque chose à revoir…

Débrie­fing en fin d’écoute

Mixage 129 Poker Face

Dans un premier temps, lâchez-le fameux « Alors ? » afin de solli­ci­ter l’avis de l’au­di­teur et écou­tez reli­gieu­se­ment ses premières impres­sions. Car, même si la verba­li­sa­tion implique une certaine part d’in­tel­lec­tua­li­sa­tion, les premiers mots ont eux aussi quelque chose d’ins­tinc­tif et sont donc, à ce titre, révé­la­teurs des émotions véhi­cu­lées par votre musique. Le voca­bu­laire employé par un néophyte en matière de mix n’est pas à prendre à la légère, car il peut toujours se traduire d’une façon ou d’une autre dans le domaine tech­nique de manière concrète. La diffi­culté réside bien sûr dans cette traduc­tion. Afin de mieux comprendre votre inter­lo­cu­teur, il peut être utile de connaître au préa­lable ses goûts musi­caux. De plus, si l’un des termes qu’il emploie vous paraît trop abscons, n’hé­si­tez pas à lui deman­der quelques éclair­cis­se­ments sous forme d’exemples audio issus de titres connus afin de mieux cerner son discours. Atten­tion cepen­dant, atten­dez bien qu’il ait fini sa première salve verbale avant de lui poser des ques­tions, sous peine de le couper dans son élan origi­nel.

Une fois ces premières impres­sions livrées, vous pouvez enchaî­ner avec des ques­tions plus spéci­fiques sur des points qui vous inté­ressent parti­cu­liè­re­ment. Par exemple, deman­dez si le chant est bien compré­hen­sible, si la basse et la batte­rie s’en­tendent bien, ou si tel ou tel passage a bien attiré l’at­ten­tion. Bref, c’est le moment de poser toutes les ques­tions sur les petits détails qui vous tara­bustent. Vous remarque­rez certai­ne­ment que la plupart de ces points ne sont pas si impor­tants que ça aux yeux de l’au­di­teur et vous l’en­tendre dire par un autre est une excel­lente chose puisque cela vous permet­tra de vous recen­trer sur ce qui est réel­le­ment essen­tiel.

Et ce qui peut être plus inté­res­sant d’ailleurs, c’est d’ana­ly­ser votre mixage par le truche­ment d’un public choisi. Cette fois-ci, le prin­cipe se résume très simple­ment : faire écou­ter votre mix à un ensemble de personnes sans que ces dernières ne sachent qu’il s’agit d’une de vos oeuvres…

L’avis des autres à l’aveugle

Avant de rentrer dans le vif du sujet, prenons un instant pour discu­ter de l’in­té­rêt de la manoeuvre. Ne trou­vez-vous pas parfois diffi­cile de donner votre avis sur le travail de quelqu’un qui vous est cher ? N’avez-vous pas peur d’éven­tuel­le­ment bles­ser la personne, surtout si l’objet de la critique est d’une grande impor­tance à ses yeux ? Et vous sentez-vous toujours légi­time pour expri­mer un avis dans un domaine que vous ne maîtri­sez pas forcé­ment ? Il me semble que tout être humain doté d’un tant soit peu d’em­pa­thie répon­drait par l’af­fir­ma­tive à ces ques­tions. Il y a donc de fortes chances pour que les personnes que vous solli­ci­tez en prio­rité se retrouvent dans cette situa­tion ô combien incon­for­table à l’heure de s’ex­pri­mer sur votre travail de mixage. Avouez que ce n’est pas fran­che­ment le meilleur moyen d’ob­te­nir des remarques franches, objec­tives et construc­tives. De plus, comme vous avez déjà sûre­ment conscience de ce phéno­mène, même si votre inter­lo­cu­teur réus­sit à se plier avec brio à l’exer­cice, vous ne serez vous-même jamais certain que tel est le cas et une forme de doute subsis­tera toujours dans votre esprit quant à la véra­cité et la justesse des propos recueillis. Par consé­quent, l’idée de faire écou­ter votre mix à « l’insu du plein gré » de votre audi­toire n’est pas si saugre­nue que cela.

Comment ?

Main­te­nant que nous sommes d’ac­cord sur le bien­fondé d’une telle démarche, voyons comment procé­der. À première vue, il paraît simple de glis­ser votre mix au sein d’une play­list que vous diffu­se­rez à l’oc­ca­sion d’une soirée entre amis. Mais n’ou­bliez pas une chose : votre morceau n’est pas encore maste­risé ! Du coup, en agis­sant à la va-vite, vous risquez fort de passer tota­le­ment à côté du but recher­ché car la diffé­rence de volume sonore perçu entre votre mix et les autres titres ne jouera pas en votre faveur. Il est bien entendu possible de subti­le­ment augmen­ter le volume de diffu­sion au moment oppor­tun, mais la manoeuvre a quelque chose de trop aléa­toire pour être réel­le­ment satis­fai­sante. Afin de remé­dier à tout cela, je préfère prépa­rer minu­tieu­se­ment ma fameuse play­list en amont afin d’ali­gner le volume sonore de chacun des titres sur celui de mon mix. Pour ce faire, j’im­porte tous les morceaux de la play­list dans ma STAN et je modi­fie le gain de chacun d’eux en fonc­tion de ce que me disent mes oreilles, mais égale­ment en me réfé­rant à un plug-in d’ana­lyse de Loud­ness tel que le free­ware Youlean Loud­ness Meter. Une fois cela fait, j’ex­porte le résul­tat et le tour est joué !

Home Party

Passons à présent à l’ana­lyse des réac­tions des gens lors de cette écoute-test en mode « fourbe ». Aussi bizarre que cela puisse paraître, l’ab­sence totale de réac­tion est l’une des meilleures choses qui soient. En effet, si votre mix n’in­ter­fère pas le moins du monde avec l’at­mo­sphère géné­rale, quelle qu’elle soit, cela veut tout simple­ment dire qu’il est a minima du même niveau tech­nique et artis­tique que les autres titres de la play­list. Si l’écoute de votre morceau contri­bue à l’évo­lu­tion de l’am­biance de la soirée, c’est encore mieux ! En revanche, si la diffu­sion de votre titre entraîne une rupture quel­conque du climat alors que la play­list en elle-même est censée être cohé­rente de ce point de vue là, ou si certaines remarques ou réac­tions néga­tives adviennent, comme quelqu’un qui souhaite bais­ser le son pour mieux discu­ter ou parce que ça le fatigue, c’est qu’il vous faut sans doute revoir votre copie.

Pour finir, un mot sur un point que je n’ai pas encore évoqué. Il est primor­dial pour tout apprenti ingé­nieur du son de savoir diffé­ren­cier les remarques concer­nant son travail de celles rela­tives au morceau en lui-même. En effet, il est très facile de tout mettre sur le dos du travail de mixage alors que bien souvent, le problème vient de la compo­si­tion elle-même. La diffi­culté en situa­tion de home studio, c’est que l’in­gé­nieur du son et l’au­teur/compo­si­teur sont géné­ra­le­ment deux moitiés d’un même tout… Quelle moitié devez-vous donc répri­man­der ? Là n’est pas la ques­tion, l’au­to­fla­gel­la­tion ne faisant jamais avan­cer le schmil­blick à mon humble avis. En revanche, iden­ti­fier d’où vient réel­le­ment le problème vous permet­tra de savoir exac­te­ment à quel niveau il vous faudra reprendre le travail, ce qui est autre­ment plus produc­tif. À bon enten­deur…

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