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La fortune sourit au Audezieux
9/10
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Ça devait finir par se produire : un test d'un casque Audeze dans les colonnes d'AF. Le très beau et tout nouveau MM-100 a retenu notre attention, et si l'on est déjà tout impressionné par son apparence élégante, on n'en reste pas moins curieux de savoir ce qu'il nous réserve à l'écoute.

Test du casque MM-100 d'Audeze : La fortune sourit au Audezieux

Ce casque est d’au­tant plus notable qu’il repré­sente la tenta­tive, pour la marque améri­caine, de s’ex­traire du segment de marché pour lequel il est parti­cu­liè­re­ment connu (entendre : des casques chers, de grande qualité, avec de beaux maté­riaux, qui séduisent le marché des pros, mais aussi les audio­philes). Le MM-100 est donc bien plus abor­dable que les autres modèles de la gamme (si l’on excepte le modèle Maxwell, mais celui-ci n’est pas axé sur la produc­tion musi­cale), et promet ainsi une entrée de gamme qui conser­ve­rait le haut niveau de qualité des casques les plus répu­tés d’Au­deze.

Présen­ta­tion

MM100-casqueSpéci­­fi­­ca­­tions

Le MM-100 est un casque de type circu­mau­ri­cu­laire, ouvert, avec un trans­duc­teur planaire de 90 mm.

Les spéci­­fi­­ca­­tions annon­­cées par le construc­­teur sont les suivantes :

  • Impé­­dance : 18 ohms
  • réponse en fréquence : 20 Hz — 25 kHz

Le casque est accom­pa­gné d’un câble déta­chable, avec termi­nai­son jack 6,35 mm TRS, clai­re­ment une connec­tique Neutrik même si ce n’est pas écrit dessus, avec un montage très bien réalisé. À l’autre extré­mité, on est sur du jack 3,5 mm TRS, sans baïon­nette. Les deux connec­tiques sont dévis­sables, et il est donc possible de les chan­ger, ou de chan­ger le câble… à votre guise, et si besoin est.

Le câble d’ailleurs n’est pas commun dans le monde du casque profes­sion­nel : il est composé de deux paires torsa­dées, elles-mêmes torsa­dées entre elles. Si ce n’est pas clair, voilà ce à quoi ça ressemble : 

MM100-câble

C’est typique­ment un montage réali­sable en DIY, et donc prisé des audio­philes, où la tresse est rempla­cée par plusieurs câbles (ici, je dirais deux) qui font office d’écran par leur enrou­le­ment autour des conduc­teurs gauche et droite. Ce type de montage a ses parti­cu­la­ri­tés : poten­tiel­le­ment une résis­tance série parfois moindre, mais une capa­ci­tance souvent plus élevée.

Je mesure l’exemple suivant, en compa­rant le câble du MDR-MV1 de Sony (câble clas­sique, avec deux conduc­teurs et une tresse) et de l’Au­deze : 

À 1 kHz

Résis­tance série : 0,64 ohm vs 0,61 ohm

Capa­cité : 309 pF vs 455 pF

À 10 kHz : 

Résis­tance série : 0,63 ohm vs 0,61 ohm

Capa­cité : 289 pF vs 410 pF

On voit bien que la diffé­rence en résis­tance est négli­geable, celle en capa­cité, nette­ment moins.

MM100-câble1Tout le câble est très bien réalisé. Seul petit défaut : ce genre de montage en torsade tend à ne pas aider l’en­rou­le­ment du câble, et l’on se retrouve avec des bobines de câble assez peu précises, même en faisant très atten­tion à leur sens d’en­rou­le­ment. Reste à savoir : allez-vous souvent réen­rou­ler votre câble, ou restera-t-il toujours au même endroit dans votre studio. Audeze fait en tout cas la promo­tion d’un casque adapté à un travail « nomade », et il nous a semblé que de ce point de vue, un montage plus clas­sique aurait peut-être trouvé son sens.

On notera aussi, pour ce qui est de la construc­tion, que c’est très robuste (presque tout en métal !). Et pour finir, détail inté­res­sant, on peut connec­ter le câble à l’écou­teur droit ou gauche indif­fé­rem­ment.

Démon­­table ?

Non, et c’est notre plus grand repro­che…

MM100-adhésifEn vérité, il n’est peut-être pas impos­sible de le faire, mais, contrai­re­ment à d’autres casques de la marque, celui-ci ne présente pratique­ment aucune vis appa­rente. De plus, comme souvent chez Audeze, les cous­si­nets sont collés avec un adhé­sif (un ASP, adhé­sif sensible à la pres­sion, c’est-à-dire ce que vous trou­vez sur du « Scotch » par exemple) assez résis­tant. Comme nous l’ex­pliquons à l’oc­ca­sion dans ces colonnes, les casques qui arrivent pour être testés nous sont gracieu­se­ment prêtés par les distri­bu­teurs. Impos­sible donc de s’aven­tu­rer à décol­ler une pièce au risque de ne pouvoir la réins­tal­ler correc­te­ment.

Ce qui ne veut pas dire, par ailleurs, que les cous­si­nets ne sont pas remplaçables. Au contraire, une fois décol­lés, il est tout à fait possible de trou­ver des rempla­ce­ments (en diverses matières) four­nis par la marque elle-même, ou si vous vous sentez l’âme expé­ri­men­tale, par d’autres four­nis­seurs. Je précise par ailleurs qu’Au­deze s’est exprimé sur ce choix des cous­si­nets collés, arguant d’une meilleure isola­tion sur le pour­tour de l’écou­teur, et donc d’un meilleur rendu des fréquences graves.

J’ajoute pour finir que malgré toutes mes tenta­tives d’écar­ter le cous­si­net pour essayer de voir le système de montage, je n’ai pas réussi à voir même le début d’une vis. Je ne peux donc pas affir­mer qu’un quel­conque démon­tage soit possible.

Confort

Plutôt bon,

Alors oui, c’est un casque lourd. C’est le revers de la médaille : peu de plas­tique, beau­coup de métal. Le bon côté c’est que la bande de l’ar­ceau est très agréable, et fait bien son job : le casque ne pèse donc pas en un point précis du crâne, mais l’im­pres­sion de lour­deur est répar­tie sur toute la tête, ce qui la rend nette­ment plus suppor­table.

Isola­­tion

Nulle, c’est un casque ouvert.

MM100-boite ouverteTrans­­port

Faci­lité, non seule­ment par l’in­clu­sion d’un sac de trans­port en velours solide, mais aussi par le fait que la boîte est pensée, avec forme en mousse épaisse et son carton plutôt solide, comme un vrai casier de trans­port. On appré­cie !

En revanche, là aussi on y revient, le casque est lourd. C’est un point à prendre en compte : dans un tote bag porté sur l’épaule, ou une petite sacoche, il ne se fait pas oublier si aisé­ment.

Bench­­mark

Voici donc notre proto­­­­cole de mesures objec­­­­tives, mené par nos soins afin de complé­­­­ter l’écoute subjec­­­­tive. Avec l’aide précieuse de notre testeur EARS de MiniDSP, nous avons le plai­­­­sir de pouvoir vous four­­­­nir des courbes de réponse en fréquence et distor­­­­sion, réali­­­­sées dans notre atelier.

Réponse en fréquence : 

MM100 RF

On remarque :

  • Un creux dans les graves, avec une montée progres­sive entre 20 et 70 Hz (Δ : 20 dB)
  • Une légère accen­tua­tion à 70–80 Hz (envi­ron 2 dB)
  • Une réponse linéaire de 100 Hz à 1,5 kHz envi­ron
  • Une accen­tua­tion légère à 3 kHz (2 dB)
  • Un impor­tant creux à 5 kHz (Δ : 20 dB)
  • Une accen­tua­tion à 15 kHz

Les trans­­duc­­teurs sont très bien appa­­riés, à part dans le grave, mais même là, la diffé­rence reste négli­geable.

Distor­­sion :

MM100 DIST

La distor­­sion mesu­­rée est assez basse : infé­rieure à 0,2 % entre 100 Hz et 20 kHz, à l’ex­cep­tion d’une remon­tée sur la plage 1,5 – 2 kHz). La THD remonte à 2 % à 20 Hz. Les harmo­niques impaires sont bien en retrait, c’est toujours bien.

Écoute

Richard Hawley — Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur True­­lo­­ve’s Gutter)

Une ballade acous­­tique, avec beau­­coup de réverbe et une diffé­­rence de dyna­­mique impor­­tante entre la voix et la guitare. La première chose qui nous frappe : c’est très équi­li­bré sur tout le spectre, la voix est rendue avec beau­coup de préci­sion, sans non plus être trop « détou­rée », trop mise sous la loupe. Le suivi des réverbes est égale­ment très facile. La basse est présente, mais pas trop, le mix n’en est pas noyé, et c’est très bien. On perçoit cepen­dant, peut-être comme un léger « voile » (pardon pour le voca­bu­laire d’au­dio­phile !), disons un léger manque de préci­sion dans l’aigu. Vous avez sûre­ment deviné d’où ça vient. Ça va se confir­mer sur les autres morceaux…

Sun Kil Moon — Butch Lulla­­bye (sur Common As Light And Love…)

Sur l’in­­tro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmo­­niques médiums ajou­­tées par la distor­­sion, l’at­­taque légè­­re­­ment piquée des notes, tout en sépa­­rant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. Le rendu est super, avec l’at­taque de la grosse caisse et du clavier-basse bien discer­nable. Il y a honnê­te­ment très peu à dire : on entend ce que l’on souhaite entendre, ça a du punch, c’est précis, l’image stéréo est bonne. C’est sur le prochain morceau qu’on va deve­nir plus critique.

Massive Attack — Tear­­drop (sur Mezza­­nine)

Un titre avec beau­­coup d’ex­­trême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. Le casque s’en sort très bien avec le grave, voire le sub qui bien sûr n’est pas « présent » comme dans une pièce, mais qui est percep­tible dans le mix. Le médium est superbe : le piano est riche en harmo­niques, très présent sans être enva­his­sant. Rien à redire. Sur la voix… Si l’on corrige le creux à 5 kHz avec un égali­seur, soudain on retrouve quelque chose : plus d’ar­ti­cu­la­tion, plus de souffle, un poil plus de détail. Pas la peine de remon­ter de 20 dB, cinq suffisent à retrou­ver une présence un peu « voilée », au cœur du mix, par ce creux marqué. Et à partir de là, on en vient à corri­ger l’ac­cen­tua­tion à 15 kHz, à la lisser juste un peu… Et l’on se rend compte qu’elle ne manque pas vrai­ment, une fois que la zone autour de 5 kHz est remise un peu plus en place.

Char­­lie Mingus — Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)

Voilà un morceau avec beau­­coup de souf­­flants jouant dans des tessi­­tures simi­­laires : c’est très touffu et le but est d’es­­sayer de discer­­ner les timbres. Un peu comme sur le deuxième morceau, on a une très bonne impres­sion : l’en­semble des cuivres est bien détaillé tout en faisant corps, le piano parfois très discret dans ce morceau est bien percep­tible sur l’écou­teur gauche, les cymbales ne sont pas trop en avant, tout en ayant beau­coup de dyna­mique (c’est saisis­sant en compa­rant 2:20 et 4:30). Bref le casque fait très bien le boulot. Seule petite chose : on ressent un peu de fatigue audi­tive.

Edgar Varèse — Ioni­­sa­­tion (New York Phil­­har­­mo­­nic, dir. Pierre Boulez)

Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réver­­bé­­ra­­tion natu­­relle de la salle, qui joue sur l’im­­pres­­sion d’es­­pace. L’écoute se fait entre 0:30 et 1:15 min. C’est très bien, mais là aussi, une retouche de l’éga­li­sa­tion à 5 kHz aide vrai­ment : on retrouve juste le crépi­tant et le claque­ment des attaques, la présence dans l’es­pace des instru­ments s’en trouve réaf­firmé. Bref, sans cela, c’est déjà très bien (beau rendu de l’acous­tique de la salle, image stéréo excel­lente, dyna­miques très bien retrans­mises), mais avec, c’est juste un peu mieux. La fatigue audi­tive se confirme un peu, pas très forte (on a connu bien pire), mais on ressent aussi une fatigue physique (mal à la nuque). Eh oui, 475 grammes sur la tête, ça se sent.

Conclu­­sion

Ce qu’il nous semble être à rete­nir de tout cela, c’est simple­ment que le MM-100 d’Au­deze est un casque tout à fait adapté à l’usage proposé par le construc­teur (en géné­ral, le travail de l’ingé son ou du produc­teur, plus spéci­fique­ment le moni­to­ring durant l’en­re­gis­tre­ment, mais surtout le mixage — voire le maste­ring ?). Tout à fait adapté, à deux détails prêt, avec lesquels il faudra compo­ser : premiè­re­ment, le poids, qui s’est fait sentir durant les écoutes, et pour­rait poser un problème lors de longue session d’en­re­gis­tre­ment ou de mixage ; deuxiè­me­ment, ce creux dans les aigus (5 kHz) que l’on perçoit comme « compensé » par la bosse à 15 kHz, mais qui en fait se révèle vrai­ment avoir manqué au moment où on le corrige avec un égali­seur. Deux éléments à prendre en compte, mais qui ne nous semblent pas non plus être rédhi­bi­toires, puisqu’on appren­dra à s’y habi­tuer, ou à les compen­ser.

Plus problé­ma­tique, cette construc­tion qui ne semble pas permettre de répa­rer faci­le­ment le casque (atten­tion, on ne prétend pas que c’est impos­sible, nous n’avons simple­ment pas pu y parve­nir), et qui donc décou­ra­gera l’uti­li­sa­teur à apprendre à connaître un peu mieux les « arcanes » de son outil, qui n’in­vite pas à prendre l’ini­tia­tive de lui redon­ner une seconde vie en cas de panne après la fin de la garan­tie, par soi-même ou en faisant appel à un répa­ra­teur.

Reste un excellent casque, d’un point de vue audi­tif, pour lequel on aurait juste espéré une construc­tion où l’élé­gance eût peut-être moins primé sur l’uti­lité.

9/10
Fabrication (?) : États-Unis
Points forts
  • Robuste
  • Très élegant
  • Connecté à l'écouteur gauche ou droit indifféremment
  • Coussinets confortables
  • Arceau répartissant bien le poids
  • Câble démontable/réparable/modifiable
  • Connectique de bonne qualité
  • Son précis
  • Bonne image stéréo
  • Profil généralement linéaire
  • Graves présents mais pas trop
  • Médiums très fidèles
  • Aigus précis
  • THD plutôt basse
Points faibles
  • Très difficile (impossible ?) à démonter
  • Un peu lourd, donc un peu fatigant
  • Un creux perceptible à 5 kHz
Auteur de l'article Pr. Soudure de La Feuille

Venu à la musique par le bruit, j'y retournerai un jour. J'aime les beaux circuits bien propres, les musiques sales et moches. Technicien de jour, la nuit je dors.


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