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< Tous les avis Elektron Analog Four MKII
gihaume gihaume

« Oh oui ! Mais non. »

Publié le 28/05/18 à 02:06
Rapport qualité/prix : Excellent
Cible : Les utilisateurs avertis
Cette MKII est une jolie évolution au niveau de l'interface, c'est clair. Après, elle n'est pas bien différente de la première version pour la majorité de ses fonctionnalités.

Ayant déjà eût possédé la première à deux reprises, à chaque fois revendue, je me suis laissé tenté par cette nouvelle mouture car croisée en deuxième main pour un prix intéressant. De ce fait, je me disais que je ne prenais pas trop de risque et qu'elle se revendrait facilement au cas où. Et heureusenent... car mon expérience reste très similaire aux deux premières.

En gros, comme vous le savez sûrement déjà, on a là 4 voix de synthés analos à synthèse soustractive, pilotées par un séquenceur qui se veut ergonomique et super puissant, le tout appondu à quelques effets, ainsi que quelques bonus comme une piste CV, l'audio over USB et un éditeur logiciel pour l'ordinateur (toujours pas là...). À noter que les limitations inhérentes à l'aspect analogique des circuits sont poussées dans leurs retranchements les plus abruptes, avec la possibilité de rendre polyphonique chaque piste à la fois, chacune profitant, dès qu'on le lui ordonne, de s'approprier une voix et instantanément changer tous ses paramètres pour sonner comme voulu, une multitimbralité dynamique en somme. Et ça ne s'arrête pas là, cette multitimbralité peut également s'appliquer au séquenceur, c'est-à-dire que d'un pas à l'autre, le son peut basculer d'un preset à un autre.

Peut-être que pour certaines personnes, je pourrais avoir omis certains aspects qui font le charme de cette machine. En tout cas pour ma part, c'est un bon résumé de ce qui m'attirait sur le papier.

Donc ouais, seulement voilà, tout ça se veut sérieux, avec un mode song, des chaînages de pattern, une mémoire interne conséquente, mais à l'usage je trouve que les limites de ce qui paraissait illimitant se pointent assez rapidement et me frustrent.

Exemple: l'utilisation des parameter-locks (variation de valeur de paramètre par pas). Sur le papier, c'est phénoménal. En vrai, c'est agréablement ergonomique au premier abord, mais en fait sur la longueur c'est juste pas gérable. Contrairement à une modulation classique, c'est-à-dire incrémentale vis-à-vis d'une valeur de paramètre déjà existante, les valeurs entrées sont absolues, donc on est dans du "control change". La valeur qui aura été choisie à un moment donné car elle offrait un bon contraste par rapport à la valeur de base, ne sera plus du tout du même effet à partir du moment où le paramètre d'origine du preset (par défaut pour les notes jouées normalement) aura changé. De plus, une fois les valeurs entrées, c'est franchement insoutenable d'avoir une vue d'ensemble, car on ne peut les consulter qu'en gardant la touche du pas en question maintenue enfoncée pendant une seconde, et encore faut-il être sur telle page d'édition pour voir tel paramètre. Autant dire que c'est un "no-go" à côté d'un Cirklon ou un DAW, voire même un séquenceur "modulaire" à l'ancienne genre Korg SQ.

Autre exemple analogue: les sound-locks (preset de son par pas). Sur le papier, c'est incroyable... "On va donc pouvoir en quelque sorte avoir une multi-timbralité quasi infinie", "On va pouvoir faire des percussions quasiment comme si on avait un kit entier de drum". En vrai, c'est plus pour dépanner, voire expérimenter, qu'à vraiment utiliser de façon sérieuse. Déjà, à chaque fois qu'on veut le faire, il faut se taper la liste de tous les presets, toujours depuis le début de la liste qui n'est parcourable et sélectionnable non pas à l'aide des boutons fléchés et YES comme pour d'autres fonctions du genre, mais seulement avec un encodeur rotatif sur lequel il faut appuyer pour confirmer son choix, plus rapide certes mais bien moins précis. Ensuite, il se fait que les variations appliquées sont propres au pas sélectionné, et le preset choisi n'est du coup pas éditable. Par contre, on peut toujours appliquer des parameter-locks par dessus pour amener un changement voulu, mais voilà, celui-ci ne s'appliquera qu'au pas en question. Bonjour le temps d'édition pour obtenir un son voulu à un instant donné à plusieurs reprises de sorte d'obtenir une consistance. Franchement à l'usage, ça montre très vite sa limite et ça m'est frustrant.

En fait, on peut éventuellement croire que c'est une machine surpuissante, une groovebox digne de ce nom, sur laquelle on va pouvoir créer tous les sons d'un morceau, mais en fait on a "que" 4 voix, et c'est carrément peu comparé à tout ce système mis en place autour... Bon d'accord, alors dans ce cas revoyons à la baisse les aspirations, et prenons la pour quelques synthés monos, voire un poly ou deux duos, etc. à intégrer avec d'autres machines...

OK, donc même en laissant de côté les soit disant prouesses du "world-class sequencer", c'est sûr que les performances sont plutôt pas mal pour le prix. Et donc, l'essentiel finalement: le son ? Bien sûr c'est assez subjectif, mais je trouve que comme toutes les autres machines Elektron (hormis la Rytm peut-être, mais encore...), l'avantage sonore est clairement plus dans la polyvalence que dans la qualité propre de chaque module de la chaîne sonore. En gros, on se fait racoler par l'aspect "analog", mais franchement je suis quand même pas loin de dire que ça ne sonne pas super sans adjonction d'effet. Les oscillos purs sonnent d'un plat... désincarné. Les filtres sonnent certes analos, mais n'ont rien de spécialement caractériels et rentrent trop vite en auto-oscillation pas magnifique. Les enveloppes ne sont pas remarquables. Les LFOs qui paraissent intelligents sont quand même pas si faciles à gérer (mais bon en même temps on apprecie la pléthore de paramètres) et ne sonnent tout simplement pas bien dans les hautes fréquences. Les effets sont plutôt sympa, mais sont assez limités compte tenu du fait qu'ils sont numériques et pourraient donc avoir des paramètres assignés à chaque encodeur disponible sans augmentation de coûts matériels. Ce qui sauve le son, c'est l'overdrive pre-filtre qui a été changée pour cette MKII, et là on obtient de l'épaisseur, là on s'approche de l'analo, autant dire que la première version fait pâle figure du coup (elle le faisait déjà à l'époque pour moi). En gros, au niveau sound design, ça m'inspire peu et quand je charge les presets, leur qualité me semble plus résider dans quelque astuce ou effet ajouté que vis-à-vis d'un "sweet-spot" parmi plein d'autres. C'est très critique, oui, mais avec la quantité de bonnes critiques dont certaines se basent peut-être beaucoup sur le papier, je pense qu'il est pas mal de faire pencher la balance en se focalisant plus sur l'expérience. Après, bien sûr, ça fonctionne comme promis et pour ceux qui crochent il y a moyen d'en sortir quelque chose (écoutez Cygnus aka Phillip Washington).

Pour résumer et conclure, cette machine je trouve que c'est plein de petites choses pas si bien designées accolées ensemble façon innovation, surfant sur la folie du tout-est-possible-en-numérique, et comme elles sont analogiques et toutes hyper connectées, intégrées, on fait "wahw" quand on nous fait la présentation pour nous donner envie de l'acheter. Mais par la suite, il y a la réalité, et honnêtement ça ne m'est pas plus inspirant qu'un autre setup. À chaque fois que je l'utilise, elle me fait en vouloir trop, car en fait aller "si loin", telles que plusieurs prouesses qu'elle propose, n'est pas viable sur la longueur... Pendant que je me suis perdu dans ses fonctionnalités poussées, je suis passé à côté de l'essentiel qui est de juste séquencer un bon son de synthé avec une bonne pattern qui groove, car en fait comme tout synthé, c'est à ça qu'elle sert. Et c'est là qu'il ne reste que le son et l'ergonomie de l'édition, et c'est pas si fou.