Se connecter
Se connecter

ou
Créer un compte

ou
< Tous les avis Roland D-50
Lleomax Lleomax

« Cultissime ... et non sans raison ! »

Publié le 24/11/18 à 19:53
Rapport qualité/prix : Excellent
Cible : Tout public
Cet avis est un peu un "long overdue" comme disent les anglais ... une espèce de dette que l'on arrive pas à régler mais qui se rappelle à vous en permanence, un peu comme une dette d'honneur.

Cela faisait en effet quelques années que l'envie d'écrire un avis sur le D50 me démangeait mais à quoi bon, me disais-je, qui le lira ? Car voilà un clavier décoté, digital jusqu'au bout des ondes, le contraire d'un analo polyphonique prestigieux des seventies, le contraire de la dernière nouveauté du moment (ça c'est certain ... 31 ans quand même !), un clavier dont certains presets d'usine ont été usés jusqu'à la nausée au début des années 90 et qui, du coup, ne vaut pas plus qu'une bouchée de pain aujourd'hui, ... Car dans la conscience collective de 2018, le D50 joue souvent dans une catégorie bien particulière et peu enviée : le champion dépassé, le géant terrassé, en deux mots le l'ex-star devenu ringarde.

C'est pourquoi, il s'agit d'honneur. De son honneur. Il est question d'aider à corriger une injustice et de rétablir cette machine de rêve dans son bon droit ;=) C'est pourquoi, je me décide à écrire que je pense que ce clavier est une pure merveille, qu'il faut se dépêcher de le préserver de la disparition, et bien au contraire qu'il faut s'empresser de redécouvrir, d'autant plus que pour quelques centaines d'euros on se paye actuellement ce ticket permanent pour le bonheur.

D'abord parlons du feeling. Là soyons clair. D'emblée, le sentiment de qualité domine. Un clavier de pro, conçu pour vivre à la dure tout en restant un formidable instrument de musique. Petit format par rapport au standard de l'époque, avec un design moderne et épuré qui n'a pas trop vieilli en fait, mais surtout, construit comme un tank (et pesant presqu'autant ...), avec un chassis en métal bien lourd, une coque également en métal, des boutons et des curseurs qui 30 ans après fonctionnent sans jeu ni faux-contact et surtout un clavier de 5 octaves d'un confort de jeu exceptionnel, semi-lesté à la perfection, avec une course et une réponse des notes parfaites que l'on veuille jouer en staccato rapide ou planter des accords planants. Bien sûr, on est à l'époque où les curseurs et autres potentiomètres disparaissent des instruments électroniques et le D50 n'échappe pas à cette mode spartiate. Mais son interface reste cependant agréable, notamment grâce aux touches de fonction directement sous l'écran.

Parlons de la synthèse ensuite. A l'époque, pour la désigner, les as du marketing de Roland avait choisi "Linear Arithmetic" sans doute parce qu'au Japon, on pensait que cela fait rêver de faire de la musique avec des formules mathématiques. De quoi s'agit-il en fait dans le jargon contemporain de 2018 ? De deux techniques de synthèses combinables à l'envie : un Virtual Analog d'une part et de la lecture d'échantillon d'autre part. Le son du D50 a beaucoup marqué à l'époque à cause de la seconde : la lecture d'échantillon n'en était en effet qu'à ses début, et le D50 s'est massivement démarqué des sonorités dominantes d'alors, analogiques ou FM du DX7, par son aptitude à intégrer ces attaques très naturelles échantillonnées, notamment pour les percussions primitives, les choeurs, les ambiances, les bruitages, tout en fondant ces échantillons dans un parcours de synthèse de type analogique. Loin de moi l'idée de renier cette dimension majeure de l'aura digitale du D50 dans les années 1990, mais 30 ans après, ce qui m'impressionne le plus dans le D50, ce n'est évidemment pas cela : c'est bien davantage la qualité remarquable de son moteur de synthèse virtuelle analogique.

Il faut acheter le D50 pour ce moteur VA, programmé il y a 3 décennies, absolument bluffant tant dans ses caractéristiques brutes (jusqu'à quatre oscillateurs par patch) que par l'extrême musicalité des simulations de filtres, d'amplification et de modulations. Le tout transite ensuite dans un multi-effet numérique, grande première également en 1987, et permet d'ajouter au son si on le souhaite, chorus et réverbe, avec une signature sonore digitale très typée mais qui donne une belle coloration, presque chaleureuse, aux sonorités déjà fantastique qui sortent du VA. La richesse des paramètres est vaste et évidemment, l'interface réduite rend la programmation de sonorités assez fastidieuse sur le clavier lui-même, même si c'est objectivement infiniment plus faisable qu'avec un DX7. En revanche, si comme moi vous avez la chance d'avoir un PG 1000 (le programmateur optionnel), programmer le D50 redevient un vrai plaisir jouissif, avec à la clé une palette sonore extrêmement vaste, délivrée dans la chaîne sonore via des convertisseurs D/A d'une qualité et d'une dynamique remarquables. La présence du D50 dans le mix est vraiment impressionnante et on n'a pas besoin d'en rajouter, bien au contraire. Ainsi équipée, non seulement la qualité de son émulation analogique n'a vraiment rien à envier aux machines contemporaines, mais la pêche et la présence sonores sont nettement plus impressionnantes. Il faut juste contourner l'absence de potards, en utilisant par exemple des pédales pour jouer en direct avec le filtre, la résonance ou le fréquence des LFO pour aller jusqu'au bout du potentiel de l'émulation.

Alors ringard, dépassé le D50 ? Rien de plus injuste. C'était en fait le premier des Virtual Analogs, catégorie fort bien vivante aujourd'hui. Oubliez juste les presets d'usine et, si vous n'aimez pas programmer, procurez-vous une des innombrables banques sonores de qualité, comme l'exceptionnelle 'Analog Power' de Sven Godijn, et n'oubliez surtout pas de baisser les cursuers de monitoring car en une seconde, l'évidence s'imposera dans vos oreilles, dès que son écran LCD jaune se sera illuminé, et que vous aurez plaqué 3 accords. Et là je prends le pari que comme chacun redécouvrant un vrai D50, vous n'êtes pas prêt de laisser vos doigts quitter son clavier et que vous aurez du mal à vous empêcher de sourire de plaisir grâce à sa présence, sa dynamique et sa musicalité intemporelle !

Cultissime. Tout court et non sans raison !