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Quand la brute se fait poly
9/10
Award Valeur sûre 2021
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Quatre ans après le MatrixBrute, Arturia présente son premier synthé analogique polyphonique, le PolyBrute. Un magnifique instrument qui nous réserve bien des surprises. La V2.0 de l'OS pousse le bouchon encore plus loin...

Test du PolyBrute d'Arturia : Quand la brute se fait poly

PolyBrute_2tof 01Artu­ria vient tout juste de fêter ses vingt ans. Initia­le­ment centrée sur le logi­ciel, la petite entre­prise de la région greno­bloise a pris un nouveau virage en 2012 avec le Mini­Brute, le premier synthé analo­gique complet abor­dable. En quelques années, elle est deve­nue un solide acteur du marché du synthé, le succès du Micro­Brute, véri­table best-seller, l’ayant défi­ni­ti­ve­ment rendue incon­tour­nable. Ne campant pas sur ses lauriers, Artu­ria a alors étoffé sa gamme et décliné sa vision du synthé analo­gique mono­dique jusqu’au puis­sant Matrix­Brute, un instru­ment aussi inno­vant qu’im­po­sant, doté d’une magni­fique matrice de modu­la­tion lumi­neuse faci­li­tant les connexions. Artu­ria a en paral­lèle lancé des BAR analo­giques et un petit synthé hybride bien singu­lier, le Micro­Freak, récem­ment passé en V3. Mais dans le plus grand secret, les ingé­nieurs maison se sont affai­rés autour d’un projet très ambi­tieux attendu de longue date par les aficio­na­dos de la marque et des belles machines. À l’ap­proche du ving­tième anni­ver­saire fin 2020, l’an­nonce est enfin tombée sur les télé­scrip­teurs : le Poly­Brute est en approche. Quelques mois plus tard à peine, un exem­plaire flam­bant neuf nous est parvenu. Après avoir testé l’OS 1.0.4, nous avons mis à jour le test avec la V2.0.

40 Years
00:0001:00
  • 40 Years01:00
  • Antoine00:49
  • Blade Blues00:36
  • Buckle Up00:15
  • Cool Brute [Multi]01:28
  • Ecotri00:59
  • Hypnos01:15
  • La Barbe (courte) [Multi]01:29
  • Magic Sweep01:10
  • Maurice is Back00:46
  • Mini Morphlead00:28
  • OB Pads01:01
  • Pkloop01:05
  • Poly­Brute_1audio Démo by Olivier Grall [Multi]01:43
  • Pytha­gore01:02
  • Seapad01:04
  • Spovt­nik (courte) [Multi]01:30
  • Spovt­nik01:18
  • Tears in Rain01:51
  • Thanks Lyle00:54
  • TriCS01:30

 

Ergo­no­mie exem­plaire

PolyBrute_2tof 06La qualité d’em­bal­lage du Matrix­Brute nous avait déjà impres­sion­nés, il en est de même pour celle du Poly­Brute : double carton­nage, cornières longi­tu­di­nales renfor­cées, énormes pains de mousse de protec­tion, tout est prévu pour que le synthé arrive dans un état impec­cable. Ce serait d’ailleurs dommage d’abî­mer cette magni­fique pièce de luthe­rie élec­tro­nique de 97×38×11 cm pour 20 kg, de couleur bleu foncé métal. Cette fois, le panneau est fixe à l’ho­ri­zon­tale, on aurait d’ailleurs préféré un peu plus d’angle car les nombreuses commandes occupent toute la surface dispo­nible, y compris en profon­deur. On ne dénombre pas moins de 53 poten­tio­mètres bien ancrés, 3 enco­deurs (2 gros de couleur alu et un petit gris de tempo très dur à tour­ner), 15 curseurs linéaires fluides, 43 boutons-pous­soirs rigides et 112 boutons-pous­soirs rétroé­clai­rés caou­tchou­teux. Les commandes sont fort logique­ment dispo­sées et très faciles à repé­rer, que du bonheur.

L’er­go­no­mie est d’ailleurs amélio­rée par rapport au Matrix­Brute, avec des assi­gna­tions directes des 32 desti­na­tions dans la matrice, des éditions locales (en main­te­nant la touche Settings et en mani­pu­lant certaines commandes, on ouvre un menu de para­mètres supplé­men­taires) et un accès à tous les para­mètres globaux via un menu System complet. On retrouve aussi la logique un bouton/une fonc­tion, les trois modes de réponse des poten­tio­mètres (saut/seuil/rela­tif) et la fameuse matrice multi­co­lore 12×8, permet­tant de chan­ger de son, connec­ter des sources à des desti­na­tions ou program­mer le séquen­ceur. Les fonc­tions Panel, Compare et Init n’ont pas été oubliées, mais elles sont parfois perdues dans les menus ou assi­gnées à des combi­nai­sons de touches (des touches dédiées auraient été préfé­rables). Bravo pour la fonc­tion Snap­shot, qui permet de prendre 5 instan­ta­nés des réglages d’un programme pour rappel ulté­rieur. Sans oublier la géné­ra­tion de sons aléa­toire. Si on perd les macros du Matrix­Brute, on gagne en revanche la géniale fonc­tion Morphing. Celle-ci permet de passer progres­si­ve­ment entre deux ensembles A et B de réglages en façade (presque tous !) avec un poten­tio­mètre dédié, le contrô­leur Morphée ou un CC Midi. C’est idéal pour créer des ambiances évolu­tives impres­sion­nantes ou au contraire des tran­si­tions très subtiles. Cela concerne aussi bien les commandes conti­nues que les valeurs habi­tuel­le­ment discrètes, telles que le routage des VCO vers les VCF ou encore les formes d’ondes des LFO. Ici, ça morphe à tous les étages, ce qu’au­cun autre synthé analo­gique poly­pho­nique n’avait fait de façon aussi complète jusque-là. Bravo ! Avec la V2.0, la valeur des para­mètres en cours d’édi­tion est désor­mais affi­chée, sous forme graphique et numé­rique, un grand merci.

Présen­ta­tion soignée

PolyBrute_2tof 07La construc­tion est très soignée, avec une coque métal­lique, des flancs en bois agré­men­tés de Tolex et une connec­tique vissée ou sertie. Les molettes alu sont très agréables. Elles sont placées en partie supé­rieure du panneau, un curieux bloc en bois étant venu leur voler la vedette. Il s’agit du Morphée, un contrô­leur 3D spéci­fique très origi­nal déve­loppé en interne. Rensei­gne­ments pris chez Artu­ria, il n’a rien à voir avec le Touché d’Ex­pres­sive E, dont le méca­nisme et le rendu est très diffé­rent. Ici, le plan hori­zon­tal contrôle deux axes par effleu­re­ment (X-Y) alors que l’axe (Z) est obtenu en enfonçant le bloc à la verti­cale, avec une résis­tance et une course idéale, soumise à un ressort de rappel parfai­te­ment dimen­sionné. Les mouve­ments du contrô­leur sont repré­sen­tés en temps réel sur le confor­table écran graphique OLED. Les trois axes sont assi­gnables au morphing ou à n’im­porte quelle source via la matrice de modu­la­tion. Affaire de goût, nous l’au­rions inversé avec les molettes, car elles sont un peu loin pour contrô­ler le pitch avec préci­sion. Autre contrô­leur origi­nal, le long ruban gravé en creux dans la traverse en bois située au-dessus du clavier. Il répond parfai­te­ment sur toute sa longueur, selon diffé­rents modes d’ac­tion : absolu ou rela­tif, avec ou sans recen­trage, parfait ! Termi­nons avec le clavier 5 octaves, sensible à la vélo­cité et à la pres­sion duopho­nique, iden­tique à celui du Matrix­Brute. La réponse en vélo­cité est très bonne et ajus­table. La réponse en pres­sion offre plusieurs inter­valles d’ac­tion (début/fin) permet­tant d’évi­ter les déclen­che­ments intem­pes­tifs quand on joue trop lourd. Appor­tée par la V2.0, la pres­sion duopho­nique permet d’ap­pliquer la pres­sion sur les nouvelles notes jouées, sans affec­ter celles déjà main­te­nues. Nous avons été à nouveau surpris par la finesse des touches blanches dont l’ex­tré­mité plie faci­le­ment. Tant qu’elle ne rompt pas…

Côté connec­tique, on trouve une prise casque judi­cieu­se­ment placée à l’avant gauche (jack 6,35 avec volume indé­pen­dant en façade), tout le reste étant placé sur le panneau arrière. Les possi­bi­li­tés sont beau­coup moins géné­reuses que sur le Matrix­Brute : une paire de sorties stéréo (jack 6,35 TS), deux jacks de synchro (entrée/sortie 3,5 mm), trois prises pour pédales (une de main­tien et deux conti­nues assi­gnables), un inter­rup­teur pour la protec­tion mémoire, un trio Midi DIN, une prise USB et une fiche IEC pour cordon secteur (alimen­ta­tion interne à détec­tion auto­ma­tique, ouiiiii !). Par rapport au Matrix­Brute, on perd donc la boucle d’in­ser­tion d’ef­fets, les nombreuses connec­tions CV/Gate et l’en­trée audio, dur dur ! La prise USB trans­met le Midi, les programmes et les données système. Ceci permet notam­ment d’uti­li­ser la machine avec l’ap­pli­ca­tion spéci­fique Poly­Brute Connect, un éditeur-biblio­thé­caire fonc­tion­nant en versions stan­da­lone et VST. Les commandes conti­nues émettent des CC Midi ou NRPN via USB lorsque le synthé est connecté à l’ap­pli. Depuis la V2.0, le Morphée et le ruban trans­mettent des CC Midi, qui viennent s’ajou­ter aux NRPN pour l’édi­teur, merci à l’équipe de déve­lop­pe­ment.

Poly­va­lence sonore

PolyBrute_2tof 08Dès l’al­lu­mage, nous sommes vite conquis par la qualité audio irré­pro­chable et l’ab­sence de souffle notable, malgré des niveaux de sortie élevés. De même, aucun bruit n’est à déplo­rer lorsqu’on change de programme et les commu­ta­tions de sons sont rapides. Artu­ria a déci­dé­ment bien progressé dans ce domaine depuis le Matrix­Brute un peu bruyant. Le Poly­Brute renferme 768 mémoires de programmes réins­crip­tibles. La moitié est prérem­plie de sons d’usine (et de quelques gaba­rits par thème), globa­le­ment de bonne facture et bien plus utiles que les sons d’usine du Matrix­Brute. Plusieurs musi­ciens et concep­teurs sonores français ont parti­cipé au déve­lop­pe­ment et à la banque sonore. Parmi eux, les talen­tueux Michael « Duche­mole » Geyre et Olivier Grall nous ont fait parve­nir de superbes créa­tions de leur cru, que nous avons inté­grées avec délec­ta­tion dans le lecteur audio du test, démon­trant les nombreuses facettes du Poly­Brute. Un grand merci les gars !

Nous appré­cions les larges pads évolu­tifs, les cordes géné­reuses, les cuivres au goût vintage, les basses pesantes, les leads tran­chants, les percus­sions claquantes et les effets spéciaux en-veux-tu-en-voilà. Nous sommes frap­pés par la grande poly­va­lence sonore et le bon équi­libre audio global de la machine. On en oublie assez vite la nature pure­ment analo­gique, avec des sons s’ap­pa­ren­tant à des tables d’ondes ou de la synthèse vecto­rielle. On sent tout de suite que les oscil­la­teurs sont souples, les capa­ci­tés de modu­la­tion énormes et les possi­bi­li­tés de morphing allé­chantes. Évidem­ment, on retrouve les grands stan­dards de l’ana­lo­gique, parfois avec un carac­tère vintage évoquant ici le CS80, là l’OB-8, parfois avec une couleur très moderne. Beau­coup de travail de program­ma­tion est néces­saire pour recréer toutes les subti­li­tés de ces machines, ainsi que du talent pour les faire sonner à l’iden­tique. Les doubles filtres sont une merveille de souplesse et les diffé­rentes options de posi­tion­ne­ment stéréo sur les voix ou les filtres élar­gissent consi­dé­ra­ble­ment le son. La section effets séduit immé­dia­te­ment, notam­ment les très belles réverbes. Enfin, on appré­cie le nombre et l’ori­gi­na­lité des contrô­leurs physiques à dispo­si­tion. Bref, on va pouvoir créer plein de sons origi­naux et s’ex­pri­mer sérieu­se­ment avec le Poly­Brute.

VCO variables

PolyBrute_2tof 17Chacune des 6 voix analo­giques du Poly­Brute est consti­tuée de 2 VCO, un Sub-VCO, 2 VCF et un VCA stéréo. Les VCO sont diffé­rents des précé­dentes produc­tions de la marque. Déjà, ils sont linéaires, ce qui les rend bien moins sensibles aux varia­tions de tempé­ra­ture que des VCO expo­nen­tiels. Par contre, ils ont une tessi­ture plus limi­tée, d’en­vi­ron 18 à 4.600 Hz, soit 8 octaves, ce qui limite le très haut du spectre. Cela pourra gêner les aficio­na­dos des modu­la­tions audio, type synchro ou FM. Leurs éven­tuelles petites dérives sont compen­sées par le CPU relié à une sonde de tempé­ra­ture. Tout cela fonc­tionne très bien. Ensuite, l’ar­ran­ge­ment des formes d’ondes est complè­te­ment revu. Plutôt que cumu­ler trois ondes de base, on commence par mixer une onde dent de scie avec une onde trian­gu­laire. La balance est alors mélan­gée à l’onde d’im­pul­sion. Ces deux dosages sont évidem­ment modu­lables via la matrice, ce qui donne une multi­tude de possi­bi­li­tés. On peut régler et modu­ler la largeur d’im­pul­sion de chaque VCO (de carré jusqu’à l’ex­tinc­tion). Sur le VCO1, on dispose en plus d’un réglage Meta­li­zer, qui replie le sommet de l’onde triangle ou de l’onde globale (au choix dans le menu), ce qui la rend de plus en plus métal­lique. Sur le VCO2, on trouve un subos­cil­la­teur sous forme d’onde sinus à l’oc­tave infé­rieure, dont la balance est dosable avec l’onde prin­ci­pale. Cette section est vrai­ment souple pour un synthé poly­pho­nique, on regrette toute­fois la perte de la Super­saw du Matrix­Brute, même si on comprend les arbi­trages faits.

Niveau accor­dage, en plus de la sélec­tion globale d’oc­tave avec les inter­rup­teurs sous les molettes (-2 à +2), le VCO1 peut être réglé de –2 à +2 octaves par demi-ton. Sa modu­la­tion de pitch suit l’une des 8 échelles dispo­nibles (conti­nue, chro­ma­tique, majeure, mineure, Phry­gienne, 9e majeure, 9e mineure, octaves & quintes). Le VCO2 dispose de 4 échelles de réglage pour le poten­tio­mètre (plus ou moins 1 ou 7 demi-tons en continu, 12 ou 24 demi-tons en chro­ma­tique), pas très pratique à l’usage. Il possède 4 échelles de modu­la­tion de pitch (continu, chro­ma­tique, octaves & quintes ou comme le VCO1). Mieux, 4 réglages permettent de modi­fier la préci­sion d’ac­cor­dage des VCO, histoire de leur donner un petit côté vintage si on le souhaite. Le VCO2 peut synchro­ni­ser le VCO1, mais plutôt que se conten­ter d’un simple marche/arrêt, le niveau de synchro­ni­sa­tion est continu. Cela permet de passer en douceur d’une synchro­ni­sa­tion douce (harmo­niques progres­si­ve­ment « accro­chées ») à une synchro­ni­sa­tion dure (le cycle du VCO1 est forcé à la fréquence du VCO2). Ce réglage est une desti­na­tion de la matrice de modu­la­tion et du morphing, top ! De la même manière, le VCO2 peut modu­ler la fréquence du VCO1, pour encore plus de possi­bi­li­tés. À ces deux VCO s’ajoute un géné­ra­teur de bruit à couleur conti­nuel­le­ment variable entre rouge (sombre) et blanc (brillant).

VCF complé­men­taires

Les trois sources sonores sont dosées et routées indi­vi­duel­le­ment vers l’un des deux VCF ou les deux à la fois. Avec la fonc­tion Morphing, on peut même doser le routage de chaque source vers chaque filtre, très fort ! Mieux, les deux filtres peuvent passer en douceur du mode série (VCF1->VCF2) vers le mode paral­lèle. Mieux encore, ce réglage est modu­lable. Cela explique en partie la grande poly­va­lence de la machine. Si les VCO sont appa­rus très stables, les VCF ont parfois néces­sité d’être reca­li­brés à l’al­lu­mage dans un studio au départ froid (aux alen­tours de 15 °C). Par contre, ils restent parfai­te­ment stables une fois cali­brés ou lorsque la tempé­ra­ture ambiante remonte au-dessus de 19 °C (c’est-à-dire quand tous les grille-pain genre Jupi­ter-8, Prophet-5, Memo­ry­moog ou OB-X sont allu­més).

PolyBrute_2tof 13Le VCF1 est un filtre Stei­ner-Parker multi­mode réso­nant 2 pôles. Nouveauté inté­res­sante par rapport au Matrix­Brute, il peut passer en continu entre les modes passe-bas/réjec­tion/passe-haut/passe-bande. La réponse du poten­tio­mètre de FC est impec­cable. La réso­nance peut aller jusqu’en auto-oscil­la­tion, sans baisse de niveau, géné­rant des sons bien piquants comme on peut l’at­tendre de ce genre de filtre bouillon­nant et pas sage du tout. La fréquence ouvre bien à fond, mais on entend un tout petit peu les VCO quand on coupe tout, rien de rédhi­bi­toire toute­fois. Le Brute Factor (feed­back) est bien là, appor­tant de l’agres­si­vité sur les réglages extrêmes, tout en restant parfois déli­cat à doser. Le VCF2 est un filtre en échelle de tran­sis­tors, fonc­tion­nant unique­ment en mode 4 pôles. Les autres modes du Matrix­Brute n’ont pas été repris, mais ils ne nous manquent pas vrai­ment. Là encore, la réponse du poten­tio­mètre de FC est parfai­te­ment lisse. La réso­nance monte jusqu’à l’auto-oscil­la­tion et on appré­cie la compen­sa­tion de gain pour pallier la perte de niveau des basses fréquences propre à ce type de filtre. On trouve un réglage de distor­sion en sortie de VCF, une satu­ra­tion asymé­trique plutôt douce et agréable, qui colle bien avec ce filtre tout en rondeur.

Il est possible de modi­fier simul­ta­né­ment les fréquences de coupure des deux VCF avec un gros enco­deur (déca­lage) et le suivi de clavier partagé (poten­tio­mètre). Chaque filtre est doté d’un poten­tio­mètre de modu­la­tion bipo­laire par l’en­ve­loppe VCF, un poten­tio­mètre de niveau de sortie et un réglage de pano­ra­mique modu­lable acces­sible via le menu. Au plan audio, le VCF1 peut être modulé par le VCO2, alors que le VCF2 peut être modulé par le géné­ra­teur de bruit. Cela ouvre des possi­bi­li­tés que n’ont pas la plupart des synthés analo­giques poly­pho­niques. Merci !

En bout de chaine analo­gique, on entre dans un VCA plus élaboré qu’à l’ac­cou­tu­mée, dont on peut régler diffé­rents modes de disper­sion stéréo : par voix (chaque voix est disper­sée dans le champ stéréo), par voix + filtre (suivant le réglage de mixage série/paral­lèle des filtres, on passe du réglage par voix à un réglage où le VCF1 est placé à droite du champ stéréo et le VCF2 à gauche). La distri­bu­tion des voix peut être centrée (alter­nance gauche/droite variable) ou graduelle (passage de gauche à droite). Vrai­ment très bien pensé pour les mouve­ments stéréo en temps réel, les amateurs de nappes évolu­tives appré­cie­ront. Signa­lons la présence d’un simu­la­teur d’in­sta­bi­lité amélioré depuis la V2.0, agis­sant plus ou moins forte­ment sur les VCO, VCF, enve­loppes et LFO, afin d’imi­ter les synthés analo­giques vintage.

Effets revus

PolyBrute_2tof 10En sortie de VCA, le signal attaque une section effets numé­riques sérieu­se­ment revue et corri­gée par rapport au Matrix­Brute. On trouve quatre effets cumu­lables. Le premier, ajouté par la V2.0, est un EQ global à présé­lec­tions, permet­tant de polir rapi­de­ment le son suivant le contexte. Le deuxième est un effet d’en­semble placé en série, les deux autres sont un délai et une réver­bé­ra­tion, placés en série ou en paral­lèle. Les effets peuvent être coupés par un simple inter­rup­teur, pour ceux qui veulent un signal analo­gique pur. Il existe plusieurs types d’ef­fets de modu­la­tion : chorus, phaser, flan­ger, phaser à 12 étages, modu­la­teur en anneau, réduc­teur de bit, flan­ger doux, flan­ger à phase, réduc­teur de fréquence et tri-chorus stéréo façon string machine (ce dernier a été ajouté dans la V2.0). Comme pour les autres effets, le choix des deux premiers types se fait direc­te­ment en façade, les autres étant acces­sibles via le menu. Pour cet effet, on ne peut régler que l’in­ten­sité.

Le troi­sième effet est un délai stéréo, synchro­ni­sable à l’hor­loge si on le souhaite. Les types dispo­nibles sont BBD simulé, ping­pong, délai stéréo, délai long, BBD en ping­pong, Karplus, délai stéréo avec élar­gis­se­ment, délai paral­lèle et BBD avec élar­gis­se­ment. On peut en régler la régé­né­ra­tion, la divi­sion tempo­relle et l’at­té­nua­tion de certaines fréquences (8 types). Enfin, la réverbe vient clôtu­rer le bal. Elle offre plusieurs algo­rithmes très diffé­rents : hall, plaque, plaque brillante, pièce, scin­tille­ment, ressort et plaque avec retard. On peut en régler le niveau, le temps et le filtrage de certaines fréquences. Globa­le­ment, il y a peu de para­mètres dans cette section effets, mais l’es­sen­tiel est là. La qualité sonore est cette fois excel­lente, y compris celle des réverbes (coup de chapeau aux longs effets de scin­tille­ments !), rien à voir les effets du Matrix­Brute.

Modu­la­tions numé­riques

PolyBrute_2tof 05Le Poly­Brute possède un porta­mento poly­pho­nique, à vitesse ou temps constant (avec possi­bi­lité de synchro­ni­sa­tion à l’hor­loge), variant de 0 à 10 secondes, capable de fonc­tion­ner en modes lisse ou chro­ma­tique. Côté LFO, on n’en trouve pas moins de trois exem­plaires, oscil­lant de 0,02 à 100 Hz, donc dans l’au­dio. Les deux premiers sont assez simi­laires. Ils offrent 7 formes d’ondes (clas­siques, S&H, aléa­toire), peuvent être synchro­ni­sés à l’hor­loge suivant diffé­rentes divi­sions tempo­relles et fonc­tionnent selon plusieurs types de déclen­che­ment (mono, poly­pho­nique libre, poly­pho­nique redé­clen­ché). Le LFO1 possède un réglage de phase alors que le LFO2 a un fondu d’en­trée. Le LFO3 est un peu diffé­rent : plutôt que choi­sir une forme d’onde, on para­mètre une courbe en continu (de creu­sée à bombée) et une symé­trie (torsion de gauche à droite). Les réglages de vitesse/synchro et redé­clen­che­ment sont semblables à ceux des autres LFO. On trouve aussi un réglage direct de modu­la­tion de l’in­ten­sité du LFO3 par le LFO1. Enfin, les 3 LFO peuvent modu­ler de manière unipo­laire ou bipo­laire. Voilà qui est complet et origi­nal.

Passons aux trois enve­loppes : VCF, VCA et modu­la­tion. Elles sont de type ADSR, avec des temps variant de 2 ms à 18 s. Sur les enve­loppes de VCF et VCA, la vélo­cité peut être assi­gnée à la quan­tité de modu­la­tion, aux temps ou aux deux, via le menu. L’en­ve­loppe de modu­la­tion possède quant à elle un délai jusqu’à 18 s. Via le menu, on accède aux réglages de bouclage des enve­loppes (2 fois, 3 fois ou infini) et de vitesse des segments AD (normale, percus­sive). Pour complé­ter le tableau, on peut mémo­ri­ser une séquence d’au­to­ma­tion simple dans chaque programme, c’est-dire le mouve­ment d’un réglage en façade ou contrô­leur qui sera déclen­ché dès qu’on joue une note. L’en­re­gis­tre­ment se fait en temps réel, de manière rela­tive, mais il n’est pas possible d’édi­ter quoi que ce soit après coup. Cela se fait donc à l’ins­pi­ra­tion. La lecture peut se faire en coup unique ou en boucle tant que la première note jouée (seule ou en accord) est main­te­nue, de 1/8 à 8 fois la vitesse d’en­re­gis­tre­ment. Sympa !

Modu­la­tions matri­cielles

PolyBrute_2tof 19Le Poly­Brute fait partie de la famille des Brutes à matrice de modu­la­tion, repre­nant le concept du Matrix­Brute. Ici, on tota­lise 12 lignes de sources x 32 colonnes de desti­na­tions. Le tout est géré par un pavé de 12 × 8 boutons rétroé­clai­rés multi­co­lores permet­tant de relier rapi­de­ment les sources et les desti­na­tions, avec contrôle visuel instan­tané, par paquet de 8 desti­na­tions assi­gnables. Les 12 lignes de sources sont fixes : enve­loppe VCF, enve­loppe de modu­la­tion, numéro de voix, LFO1, LFO2, LFO3, numéro de note/séquen­ceur, vélo­cité, pres­sion, molette + Morphée X, ruban + Morphée Y, pédale CV2 + Morphée Z. Il n’y a donc aucune source audio (analo­gique) dans la liste, tout est numé­rique en sub-audio. L’as­si­gna­tion d’une desti­na­tion à l’un des 32 empla­ce­ments dispo­nibles s’ef­fec­tue en main­te­nant le bouton rond rela­tif à la colonne choi­sie tout en bougeant le para­mètre à assi­gner en façade. Si le para­mètre n’est acces­sible que par les menus, il y a une petite mani­pu­la­tion supplé­men­taire avec l’en­co­deur de modu­la­tion, mais ça va très vite. Parmi les desti­na­tions, citons tous les para­mètres de synthèse et d’ef­fets, mais aussi la vitesse de la séquence de mouve­ment ou la largeur stéréo.

Une fois la matrice prête, le routage se fait en allu­mant les boutons lumi­neux aux inter­sec­tions source/modu­la­tion souhai­tées, à concur­rence de 64 cordons virtuels. Le gros enco­deur de modu­la­tion permet de doser la quan­tité de modu­la­tion bipo­laire. La valeur est indiquée sur l’af­fi­cheur 3 diodes/7 segments. On peut même modu­ler un cordon de modu­la­tion par une source (genre la molette pilote la quan­tité de modu­la­tion du pitch par le LFO2). L’er­go­no­mie est vrai­ment intui­tive et incom­pa­rable. Le seul risque iden­ti­fié avec cette ergo­no­mie est de tour­ner l’en­co­deur pour chan­ger une quan­tité de modu­la­tion alors qu’on est en mode programme. Dans ce cas, on change de programme et on perd tous ses réglages. Mais là, le problème se situe en dehors du synthé…

Séquen­ceur et arpé­gia­teur

Le Poly­Brute est équipé d’un séquen­ceur et d’un arpé­gia­teur. Ils s’uti­lisent avec la même zone de commandes que la matrice de modu­la­tion, ainsi qu’un pavé situé en partie droite de la façade, compre­nant des para­mètres spéci­fiques et des commandes de trans­port. Les réglages de séquences et d’ar­pèges sont sauve­gar­dés dans chaque programme. Il y a trois modes de fonc­tion­ne­ment : séquen­ceur, arpé­gia­teur clas­sique et arpé­gia­teur matri­ciel. Certains réglages sont communs à tous les modes : touche de main­tien, métro­nome, divi­sion tempo­relle, swing, tempo (avec touche Tap) et Gate.

PolyBrute_2tof 16L’ar­pé­gia­teur clas­sique peut scan­ner jusqu’à 32 notes, repré­sen­tées par la zone matrice (notes program­mées en rouge, note en cours en pourpre). En mode Hold, les nouvelles notes jouées sont ajou­tées au motif en cours tant qu’une note est main­te­nue. La vélo­cité est repro­duite telle que jouée, ce qui permet une bonne expres­si­vité. Il existe 7 types de motifs : haut, bas, pendu­laire, alterné (avec répé­ti­tion des notes extrêmes), ordre joué, aléa­toire et motif. Les arpèges peuvent être trans­po­sés de 1 à 4 octaves. À tout instant, on peut copier un motif d’ar­pège vers le séquen­ceur.

Le séquen­ceur comprend 64 pas poly­pho­niques de 1 à 6 voix, inté­grant la vélo­cité jouée, l’ac­cen­tua­tion, le glis­se­ment et trois pistes de modu­la­tions. La lecture peut être déclen­chée par la touche Play ou l’ap­pui sur une note, suivant quatre direc­tions : en avant, pendu­laire, aléa­toire et proba­bi­liste (après la lecture d’un pas, il y a 50 % de chances de passer au pas suivant, 25 % de lire à nouveau le pas en cours et 25 % de reve­nir au pas précé­dent). La trans­po­si­tion se fait en temps réel (clavier ou note Midi). Chaque groupe de trois lignes de la matrice repré­sente un glis­se­ment, un accent et des notes. Les LED corres­pon­dantes sont allu­mées en rouge. On peut faci­le­ment acti­ver/désac­ti­ver ces trois pistes pour chaque pas. On peut tout aussi faci­le­ment lier plusieurs notes en main­te­nant les boutons extrêmes corres­pon­dant à la durée souhai­tée pendant au moins une seconde. Cette durée est indé­pen­dante de la longueur des pas. L’en­re­gis­tre­ment se fait en pas-à-pas (un peu comme l’édi­tion) ou en temps réel. Les notes sont entrées avec leur vélo­cité, leur durée et leurs liai­sons. Les trois pistes de modu­la­tion s’en­re­gistrent un peu comme les notes, à ceci près que la séquence ne boucle pas une fois au dernier pas, ce qui évite d’écra­ser les modu­la­tions tout juste enre­gis­trées. Les modu­la­tions appa­raissent en bleues. L’écran est d’une aide précieuse pour visua­li­ser et modi­fier les valeurs de chaque pas, notes ou modu­la­tions, avec des graphismes très parlants. Bravo !

Enfin, il existe un mode arpé­gia­teur matri­ciel, sorte d’hy­bri­da­tion entre le séquen­ceur et l’ar­pé­gia­teur. On dispose de 16 pas poly­pho­niques de 1 à 6 voix avec accent, glis­se­ment et trans­po­si­tion sur plus ou moins une octave. En fonc­tion des notes jouées, les notes program­mées dans chaque pas (allu­mées en bleu) sont repro­duites et trans­po­sées en temps réel. Les quatre sens de lecture possibles sont les mêmes que ceux du séquen­ceur. Quel que soit le mode, les notes arpé­gées ou séquen­cées peuvent être trans­mises en Midi si on le souhaite, parfait !

Les fichiers sons non compres­sés sont dispo­nibles ici :

Conclu­sion

Le Poly­Brute nous a beau­coup plu, par sa grande poly­va­lence sonore, sa qualité audio impec­cable, sa construc­tion soignée et son ergo­no­mie réus­sie. Les VCO variables sont très flexibles, les routages intel­li­gents et les deux VCF très complé­men­taires. Les modu­la­tions sont géné­reuses et béné­fi­cient d’une matrice facile à prendre en main. Dommage que les sources audio en soient exclues, la tech­no­lo­gie actuelle ne permet­tant pas de les inté­grer. On appré­cie égale­ment le séquen­ceur et l’ar­pé­gia­teur aussi visuels que complets. Quant à la section effets, elle donne entière satis­fac­tion elle aussi.

Sur le plan des contrô­leurs, le Poly­Brute offre la totale : des commandes directes à foison, des molettes, un bloc tactile 3D exclu­sif, un long ruban soigneu­se­ment incrusté et des possi­bi­li­tés de morphing ouvrant le champ aux sono­ri­tés évolu­tives et expres­sives. Seule la connec­tique nous a un peu lais­sés sur notre faim, habi­tués à la géné­ro­sité du Matrix­Brute dans ce domaine. Nous aurions aussi appré­cié une poly­pho­nie un peu plus élevée, mais nous compre­nons la volonté d’Ar­tu­ria de garan­tir la stabi­lité et de conte­nir le tarif de la machine. Quant au choix de VCO linéaires, c’est parfait pour la stabi­lité, mais cela limite les extrêmes aigus. Pour conclure, le Poly­Brute est un instru­ment à la fois impres­sion­nant, origi­nal et atta­chant, qui occu­pera une place de tout premier choix dans les studios les plus exigeants. Nous lui décer­nons l’Award Audio­fan­zine Valeur Sûre 2021.

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9/10
Award Valeur sûre 2021
Points forts
  • Enfin un synthé polyphonique signé Arturia !
  • Souplesse des VCO à ondes continues mélangeables
  • Diversité des modes de filtrage et des routages
  • Géniale fonction morphing
  • Simulation d’instabilité sur les VCO, VCF, enveloppes et LFO
  • Nombreux contrôleurs physiques dont le Morphée
  • Matrice de modulation très ergonomique
  • Excellents effets intégrés
  • Séquenceur à mouvements et arpégiateur intuitifs
  • Automation Midi des commandes en façade
  • Accès à tous les paramètres globaux sans logiciel
  • Interface homme/machine très bien pensée
  • Excellente qualité de construction
  • Editeur standalone/VST fourni
Points faibles
  • On aurait aimé une polyphonie un peu plus élevée
  • Hauteur des VCO linéaires limitée dans les extrêmes aigus
  • Pas de sources de modulation audio dans la matrice
  • Touches blanches très fines et déformables
  • Pas de prises CV/Gate
  • Pas d’entrée audio
Auteur de l'article synthwalker Passionné de synthés, concepteur produits et rédacteur presse

J'aime tous les synthés, avec une préférence pour les poly vintage à mémoires, qui m'accompagnent depuis le début des 80's. J'écris depuis 25 ans sur les synthés et j'ai contribué au développement de certains d'entre eux. Plusieurs centaines de mes articles ont été publiés sur Audiofanzine et auparavant dans les magazines PlayRecord, Recording, Keyboards, Musicsound et Musiciens.


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J'aime tous les synthés, avec une préférence pour les poly vintage à mémoires, qui m'accompagnent depuis le début des 80's. J'écris depuis 25 ans sur les synthés et j'ai contribué au développement de certains d'entre eux. Plusieurs centaines de mes articles ont été publiés sur Audiofanzine et auparavant dans les magazines PlayRecord, Recording, Keyboards, Musicsound et Musiciens.