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Interview / Podcast
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Interview d'Andrew Scheps (Adele, Red Hot, Metallica, Jay-Z, U2, Michael Jackson, Rolling Stones)

Le mixage en parallèle (1re partie)

Sans doute seriez-vous surpris d'apprendre que l'un des meilleurs ingénieurs de mixage au monde travaille avec une seule paire d'enceintes de monitoring, dans une pièce non traitée et dans son home studio. Cet homme, c'est Andrew Scheps, l'un des plus célèbres pratiquants de l'art du traitement parallèle. Ce grand innovateur figure sur la liste des crédits d'un nombre impressionnant d'artistes, dont Adele, les Red Hot Chili Peppers, Metallica, Jay-Z, U2, Michael Jackson, les Rolling Stones et Justin Timberlake, pour n'en citer que quelques-uns.

Accéder à un autre article de la série...

Après avoir été basé à Los Angeles pendant des années, Scheps vit désor­mais en Angle­terre où il gère son emploi du temps surchargé depuis sa maison à la campagne. Audio­fan­zine s’est entre­tenu avec lui via Skype, dans cette première partie d’une inter­view qui en comporte deux.

Andrew Scheps IMG 5090.JPG
Andrew Scheps

Donc main­te­nant vous mixez essen­tiel­le­ment dans un home studio ?

Ouais. Je n’ai besoin que de très, très peu de choses. Main­te­nant je bosse entiè­re­ment « in the box », donc je n’ai besoin que d’une paire d’en­ceintes et d’un endroit où les mettre. Du coup, c’est tout ce que j’ai. À un moment ou un autre je vais me construire une salle d’écoute dédiée digne de ce nom, mais pour l’ins­tant je me contente des enceintes et ça marche très bien comme ça.

La pièce n’est même pas trai­tée acous­tique­ment ?

Non. L’es­pace de travail que j’ai occupé pendant des années à L.A., même quand je bossais sur des Neve, était un ancien garage aménagé, mais il était traité comme s’il s’agis­sait d’un grand salon. Pour mixer, comme salle de contrôle, j’aime avoir une pièce sans réver­bé­ra­tion et qui soit assez grande pour y bouger. J’ai juste besoin d’en­tendre mes enceintes, je ne veux surtout pas entendre la pièce. Donc pour moi, n’im­porte quelle pièce sans réver­bé­ra­tion peut faire l’af­faire, même si elle est petite. Je connais assez bien mes enceintes de moni­to­ring pour pouvoir m’adap­ter assez vite quel que soit l’en­droit où j’ar­rive.

Est-ce que l’es­pace dans lequel vous travaillez actuel­le­ment a le moindre trai­te­ment ?

Il y a des rideaux. [Rires]

Les personnes qui mixent dans des pièces non trai­tées vont être ravies d’en­tendre ça. [Rires]

C’est une pièce qui n’a pas de problème. J’ai de la chance. Elle a un mur fron­tal légè­re­ment incurvé, ça aide. Le plafond est rela­ti­ve­ment bas, mais il est tapissé. Il y a des meubles capi­ton­nés, et ça casse la réver­bé­ra­tion. Non, vrai­ment, je pense que les réver­bé­ra­tions, c’est ça qui tue tout.

Et quels enceintes de moni­to­ring utili­sez-vous ?

J’uti­lise ces vieilles Tannoy: des SRM 10B. Je les utilise depuis des années. J’en avais une paire il y a peut-être 20 ans, et main­te­nant j’en ai quatre paires, juste au cas où elles me lâche­raient.

Des enceintes passives ?

Ouais. Elles datent de la fin des années 70.

Quelle est la taille des woofers ?

Elles ont un woofer de 10" et un twee­ter concen­trique au centre.

Mais vous n’avez pas de cais­son de basses ?

Non, mais leur bas du spectre est très présent.

Selon vous, qu’y a-t-il d’unique dans votre façon de mixer ? Y a-t-il une signa­ture sonore aux mixes d’An­drew Scheps ?

Pour beau­coup de raisons, j’es­père que non. Parce que je n’aime pas l’idée d’être quelqu’un dont on recon­naît les mixes immé­dia­te­ment, parce qu’alors ça veut dire que ce n’est plus l’ar­tiste qu’on recon­nait. Pour être honnête, je suppose que ma signa­ture, c’est que mes mixes sonnent très fort [rires]. À un point tel que beau­coup de personnes en charge du maste­ring me détestent.

Faites-vous beau­coup de trai­te­ments sur le bus stéréo de sortie ?

Pas beau­coup. Ça peut chan­ger, mais en géné­ral il y a un compres­seur et tout à la fin un limi­teur. Mais le limi­teur est réglé de façon à ne faire que frôler à peine le rouge. Il n’en fait pas trop. Mais il y a pas mal d’éga­li­sa­tion, de colo­ra­tion et de choses dans le genre. Il y a beau­coup de choses qui apportent chacune un tout petit peu, et au total ça s’ajoute et ça fait pas mal. Mais c’est aussi parce que mes mixes sont élabo­rés avec énor­mé­ment de compres­sion paral­lèle, et ça tend à beau­coup augmen­ter le volume RMS, contrai­re­ment au fait d’abais­ser les pics. Au total, ce sont des mixes denses et qui sonnent fort.

Il y a quelque temps, j’ai inter­viewé Michael Brauer et lui aussi utilise beau­coup la compres­sion paral­lèle. Il disait qu’il envoyait les pistes vers les compres­seurs à travers les envois auxi­liaires (aux sends).

C’est comme ça que je fais, moi aussi. C’est la façon la plus simple de procé­der, et de loin, surtout dans Pro Tools. Si par défaut les envois sont para­mé­trés en post-fader à zéro et en suivant la pano­ra­mi­sa­tion, alors tout ce que vous envoyez à ce compres­seur ne sera en fait qu’une copie de ce qui est envoyé au bus de mix. Et vous pouvez l’ajou­ter pour le mélan­ger au reste. Ce que je fais beau­coup et que d’autres pratiquent peut-être beau­coup moins, c’est d’en­voyer diffé­rentes sources vers le même compres­seur. Je n’ai pas une grosse caisse en paral­lèle, une caisse claire en paral­lèle, des overheads en paral­lèle etc, j’ai un certain nombre de compres­seurs pour batte­ries et je mixe entre eux.

Et les pistes auxi­liaires avec les compres­seurs que vous utili­sez pour la compres­sion paral­lèle, elles ont aussi des égali­seurs et d’autres proces­seurs ?

Non, géné­ra­le­ment les chaînes sont vrai­ment simples. En géné­ral, il y a juste un compres­seur. Parfois il peut y avoir un égali­seur avant ou après pour contrer les arte­facts que le compres­seur peut géné­rer, mais la chaîne tend à rester rela­ti­ve­ment simple. Les chaînes de Michael ont tendance à être assez complexes, avec plein de matos dans chaque chaîne. De mon côté, j’ai proba­ble­ment davan­tage de chaînes mais chacune comporte moins d’élé­ments.

Parlons de la pano­ra­mi­sa­tion. À ce niveau là, vous consi­dé­rez-vous plutôt comme un conser­va­teur ou alors tentez-vous des trucs tota­le­ment impro­bables de temps en temps ? Aimez-vous la pano­ra­mi­sa­tion LCR ?

Sound Techniques : Andrew Scheps IMG 5006.JPG
Scheps à Punker­pad West, son précé­dent studio où il mixait sur une console Neve.

Quand je travaillais sur console (j’ai une vieille Neve), c’était gauche-centre-droit. Parce qu’au­tre­ment, il fallait acti­ver le circuit de pano­ra­mi­sa­tion, ça faisait bais­ser le volume et l’équi­libre sonore chan­geait. Même s’il y en a qui pensent le contraire, et je suis sûr que ça peut bien sonner comme ils font, j’ai toujours eu l’im­pres­sion que ça sonnait moins bien parce que ça sonnait moins fort. Donc j’évi­tais le réglage de pano­ra­mique à tout prix. Main­te­nant que je travaille « in the box », je ne suis plus aussi parti­san du LCR. Avec certains trucs, je le suis toujours : les overheads sont « hard panned », réglés aux extré­mi­tés. Les guitares ryth­miques doublées aussi, c’est comme ça que je donne de la largeur à mes mixes, j’aime bien les bons mixes bien larges. Mais j’es­saie de trou­ver de la place entre deux, ou éloi­gner quelque chose du centre même juste un petit peu, parce que comme ça, ça les éloigne de la voix et de la caisse claire.

Comment décri­riez-vous votre stra­té­gie géné­rale en matière de pano­ra­mi­sa­tion ?

J’aime avoir la sensa­tion de connaître la répar­ti­tion du groupe, de savoir où se trouve chaque musi­cien. Alors je n’aime pas quand quelque chose a l’air d’ap­pa­raître subi­te­ment de nulle part, genre « tiens, c’est qui celui-là ? ». Ne serait-ce que parce que ça me distrait à l’écoute, et je cherche toujours à ce que rien ne vienne me distraire de façon à pouvoir arri­ver à la fin du morceau en me disant « waow, quelle super chan­son ». Je ne veux pas que qui que ce soit ait envie de dire, « super pano­ra­mi­sa­tion, mec ! ».

Donc c’est un peu comme arbi­trer un match, si personne ne fait atten­tion à ce que vous faites, c’est que vous le faites bien.

Exac­te­ment.

Quand vous écou­tez des mixes faits par des personnes dans leur home studio (je ne parle pas de mixeurs profes­sion­nels mais de musi­ciens qui s’en­re­gistrent), quels genres de problèmes trou­vez-vous le plus souvent ?

Le premier, et c’est dur pour moi de dire ça parce que mes mixes sonnent telle­ment fort, c’est qu’en géné­ral ils sont surcom­pres­sés. Je pense que c’est parce qu’ils ont du mal à obte­nir un son qui les éclate vrai­ment, et le plus simple c’est de coller un limi­teur ou un outil multi-fonc­tions du genre [Izotope] Ozone. Ça peut donner un son impres­sion­nant sur le moment, mais le problème c’est que par la suite ça va rendre l’en­semble fati­gant à l’écoute. Donc le mieux est de ne pas s’oc­cu­per trop des fini­tions jusqu’à ce que vous ayez élaboré votre propre chaîne. J’ai une chaîne qui est plus complexe que ce qui se passe dans Ozone, mais je l’ai construite élément par élément et ces éléments sont régu­liè­re­ment chan­gés et j’ai l’im­pres­sion d’avoir un vrai contrôle sur ce que chacun d’entre eux fait. De ce fait, pendant que j’éla­bore un mix, je peux tout de suite recon­naître des trucs du genre « oh la, tel plug-in n’est pas bon pour cette chan­son », je le bypasse et une partie de ma chaîne s’en va. Donc même si vous utili­sez un outil comme Ozone, assu­rez-vous de savoir ce que chaque élément a comme effet et assu­rez-vous que leurs réglages sont bons pour en tirer le meilleur sur ce mix-là en parti­cu­lier.

Qu’avez-vous remarqué d’autre ?

Je pense que quand j’écoute ce que font beau­coup d’entre eux, même si le début sonne vrai­ment bien, rien ne se passe quand on arrive au refrain. Ça n’est pas un problème lié au mix, c’est la dyna­mique de la chan­son qui est en cause. Je ne suis pas en train de dire que quelque chose ne va pas au niveau de l’ar­ran­ge­ment, mais ils arrivent à faire sonner les couplets si bien et si fort qu’ils en oublient qu’il faut lais­ser de la marge pour le refrain. Ça pour­rait se résoudre simple­ment en pous­sant le volume du refrain par rapport au couplet, mais peut-être est-ce que le problème c’est avant tout que la batte­rie ne devrait pas sonner aussi fort sur le couplet, parce que du coup, ça va atté­nuer le chan­ge­ment quand vous allez arri­ver au refrain. Le refrain va sonner plus fort parce qu’à ce moment-là, la batte­rie sera au même niveau que la guitare au lieu d’être en arrière, ou un truc dans le genre. Et c’est le prin­ci­pal problème que j’en­tends, une sorte de manque de musi­ca­lité. Les plug-ins sont à dispo­si­tion de tout le monde, et les gens savent vrai­ment de mieux en mieux s’en servir, et il y a telle­ment de bons tuto­riels en ligne que je pense que ces personnes sont vrai­ment compé­tentes. Je pense que sur beau­coup de points, ils utilisent tout simple­ment trop de plug-ins et ils les sur-utilisent. Qu’ils en fassent juste un peu moins, et ça marchera mieux.

Est-ce qu’il vous arrive d’en­le­ver des pistes des couplets de façon à les remettre dans le refrain pour servir le contraste ?

Ouais, ça peut être un bon truc pour arran­ger un morceau de façon musi­cale. Mais là je parlais au niveau du mixage. Disons que vous avez deux compres­seurs en paral­lèle sur la batte­rie et que l’un des deux sonne un peu « sale », ce qui rend la piste un peu rugueuse, alors pourquoi ne pas utili­ser ce son-là que sur le refrain ? Vous n’en avez pas forcé­ment besoin sur le couplet. Si vous en avez besoin dans les couplets, alors peut-être est-ce qu’il vous en faut un autre sur le refrain. Mais il faut rendre sa dyna­mique au morceau, parce qu’avec une centaine ou je ne sais combien de plug-ins, chacun va enle­ver un peu de ce qui était là à l’ori­gine. Il faut le remettre. Et puis, auto­ma­ti­sez plein de trucs. Jouez avec les faders. Pous­sez le temps fort de chaque refrain sur tous les instru­ments. Vous faites jaillir un truc sur le temps fort et ensuite ça peut se calmer, ou conti­nuer comme ça, ou quoique vous vouliez qu’il se passe.

Vous utili­sez l’au­to­ma­ti­sa­tion sur la piste de master ?

Vous pouvez le faire, mais j’ai plutôt tendance à jouer des faders sur les pistes de groupes. Du genre pous­ser les guitares ryth­miques sur le temps fort du refrain, parce que ça donne l’im­pres­sion qu’ils jouent un peu plus fort, alors même que le son est telle­ment distordu qu’ils ne pour­raient jouer ni plus ni moins fort, même s’ils le voulaient. Mais vous le pous­sez un peu, et tout d’un coup vous susci­tez un nouvel enthou­siasme.

Vous avez récem­ment colla­boré avec Waves pour la réali­sa­tion d’un nouveau plug-in, votre deuxième avec eux. Parlez-nous en.

Sound Techniques : Waves Scheps Parallel Particles
Paral­lel Particles est le nouveau plug-in issu de la colla­bo­ra­tion de Scheps avec Waves. Il permet d’ajou­ter faci­le­ment des trai­te­ments paral­lèles à vos pistes.

Il s’ap­pelle le Scheps Paral­lel Particles. En fait, il se résume à quatre potards et c’est tout. Il y a deux boutons, mais l’es­sen­tiel ce sont quatre potards. Ce sont quatre proces­seurs distincts qui travaillent en paral­lèle et qui sont conçus pour faire en sorte que votre maté­riel sonore sonne encore mieux. Ce n’est pas comme la gamme OneK­nob ou les plug-ins de Greg Wells, qui impliquent une inter­face hyper-simple mais avec beau­coup de choses qui se passent en dessous. Là, ce sont quatre chaînes rela­ti­ve­ment simples, mais elles se splittent en paral­lèle puis elles se rejoignent pour être mises en paral­lèle à nouveau avec l’élé­ment suivant, si bien que le routage interne est un peu compliqué. Mais pour résu­mer, vous avez quatre potards qui vous permettent de faire quatre choses tota­le­ment diffé­rentes.

Comme quoi ?

Il y en a deux qui font une sorte de synthèse d’har­mo­niques, l’une s’ap­pelle Air et l’autre Sub, respec­ti­ve­ment pour le haut et le bas du spectre afin de permettre de créer des sons qui n’y sont pas forcé­ment à l’ori­gine. Et ensuite il y a deux chaînes qui s’ap­pellent Bite et Thick, qui sont deux chaînes de compres­sion paral­lèle complè­te­ment diffé­rentes. Vous avez un seul potard de réglage pour chaque, votre signal audio les traverse en perma­nence et vous dosez ces quatre effets qui ne sont pas inter­dé­pen­dants. Tel que le plug-in est conçu, vous pouvez avoir n’im­porte lequel des quatre, ou les quatre, ou n’im­porte quelle autre combi­nai­son. Vous n’avez pas besoin de vous dire « il faut que j’ac­tive celui-ci si je veux pouvoir utili­sez celui-là » pour obte­nir ce que vous voulez. Donc l’in­té­rêt c’est qu’au lieu de rentrer dans le détail des chaînes, vous avez quatre carac­té­ris­tiques sonores qui ne sont d’ailleurs même pas si bien décrites, et c’est supposé vous inci­ter à ne faire rien d’autre qu’écou­ter leurs effets.

Dans quelle situa­tion-type voyez vous ce plug-in être utilisé ?

Vous n’al­lez pas vous en servir en vous disant « j’ai besoin de faire un truc ». Vous allez vous en servir parce qu’il y a un truc qui sonne mou, ou alors, je ne sais pas moi, vous voulez voir ce que vous pouvez y appor­ter alors vous commen­cez à le tritu­rer. Et je me suis rendu compte que quand je commençais à combi­ner les réglages, je pensais : "en fait ça ne change pas grand chose au son", et puis je bypas­sais le plug-in et là je me disais : « putain de merde ! ». C’est très subtil, mais ça ajoute un vrai « plus » pour faire sonner l’en­semble comme si la prise avait été faite dans une meilleure pièce avec un meilleur micro et un meilleur préamp, et que vous aviez fait de meilleurs choix en matière de compres­sion. C’est tout ça à la fois, et la façon de tout combi­ner.

Parlons de l’in­ter­face graphique.

L’in­ter­face est super cool. On dirait une sorte d’ac­cé­la­ra­teur de parti­cules animé et avec des couleurs. Mais ce qui compte vrai­ment, c’est son côté « je vais chan­ger l’am­biance sans avoir à me poser trop de ques­tions du genre : est-ce que je mets de l’éga­li­sa­tion, de la compres­sion ou de la synthèse ? ». Peu importe. Et si étrange que ça puisse paraître, il y a en fait plein d’in­di­ca­tions visuelles sur la façon dont le son est traité. Une fois que vous vous y êtes habi­tué, je pense que c’est vrai­ment une inter­face utile et intui­tive. On a fait de notre mieux pour en faire quelque chose d’in­for­ma­tif sans pour autant être trop détaillé quant à la nature des trai­te­ments utili­sés. 

Parlons main­te­nant moni­to­ring. Faites-vous quoique ce soit pour chan­ger votre façon d’écou­ter au cours d’une session de mixage ? Par exemple récem­ment quelqu’un me disait que parfois il lui arri­vait de se lever pour entendre les twee­ters selon des angles diffé­rents. D’autres vont au fond de leur pièce pour écou­ter.

Vous devez chan­ger un peu les choses, sinon vous n’en­ten­drez pas tout ce qu’il y a à entendre. Mais pour ça, je me contente de chan­ger le niveau d’écoute. J’écoute vrai­ment très fort pendant un instant, puis à volume vrai­ment bas. Ou alors je tourne ma chaise sur un côté. Parce qu’à un moment il faut arrê­ter de s’em­bar­ras­ser des détails et écou­ter l’en­semble. L’autre truc qui joue pour moi, bien au-delà du moni­to­ring en lui-même, c’est que depuis que je travaille « in the box » je ne mixe jamais une seule chan­son, je mixe toujours des tas de chan­sons. Et parfois je ne vais passer que 10 minutes sur une chan­son. Je l’ouvre, j’écoute, je sais ce qu’il faut que je fasse mais je ne me sens pas de le faire à ce moment là. Ou alors, ce n’est pas encore fait mais je n’ai aucune idée de quoi faire ensuite, donc je ferme la chan­son, j’en ouvre une autre et je repars avec un esprit neuf. Je peux passer quatre heures dessus, ou alors peut-être seule­ment une ving­taine de minutes. Et là, je rouvre la première et je me dis « OK, je pense que c’est bon pour celle-là ». C’est le moment de l’en­voyer.

Donc, c’est comme ça que vous parve­nez à éviter de perdre le fil et la fatigue audi­tive qui arrive si souvent quand on mixe.

Ouais. Genre là, aujour­d’hui, je tourne entre cinq chan­sons issues de deux projets diffé­rents.

D’après ce que vous dites, on a l’im­pres­sion qu’à un moment vous vous rendez compte qu’un mix est fini. Vous n’avez pas du truc spéci­fique, du genre lais­ser le mix pendant la nuit et y reve­nir le lende­main ou quelque chose dans le genre.

Je ne fais pratique­ment jamais un mix entier dans la même jour­née, mais on va dire que c’est parce que je travaille sur cinq mixes en même temps. Donc en l’es­pace de trois jours, je travaille sur les cinq. Et tout d’un coup, trois d’entre eux vont être bouclés. Et le plus cool, c’est que je ne sais même pas moi-même à quel niveau d’avan­ce­ment de travail j’en suis. J’en ai un peu marre de bosser dessus, et la déci­sion se fait en moins d’une seconde: « OK, c’est bon, je le ferme. Passons au suivant ». Je ne tiens pas de listes à jour, ou quoique ce soit de ce genre. Donc parfois j’ouvre un mix et je me dis « tiens, celui-là je l’ai à peine commencé ». Ou « ah, celui-là est presque fini, il n’y a plus qu’à figno­ler les voix », ou quoique ce soit qu’il reste à faire. C’est une façon bizarre de travailler, mais ça marche.

Ça a l’air d’une bonne façon de faire. Parce que c’est si facile de partir dans tous les sens sur un mix sur lequel on vient de passer des heures et des heures. Ceux d’entre nous qui sont loin de votre niveau ont tendance à bosser sur un mix pendant long­temps (en tout cas c’est ce que moi je fais), et puis on le réécoute le jour suivant et on se dit « non mais qu’est-ce que j’ai foutu avec ces char­leys ? », ou un truc dans le genre.

Ça m’ar­rive aussi. On me renvoie des commen­taires, par exemple j’en­voie un mix et je reçois un commen­taire du genre « heu, ce truc avec les char­leys là, c’est fait exprès ou il y a un problème ? ». Là j’écoute et je me dis « oh mon dieu, je n’ar­rive pas à croire que je vous ai envoyé ça. Désolé, je vous envoie une nouvelle version ». Ça arrive.

[Fin de la première partie]

Article suivant dans la série :
Andrew Scheps parle compression, plug-ins, panoramisation, égalisation et plus encore →

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