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Pédago
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Des tubes pas très catholiques

Le petit guide des autres tubes

Cette semaine, on continue cette petite série d'articles sur les tubes électroniques en se penchant sur les "autres" tubes, les optionnels, ceux qu'on ne trouve pas toujours dans les amplis : déphaseuse, redresseuse, tube du circuit de réverbe ou de trémolo... Qui sont-ils ? Que font-ils ?

Le petit guide des autres tubes : Des tubes pas très catholiques

Mais avant d’abor­der ces tubes aux fonc­tions spéci­fiques, je voulais répondre à une ques­tion simple à laquelle, je me rends compte, je n’ai pas encore donné de réponse satis­fai­san­te…

Comment ça ampli­fie un tube ?

Parce que, en fin de compte, je n’ai jamais vrai­ment expliqué comment ça se fait que le signal à la sortie d’un tube était plus fort qu’à l’en­trée…

Je résume : on a vu comment, entre l’anode (égale­ment nommée la plaque) et la cathode, se forme un courant. On a aussi vu comment la grille, située entre l’anode et la cathode, permet de contrô­ler l’in­ten­sité de ce courant. Et que donc cette grille pouvait servir d’en­trée pour un signal, dont les modu­la­tions allaient se repor­ter sur l’in­ten­sité du courant. Et qu’à la sortie (l’anode) on trou­ve­rait une tension variable simi­laire au signal d’en­trée. Tension simi­laire mais d’une plus grande ampli­tude !

Ok mais pourquoi d’une plus grande ampli­tude ??

Réponse : à cause de la proxi­mité de la grille par rapport à la cathode.

Eh oui, c’est tout bête, mais la grille est beau­coup plus proche de la cathode (d’où provient l’émis­sion d’élec­trons qui forment le courant au sein du tube) que l’anode. Elle va donc contrô­ler de façon très effi­cace ce courant : un chan­ge­ment de quelques volts est suffi­sant pour créer d’im­por­tant chan­ge­ment de courant.

TUBE construction intérieurePour mieux comprendre, je vais prendre un exemple. Prenons un tube 12AX7 dont l’anode reçoit 100V, et la grille –1V : le courant qui le traverse est de 0,5 mA. Imagi­nons que nous souhai­tions augmen­ter ce courant à 2 mA. On aurait deux choix : chan­ger la tension d’anode (en conser­vant la même tension de grille), ou la tension de grille (en conser­vant la même tension d’anode). Si l’on change seule­ment la tension d’anode, il faut l’aug­men­ter à 200V (augmen­ta­tion de 100V donc). Si l’on change la tension de grille seule­ment, il faut la passer à 0V (chan­ge­ment de 1V seule­ment).

La grille contrôle beau­coup plus effi­ca­ce­ment le courant que l’anode. Et c’est elle qui reçoit le signal, donc les moindres varia­tions du signal vont créer des varia­tions impor­tantes de courant au sein du tube. Voilà pourquoi le tube ampli­fie le signal d’en­trée.

Il est d’ailleurs notable que plus un tube a un facteur d’am­pli­fi­ca­tion élevé (revoir le premier article pour l’ex­pli­ca­tion du facteur d’am­pli­fi­ca­tion), plus sa grille est située proche de sa cathode.

Les tubes dépha­seurs

On appelle couram­ment ce tube : la dépha­seuse. Elle a pour fonc­tion de prendre un signal à son entrée et d’en sortir deux. Les deux signaux sont : 

  • De même ampli­tude (autant que possible)
  • Hors phase à 180°

Principe du déphasage

Comme on le voit sur cette image, elle se situe juste avant l’étage de puis­sance en push-pull auquel elle four­nit les deux signaux en oppo­si­tion de phase :

Double triode vue de côtéPour toutes les appli­ca­tions de dépha­sage, on utilise géné­ra­le­ment un seul tube, de type 12AX7, 12AT7… C’est-à-dire un tube à doubles triodes : en effet, ces tubes embarquent en eux deux triodes, deux étages d’am­pli­fi­ca­tion, indé­pen­dants l’un de l’autre. On voit bien les deux dispo­si­tifs, côte à côte, sur l’image ci-contre.

À partir de là, il existe deux topo­lo­gies prin­ci­pales dans les amplis de guitares, avec des sous-variantes : 

  • Celle qui, avec un tube, utilise une seule des triodes. La variante la plus commune est le montage catho­dyne. On le trouve dans quelques amplis de guitares : le modèle le plus connu est proba­ble­ment le Fender Deluxe des années 1950 (modèle 5E3, époque Tweed). Un dépha­seur catho­dyne a un gain légè­re­ment en dessous de 1, ce qui revient à dire qu’il n’am­pli­fie pas le signal (au contraire, il occa­sionne une très légère perte d’am­pli­tude). En revanche, l’autre triode du tube peut-être employée en amont pour boos­ter le signal avant l’étage de dépha­sage. C’est un montage qui a l’avan­tage de sa simpli­cité, mais qui n’est pas très linéaire et qui peut être instable lorsque le tube entre en satu­ra­tion.
  • Ou la topo­lo­gie avec un tube, encore une fois, mais qui emploie les deux triodes. La plus courante dans les amplis de guitares est le dépha­seur de Schmidt. Cette topo­lo­gie requiert plus de compo­sants et le bon appai­rage, non seule­ment des compo­sants, mais si possible égale­ment des deux triodes conte­nues dans le tube (surtout en HiFi). Toute­fois, si le circuit est bien réalisé, c’est un montage très stable, qui supporte bien la satu­ra­tion. Là aussi le gain est proche de 1.

Tubes du circuit de réverbe

Rares sont les amplis qui utilisent encore un système de réverbe à tubes, comme on pouvait en trou­ver dans les amplis améri­cains des années 1950 et 1960. De nombreux ampli­fi­ca­teurs emploient aujour­d’hui soit une réverbe numé­rique, soit une réverbe à ressort dont le circuit d’am­pli­fi­ca­tion est basé sur des amplis opéra­tion­nels.

Lorsque l’on trouve dans un ampli un véri­table circuit de réverbe à tubes, celui-ci utilise géné­ra­le­ment un ou deux tubes à double triode : d’abord une ou deux triodes qui auront pour seule fonc­tion de pré-ampli­fier le signal à l’en­trée du cais­son de réverbe. On peut nommer cet étage « étage de commande » ou « driver » pour ceux qui préfèrent le terme anglais. On trou­vera ensuite une triode en sortie de cais­son, qui servira à ampli­fier le signal réver­béré, avant de le mélan­ger au signal non réver­béré (ce mélange est géré par un poten­tio­mètre qui atté­nue plus ou moins le signal réver­béré).

Signaux clean et réverbéré dans ampli à tube

On peut voir ci-dessus, en bleu, le trajet du signal allant au cais­son et en ressor­tant, par rapport au trajet prin­ci­pal du signal (en rouge).

Tubes du circuit de trémolo

Les circuits de trémolo/vibrato à tubes sont nette­ment plus complexes. Ils sont clas­sables en trois grandes caté­go­rie :

  1. Les trémo­los qui agissent direc­te­ment sur le bias des tubes de puis­sances, ou d’un des tubes de préam­pli. Ils sont géné­ra­le­ment formés d’une seule triode (géné­ra­le­ment la moitié d’un tube double triode) qui fonc­tionne comme un oscil­la­teur dont la vitesse est réglable. Son oscil­la­tion fait fluc­tuer le point de biasing des tubes de puis­sances (ou sur certains amplis, du dernier tube de préam­pli avant la section de puis­sance). L’ef­fet est très flat­teur à l’oreille, très prisé par de nombreux passion­nés des amplis à tubes, mais ces montages ont des défauts impor­tants, parce qu’ils influent sur une carac­té­ris­tique qui (comme on l’a vu la dernière fois) a un impact direct sur la longé­vité des tubes de puis­sances. On recom­mande donc parfois d’uti­li­ser ce type de trémolo à des puis­sances modé­rées, pour ne pas trop user préma­tu­ré­ment les tubes.
  2. Les trémo­los harmo­niques, qui sont les plus « ésoté­riques » et rares : on en trouve sur quelques amplis Fender des périodes dites « Brown­face » et « Blonde ». Ils ont la parti­cu­la­rité d’oc­ca­sion­ner une légère varia­tion de la hauteur de la note en même temps que son oscil­la­tion d’am­pli­tude. Ils sont plus complexes, car ils néces­sitent des circuits avec de nombreux compo­sants, et au mini­mum quatre triodes, c’est-à-dire deux tubes de préam­pli­fi­ca­tion.
  3. Les trémo­los « optiques » : ceux-ci sont simples à réali­ser et à modi­fier – une ou deux triodes sont néces­saires, un seul tube donc, qui ne sert que d’os­cil­la­teur (le signal ne passe pas par lui). Ce tube sert à alimen­ter une petite ampoule, ou une LED, qui va donc cligno­ter. Cette ampoule est placée face à une photo­ré­sis­tance (ou LDR pour light depen­dant resis­tor en anglais) : c’est un compo­sant qui change sa résis­tance selon la lumière qu’il capte. Il suffit ensuite de placer cette résis­tance entre le signal et la masse : lorsque l’am­poule clignote, chaque petit flash de lumière fait chuter la résis­tance, et le signal se retrouve shunté à la masse. Dans ce type de trémo­los, l’uti­li­sa­tion d’un tube est abso­lu­ment obso­lète aujour­d’hui : un ampli opéra­tion­nel fait parfai­te­ment l’af­faire sans rien chan­ger à la sono­rité du trémolo.

Tube redres­seur

Nous finis­sons cet article sur un tube très diffé­rent, le tube redres­seur, égale­ment appelé couram­ment la redres­seuse. Il est utilisé dans l’ali­men­ta­tion de certains amplis.

Redresseur 5Y3Un tube très diffé­rent car il ne s’agit pas d’une topo­lo­gie de triode, mais d’une ou de plusieurs diodes. Encore une fois, sur l’image ci-contre, on distingue bien les deux dispo­si­tifs côte à côte dans le tube (un tube redres­seur de type 5Y3)

Il s’agit donc du modèle origi­nel du tube à vide : rappe­lez-vous, nous l’ex­pliquions ici, avant l’in­tro­duc­tion de la triode, il y avait la diode à vide. Pour en comprendre le fonc­tion­ne­ment, je peux déjà vous renvoyer à cet article, qui concer­nait le redres­se­ment dans les alimen­ta­tions : c’est rela­ti­ve­ment simi­laire, il s’agit là aussi d’un redres­se­ment double alter­nance où, au lieu de deux diodes sili­cium, on utilise un tube conte­nant deux diodes (si l’on veut être exact, le tube contient un fila­ment, néces­saire au chauf­fage, une cathode commune et deux anodes).

Expliquons succinc­te­ment le fonc­tion­ne­ment : la tension alter­na­tive du secteur, une fois trai­tée par le trans­for­ma­teur, va venir pola­ri­ser l’une après l’autre chacune des deux diodes conte­nues dans le tube (l’une après l’autre car il s’agit toujours d’une tension alter­na­tive, comme le secteur dont elle est issue, et donc son courant va dans un sens puis dans l’autre). À tour de rôle ces deux diodes deviennent conduc­trices : mais le courant qui traverse chaque diode va, lui, dans un même sens (le courant ne peut traver­ser une diode que dans un sens). À la sortie du tube on se retrouve donc un courant alter­na­tif redressé, qui ressemble main­te­nant à une série de pulsa­tions posi­tives.

Y a-t-il un avan­tage à utili­ser un tube de redres­se­ment ? Ou est-ce exac­te­ment comme avec des diodes à semi-conduc­teur ?

Eh bien, avan­tage peut-être pas, mais parti­cu­la­rité oui : premiè­re­ment un tube redres­seur a un temps de démar­rage, comme tous les tubes (le temps que son fila­ment chauffe, tout simple­ment). Il assure donc à l’am­pli un démar­rage en douceur, il permet aux conden­sa­teurs de filtrages de se char­ger plus lente­ment… Bref, avec un tube de redres­se­ment, pas besoin d’uti­li­ser le stand-by (mais d’ailleurs, le stand-by est-il vrai­ment utile ? On en parlera au prochain arti­cle…).

Deuxiè­me­ment, un tube redres­seur a une parti­cu­la­rité : lorsque le signal qui passe par l’am­pli de puis­sance est très fort (signal très saturé, avec un gain élevé à la sortie du préam­pli), l’am­pli de puis­sance va avoir besoin de beau­coup de courant. Plus l’alim four­nit ce courant, plus la résis­tance interne du tube de redres­se­ment (impor­tante) va causer une chute de tension (légère) au niveau des anodes des tubes de puis­sances. L’ali­men­ta­tion des tubes de puis­sances va donc connaître des varia­tions avec l’in­ten­sité du signal, ce qui agira comme un léger effet de « compres­sion », et aura tendance à réduire l’am­pli­tude dyna­mique de l’am­pli de puis­sance (son headroom). Cet effet, que l’on nomme souvent du terme anglais sag, n’a lieu que dans les amplis en push-pull travaillant en classe AB.

Dans le prochain article, le dernier de la série, nous trai­te­rons de quelques ques­tions subsi­diaires, qui n’ont pas encore trouvé de réponse dans les articles précé­dent.

Auteur de l'article Pr. Soudure de La Feuille

Venu à la musique par le bruit, j'y retournerai un jour. J'aime les beaux circuits bien propres, les musiques sales et moches. Technicien de jour, la nuit je dors.

  • Irvn Rynn 1 post au compteur
    Irvn Rynn
    Nouvel·le AFfilié·e
    Posté le 19/06/2022 à 00:26:12
    merci
  • Feupied 413 posts au compteur
    Feupied
    Posteur·euse AFfamé·e
    Posté le 19/06/2022 à 21:52:33
    Merci pour cet article complet et très intéressant comme tous ceux de la série.
    Juste une question, je suis surpris par la phrase «  Là aussi le gain est proche de 1 » à propos du déphaseur de Schmidt.
    Ce n’est pas ce que je comprends de l’article d’Aiken https://www.aikenamps.com/index.php/the-long-tail-pair
    Ni ce que montre la calculette de Amp Books https://www.ampbooks.com/mobile/amplifier-calculators/long-tailed-pair/calculator/
    Avec cette configuration le gain unitaire ne semble pas être la limite imposée par la topologie du circuit comme c’est le cas pour le déphaseur cathodyne.
    Ou alors il s’agit d’autre chose et mes références ne sont pas les bonnes.
  • Pr. Soudure de La Feuille 260 posts au compteur
    Pr. Soudure de La Feuille
    Rédacteur·trice
    Posté le 20/06/2022 à 09:25:07
    Citation de Feupied :
    Merci pour cet article complet et très intéressant comme tous ceux de la série.
    Juste une question, je suis surpris par la phrase «  Là aussi le gain est proche de 1 » à propos du déphaseur de Schmidt.
    Ce n’est pas ce que je comprends de l’article d’Aiken https://www.aikenamps.com/index.php/the-long-tail-pair
    Ni ce que montre la calculette de Amp Books https://www.ampbooks.com/mobile/amplifier-calculators/long-tailed-pair/calculator/
    Avec cette configuration le gain unitaire ne semble pas être la limite imposée par la topologie du circuit comme c’est le cas pour le déphaseur cathodyne.
    Ou alors il s’agit d’autre chose et mes références ne sont pas les bonnes.


    Nan c'est en effet une bourde de ma part, veuillez m'en excuser !:facepalm: Merci de l'avoir pointé du doigt : un déphaseur de Schmitt aura un gain dépendant du tube utilisé, bien évidemment, et qui est environ équivalent à la moitié du gain de ce tube (donc environ 50 et quelque pour une 12AX7, par exemple). Cela est dû au fait que la première triode fonctionne à la fois en mode cathode commune (sortie sur l'anode pour la sortie à 180°), et en cathode suiveur (sortie sur la cathode, vers la cathode de la seconde triode pour la sortie non-inverseuse) avec sur celle-ci un gain unitaire.
    J'aurais dû écrire que la déphaseur de Schmitt a un gain limité : en fait, en comparaison d'un étage cathodyne qui, en amont, utiliserait la triode subsistante comme un étage d'amplification classique (en mode cathode commune), le déphaseur de Schmitt permettra d'obtenir un gain plus faible, au total.

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Auteur de l'article Pr. Soudure de La Feuille

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