Six ans après la présentation de la troisième version de son clavier de scène haut de gamme, Nord récidive avec une quatrième mouture encore plus puissante. La marque suédoise va-t-elle à nouveau redéfinir les standards du genre ?
Nord est plus que jamais la marque emblématique des claviers de scène depuis bientôt 30 ans. De nombreux musiciens pro et amateurs avertis lui font confiance pour leurs prestations live, mettant en avant la qualité sonore, le sens de l’essentiel, la légèreté et la robustesse de ses instruments. La marque a également su décliner subtilement sa gamme de produits, entre les synthés de scène, les pianos de scène, les claviers électro de scène et les claviers complets de scène, distillant çà et là des fonctions spécifiques pour ne pas qu’ils se cannibalisent les uns les autres.
Et plutôt qu’élargir à l’infini cette gamme aussi restreinte qu’intelligemment positionnée, la firme suédoise s’est depuis le départ concentrée sur l’amélioration de chaque ligne de produits, dont certaines sont désormais arrivées à leur sixième génération. En haut de la gamme, le précédent Nord Stage était sorti il y a six ans. Le moment était donc venu d’en dévoiler la 4ème génération (6ème en fait si on compte les modèles EX et EX2 apparus au début de la lignée). Une fois de plus, on peut dire qu’à ce niveau, Nord a largement dépassé le stade de la maturité pour atteindre l’expertise. Voyons donc en détail ce que ce Nord Stage 4 nous apporte comme améliorations et nouveautés, pour une somme devenue très coquette.
Tous en scène
Toujours avec la complicité de Frankeys (toujours Rhodiste, Wurlitzeriste et Clavinetiste) à qui on doit la majorité des exemples audio de ce test, nous avons testé le modèle 73 touches (E à E) en OS 1.08, équipé d’un toucher lourd « plein », qui lui fait désormais atteindre 16,7 kg pour 107 × 35 cm (le clavier, pas l’ami Frank, qui est un peu plus grand et beaucoup plus lourd). 4 kg de plus que le Nord Stage 3–76-HP certes, mais ce nouveau Nord Stage 4–73 nous est apparu bien plus agréable à jouer, avec notamment une résistance à l’enfoncement mieux équilibrée. Le rebond est toujours franc et la réponse à la pression bien maîtrisée, sans déclenchement intempestif. Le passage de 2 à 3 capteurs permet de redéclencher les touches à mi-hauteur sans perdre de précision, les amateurs de jeu staccato apprécieront. Le modèle 88 touches est équipé du même type de clavier, pour une taille de 128 × 25 cm et un poids de 19,6 kg ; vite, mon machiniste itinérant ! Le Nord Stage 4 existe aussi en modèle Compact à 73 touches Waterfall semi-lestées, avec triple capteur, réponse en vélocité et pression (107 × 32 cm pour 10,4 kg). Les trois modèles disposent désormais de tirettes harmoniques physiques (curseurs) avec rangées de LED de position pour la section orgue ; exit donc les tirettes virtuelles à deux boutons, visiblement moins appréciées des organistes. La qualité de construction est exemplaire : coque métallique, flancs en bois, potentiomètres bien ancrés, boutons super fiables, écrans OLED avec graphismes soignés, encore une fois bravo !
Fidèle à la lignée, le Nord Stage 4 est taillé pour la performance live ; il regorge d’environ 140 commandes directes et de fonctions utiles pour la scène. Spécialités maison, le pitchbend en bois et la molette en aluminium sont toujours de la partie. Depuis le premier Nord Stage, la crise d’acné n’a pas cessé, bien au contraire. La plupart des commandes est doublée d’une fonction secondaire, qui nécessite le maintien de la touche Shift. Sur certains boutons, les maintenir permet d’accéder à la fonction secondaire plutôt qu’utiliser la touche Shift, histoire de conserver une main libre. La façade est composée de différentes sections séparées par une sérigraphie alternant fond gris et fond rouge, avec de gauche à droite, l’effet haut-parleur tournant, la section orgue, la section piano, la section programme (gestion des mémoires, configuration globale), la section synthé/externe et la section effets. Il est très facile d’activer ou couper une section, régler son volume avec des curseurs équipés de rangées de LED, l’assigner à une zone clavier ou la transposer à l’octave. De même, les deux écrans OLED visibles en toute circonstance permettent, pour l’un, de se repérer dans les programmes et les réglages, et pour l’autre, de compléter la programmation de la section synthé qui s’est encore une fois musclée. Du coup, devant ce nombre pléthorique de commandes, de LED et de fonctions, le clavier intimide au premier abord.
Structure générale
Le Nord Stage 4 est organisé en programmes qui mémorisent tous les réglages de la façade pour les rappeler à chaque instant. La mémoire comprend 512 programmes (8 banques x 8 pages x 8 programmes) et 8 programmes live (mémorisés automatiquement dès qu’on édite une valeur, rusé). Changer un programme ne coupe pas le son des notes maintenues, parfait pour le live. On peut faire défiler les programmes par liste, par banque ou par catégorie. Dans chaque programme, il y a deux configurations globales, appelées Layer Scene, utilisables alternativement. Chacune permet d’arranger 2 couches d’orgue (A/B), 2 couches de piano (A/B) et 3 couches de synthé ou zones externes pour piloter un appareil Midi (A/B/C), ainsi que leurs effets attitrés (un effet commun pour les couches d’orgues et un effet séparé par couche pour les pianos et les synthés). Il existe aussi un mode Aux Keyboard permettant de piloter n’importe quelle couche par un clavier Midi externe.
Dans chaque Layer Scene, les couches sonores et externes sont assignables à quatre zones du clavier, délimitées par 1 à 3 points de split (Low/Middle/High). Le choix des points est toujours limité à 11 notes, à savoir les Do et Fa sur 5 octaves (C2 à C7). Ces points sont repérés par des LED situées au-dessus du clavier et les zones indiquées dans une page écran spécifique pour faciliter le repérage. Il est possible de créer un fondu au point de split, suivant 3 types de transition par point (aucune, +/- 6 demi-tons, +/- 12 demi-tons). On peut ainsi créer diverses combinaisons élaborées de splits et couches. Autre fonction utile pour les performances live, Morph, qui permet de faire évoluer en continu 20 paramètres prédéfinis dans les différentes sections sonores et les effets, via trois contrôleurs physiques : molette, pression et pédale de contrôle. Pour créer un Morph, on part d’un réglage initial, on maintient l’une des touches Morph correspondant à la source de modulation à assigner, on bouge les commandes souhaitées en position finale et on lâche la touche. On peut bien sûr ajouter des modulations ou tout effacer d’un coup. Parmi les destinations, les tirettes harmoniques, le niveau sonores de chaque section et certaines commandes continues de synthèse et certains paramètres d’effets. Les potentiomètres assignables disposent d’une diode témoin verte, sympa… Tout ceci est mémorisé dans chaque programme.
Terminons cette tournée par la face arrière de la machine, qui regroupe l’ensemble de la connectique, entièrement vissée au châssis : entrée monitoring, sortie casque, 4 sorties audio (configurables en paires stéréo ou individuelles mono), 4 entrées pédales (triple pédale Sustain/Sostenuto/Sourdine TP-2, Sustain SP-2 avec amortissement intermédiaire, contrôle continu/morphing, expression pour la section orgue), un duo Midi In/Out DIN, une pédale pour le commutateur de Leslie, une prise USB-B (Midi CC et Sysex, mais hélas pas d’audio), une pédale interrupteur (simple ou double, pour les changements de programme par exemple) et une borne IEC 3 broches pour cordon secteur (alimentation interne, merci !). La connectique audio/pédales est au format jack 6,35 mm, sauf l’entrée monitoring au format mini-jack stéréo. Cette dernière envoie directement le signal aux sorties audio 1&2, sans passer par les effets ni même le volume, dommage.
Orgues modélisés
Comme d’habitude, la première section sonore modélise différents orgues électriques et liturgiques. Comme déjà dit, la première modification de fond concerne le pilotage, cette fois confié à 9 tirettes harmoniques physiques avec détentes aux valeurs entières. Elles sont assistées d’une rangée verticale de LED indiquant la position effective du réglage. A quand des curseurs motorisés ? Côté moteur, on passe à 6 modèles d’orgues dont certains sont tirés du C2D : B3, basse B3, Vox, Farfisa et deux orgues liturgiques. La polyphonie est totale quel que soit le modèle. On peut activer/couper la section, l’assigner à une zone clavier, en régler le niveau audio, l’envoyer vers les effets (communs pour les 2 couches sonores), activer/couper le Pitch Bend, activer/couper la pédale de Sustain et transposer sur plusieurs octaves. C’est d’ailleurs le cas avec les autres sections sonores (piano et synthé), nous n’y reviendrons donc pas. Le premier modèle est dédié au B3, célèbre orgue électromécanique signé Hammond dans les années 30, basé sur 91 roues produisant différentes fréquences sonores, ajustables avec 9 tirettes harmoniques. Le Nord Stage 4 modélise trois états de B3 : Clean (sortant d’usine), Vintage 1 (un peu usé) et Vintage 2 (rincé). On peut enclencher un vibrato (3 types) ou un chorus (3 types), au choix. La fameuse percussion est également présente, avec le choix entre la 2ème ou 3ème harmonique, le déclin (court/long) et le volume (faible/fort). On peut aussi paramétrer le volume du clic de note si caractéristique du B3. Les résultats sonores sont excellents et les choix de réglages pertinents ; l’orgue peut être très propre ou alors bourré de Leakage, cette interférence entre les roues phoniques adjacentes créant des effets de phase. La réponse du clavier est ultra rapide, d’autant qu’on peut régler la hauteur d’action des touches, pour les organistes les plus pointilleux. En conjonction avec le haut-parleur tournant et l’overdrive (voir section effets), on passe d’une ambiance soul décontractée au rock le plus dur ! Le deuxième modèle est dédié à la basse de B3, dotée des tirettes 16’ et 8’, une nouveauté par rapport au Nord Stage 3. On peut l’assigner à une zone clavier ou à un clavier/pédalier Midi externe.
Le troisième modèle est dédié au Vox Continental, l’un des plus célèbres orgues à transistors, datant des années 60, au son beaucoup plus feutré que le B3. Le Vox utilise 7 pieds harmoniques à intervalle fixe par rapport à la note jouée, dont le volume est contrôlé par les 7 premières tirettes. La 9ème est une balance de brillance. On retrouve différents chorus et vibrato, dont l’un est modélisé sur le Vox. Le quatrième modèle d’orgue est consacré au Farfisa Compact, facture des années 60 de la célèbre firme transalpine d’orgues à transistors au son pinçant. Les tirettes harmoniques sont ici utilisées en interrupteur à bascule (les fameux « Rocker Switch ») pour activer ou couper l’un des 9 registres disponibles, portant le nom (mais pas le son) d’instruments acoustiques et indiquant leur métrage en pieds (le tout aussi fameux « Footage », mais pas de gueule, celle-ci on la garde) : Bass 16, Strings 16, Flute 8, Oboe 8, Trumpet 8, Strings 8, Flute 4, Strings 4, Voix 2 2/3. Le Nord Stage 4 modélise aussi les différents modes de vibrato du Farfisa. Enfin, les deux derniers modèles simulent des orgues à tuyaux, l’un dérivé d’un B3 fictif sans les artefacts et les clics spécifiques, ciblé pour le Gospel ; l’autre modélisant un orgue liturgique à tuyaux métalliques. Les 9 registres sont identiques à ceux du B3, allant de 16’ à 1’. Cerise sur le gâteau, le constructeur a eu l’excellente idée de permettre la mémorisation de deux registres par programme, entre lesquels on peut alterner avec le bouton Preset II. Pour couronner le tout, l’entrée pour pédale d’expression (Swell) permet de créer des nuances de volume caractéristiques des techniques de jeu des organistes. Cette section comporte 2×64 Presets réinscriptibles (la moitié préchargée de différents styles d’orgues) pour ne pas partir de zéro.
Pianos multiéchantillonnés
La section piano a très peu évolué par rapport au Nord Stage 3. Les seuls points notables concernent l’ajout d’un compresseur, d’un mode unisson et la compatibilité avec les nouvelles pédales Nord SP-2 et TP-2 prenant en compte l’amortissement intermédiaire. Le reste est inchangé. Il s’agit d’une banque de multiéchantillons stockés dans une mémoire flash réinscriptible de 2 Go, offrant 120 voix de polyphonie stéréo. Le Nord Stage 4 est livré avec 41 multiéchantillons (environ 1,9 Go) décomposés en 6 catégories : pianos à queue, pianos droits, claviers électriques, pianos numériques et pianos divers. Le multiéchantillonnage nous rappelle que la taille compte. Le Nord Stage 4 renferme 4 tailles de multiéchantillons (XL-L-M-S) tirés de la bibliothèque Nord Piano, correspondant à différents niveaux de qualité (cf. encadré). Un réglage de toucher permet de définir la réponse dynamique du clavier (3 valeurs). De même, un EQ intégré permet de choisir parmi 3 types d’égalisation (doux, medium, brillant). On peut aussi régler la douceur du Release (pour certains sons), enclencher la résonance sympathique des cordes (sur les sons de piano compatibles) et le bruit de la pédale de Sustain, pour peu qu’on utilise la triple pédale maison (sur les sons de piano compatibles). Le nouveau compresseur remonte les niveaux des sons faibles sans les déformer (3 réglages). Le nouveau mode Unisson permet quant à lui de créer du désaccordage avec stéréo, utile pour épaissir les sons monophoniques.
Dans la liste de pianos à queue intégrés, citons un nouveau Steinway B « White Grand » (XL), un Yamaha S6 (XL), un Bluthner 9,2 pieds « Velvet » (L) et un Bösendorfer « Imperial » (L) ; parmi les pianos droits, on trouve différents modèles allemands et japonais très complémentaires. On poursuit avec les claviers électriques : au programme, Yamaha CP80, Fender Rhodes (MkI, II, V), Wurlitzer EP200 (200A et amplifié), Hohner Clavinet D6 (avec les 4 réglages originels de micro – A=Neck, B=Bridge, C=combinés en phase, D=combinés en opposition de phase, produisant différentes nuances avec plus ou moins de piqué et de richesse), clavecins, pianos DX7, mélanges de pianos synthétiques et percussions accordées (marimba, vibraphone). Au plan sonore, nous avons beaucoup apprécié les sons de pianos acoustiques dans leur ensemble, surtout au vu de la taille mémoire modérée. Les modèles se complètent bien, offrant une belle plage de dynamique et des segments bouclés assez longs (on n’est pas sur une bibliothèque de plusieurs dizaines de Go, mais on a en revanche des sons variés et disponibles en 15 secondes après l’allumage). Les Rhodes sont très réalistes avec une belle réponse en dynamique, des Tines précises et des bruits mécaniques réalistes, en particulier le Nefertiti (XL), très chaleureux. Le Wurlitzer nous a séduits, en particulier le second multiéchantillon, très dynamique. Le CP80, bien que de mémoire réduite, est très agréable à jouer, surtout en Unisson. Les différents sons de Clavinet déçoivent un peu, avec un manque de coupant que l’on peut tout juste rattraper avec la section effets (wahwah, compresseur…). Pour le reste (pianos DX, clavecins, couches de pianos), c’est du classique sans surprise… Cette section comporte 2×64 Presets réinscriptibles (la moitié préchargée de différents styles de pianos) pour ne pas partir de zéro.
- Nord Stage 4_1audio 01 Piano D900:55
- Nord Stage 4_1audio 02 Piano S601:17
- Nord Stage 4_1audio 03 Piano BL01:30
- Nord Stage 4_1audio 04 CP8000:51
- Nord Stage 4_1audio 05 MkI00:45
- Nord Stage 4_1audio 06 Tines00:20
- Nord Stage 4_1audio 07 Studio Keys00:58
- Nord Stage 4_1audio 08 200A00:31
- Nord Stage 4_1audio 09 B3 Split00:44
- Nord Stage 4_1audio 10 Smoked B00:55
- Nord Stage 4_1audio 11 Amb Split00:55
- Nord Stage 4_1audio 12 Arp Split01:44
- Nord Stage 4_1audio 13 Morph Choir00:48
- Nord Stage 4_1audio 14 Mello Tom00:51
- Nord Stage 4_1audio 15 Cinema Rise00:22
Nord Wave 2 dedans
Si le moteur de synthèse du Nord Stage 3 était dérivé du Nord Lead A1, celui du Nord Stage 4 est largement inspiré du Nord Wave 2 sorti en 2020 et testé dans ces colonnes. De ce fait, l’organisation de la section synthé a été refondue : moins de commandes directes (disparition des commandes directes des formes d’ondes, types de filtre et segments d’enveloppes), mais un écran avec quelques pages menu locales et 3 encodeurs contextuels. Il faudra s’y habituer. Rappelons qu’il y a 3 couches synthés indépendantes, que l’on peut assigner à différentes zones du clavier ou superposer. La polyphonie est passée à 48 voix. La synthèse est de type soustractif, à partir d’oscillateurs ou de multisamples (1 Go de mémoire) passés dans un filtre. Le Nord Stage 4 est compatible avec la Nord Sample Library 4 et le Nord Sample Editor 4, permettant d’importer des échantillons ou d’échantillonner soi-même, puis de monter ses propres multisamples pour les charger ensuite dans le clavier. Les oscillateurs sont variés : modélisations analogiques (ondes fixes, variables, combinées, empilées, synchro, cloche, bruits), ondes numériques fixes (différents contenus harmoniques), FM harmonique (à 2–3–4 opérateurs, avec ratio de fréquences entre porteurs et modulateurs), FM inharmonique (idem, mais avec écarts de fréquences fixes). En mode Sample, un multiéchantillon prend la place de l’oscillateur. On le sélectionner par catégorie, au moyen des encodeurs sous l’écran. On peut conserver le multiéchantillon avec sa dynamique naturelle, ignorer cette dynamique ou shunter la phase transitoire (point d’attaque alternatif).
Le signal passe ensuite dans un filtre multimode résonant (LP12, LP24, LP24 Minimoog, LP+HP en parallèle, HP24, BP12). La fréquence de coupure est modulable par le suivi de clavier (0–1/3–2/3–1), l’enveloppe dédiée (positive uniquement) et le LFO. Le filtre offre 3 positions de saturation, pour grossir le son. La résonance peut pousser le filtre en auto-oscillation. Côté modulations, on commence par un vibrato (donc assigné au pitch), avec délai, contrôle par la molette ou contrôle par une pédale assignable. Puis vient un LFO complet à 5 formes d’onde (triangle, dent de scie, rampe, carré, S&H), capable d’agir sur le pitch, la forme d’onde et le filtre. On peut synchroniser sa fréquence à l’horloge globale. Enfin, on trouve 3 enveloppes ADR routées vers le pitch/variation d’oscillateur, le filtre et l’ampli. Leurs amplitudes sont modulables par la vélocité. On peut ensuite choisir le mode de voix (poly, mono, legato avec priorité de note) ainsi que le temps de Glide. Enfin, un mode Unisson permet d’empiler les voix pour grossir le son (3 dosages) sans perdre de polyphonie. On ne peut pas dire que les modulations soient le point fort du Nord Stage 4. On fait également chou blanc si on cherche à créer un kit de percussions, Nord n’ayant toujours pas décidé de s’y mettre.
Pour faire bouger le son, on dispose d’un arpégiateur/Gate polyphonique amélioré par rapport au Nord Stage 3. Il peut être activé par couche ou globalement pour toutes les couches. Sa vitesse peut se synchroniser à l’horloge globale. Son édition se fait par des commandes directes et via le menu, en complément. Il fonctionne suivant 3 modes distincts : classique, polyphonique et Gate. Les notes arpégées peuvent suivre une direction (haut, bas, alternée, aléatoire) avec option zigzag originale (2 pas en avant, 1 pas en arrière) et un motif rythmique temporel de 2 à 16 pas (Preset ou programmé). La programmation consiste à définir, pour chaque pas, l’activation, le Gate, l’accent et la position stéréo. Les arpèges peuvent être transposés jusqu’à 4 octaves, avec des valeurs intermédiaires décimales (transpositions incomplètes). Très sympa cet arpégiateur !
Au plan qualitatif, la section synthé est excellente pour tout ce qui est son de synthèse. Le son sait être claquant, les textures variées, on apprécie toujours autant la banque de Mellotron. Les sons acoustiques traditionnels sont en revanche moins bien lotis, compte tenu des échantillons de base qui commencent un peu à dater et souffrir au regard de la concurrence. Il faut les considérer comme des sons d’appoint pour le live. On regrette aussi la perte des oscillateurs à ondes numériques variables, des tables d’ondes et des ondes à formants du Nord Stage 3, qui ajoutaient leur lot d’originalité. Un dommage collatéral du passage au moteur Nord Wave 2, pas toujours supérieur au Nord lead A1. La section synthé comporte 8×64 Presets réinscriptibles (dont 6 banques préremplies) couvrant différents styles de synthés et multisamples pour ne pas partir de zéro.
Effets remaniés
Le Nord Stage 3 marquait une belle progression dans la section effets, qui n’étaient alors pas le point fort des claviers Nord. Le Nord Stage 4 enfonce le clou, avec des effets séparés pour quasi toutes les sections sonores. Seules les 2 sections orgues partagent leurs effets, mais on trouve 2 ensembles distincts pour les pianos et 3 pour les synthés, ce qui fait 6 ensembles d’effets simultanés. Par ensemble, il faut entendre 2 effets de modulation, 1 délai, 1 simulateur d’ampli, 1 compresseur et 1 réverbe. Sans oublier le simulateur de HP tournant global. Donc 37 effets simultanés ! Les commandes en façade ont été complètement revues, pour assigner facilement des effets à une partie et sélectionner les effets à éditer pour la partie en cours, sous le contrôle de LED témoins bien placées. Le premier effet « Mod 1 » propose 6 algorithmes avec variation : Autopan (moyen/large), Tremolo (sinus/carré), Modulation en anneau (mono/stéréo), Autowah (2 variations), Wah-Wah (automatique ou contrôlé par une pédale) et Pump (pompage automatique ou contrôlé par une pédale). On peut en régler la profondeur et la vitesse, cette dernière pouvant se synchroniser à l’horloge globale. Les effets Autowah se basent sur un suivi d’enveloppe d’amplitude pour agir en phase ; ils sont donc contrôlables en vélocité. Le deuxième effet « Mod 2 » peut générer 6 types de modulation avec variation : Phaser (Small Stone/Bi-Phase), Flanger (stéréo/mono), Vibe (phaser + Pitch Shifter stéréo/mono), Chorus (2 modèles), Ensemble (stéréo/mono) et Spin (2 profondeurs). On peut en régler la vitesse et la quantité de modulation. Passons au troisième effet, spécialisé dans les délais au sens large. Il peut fonctionner en mode normal ou pingpong. On a 5 types d’effets délai avec variations : Ensemble, Vibe, Chorus (identiques aux effets Mod 2), puis Flam (pingpong avec 2 réglages de décalage entre les canaux gauche/droite) et Space (quasi réverbe avec deux réglages de balance sec/mouillé). Les autres réglages concernent le tempo (avec Tap, possibilité de synchronisation à l’horloge globale), le feedback (nombre de répétitions), le rapport sec/mouillé et le filtrage des répétitions (LP, HP ou BP). Le délai peut aussi simuler un écho à bande analogique, apportant une légère distorsion, un pitch variant avec le tempo et un filtrage plus chaud que le modèle numérique.
Le quatrième effet est un simulateur d’ampli avec EQ 3 bandes. Il est capable de modéliser un ampli Roland Jazz Chorus, le haut-parleur intégré au Wurlitzer 200A ou un ampli Fender Twin, le tout avec préampli à lampes. Il y a deux variations de couleur par modèle. Il peut aussi fonctionner comme un filtre résonant 4 pôles en modes passe-bas ou passe-haut, utile à ceux qui voudraient faire résonner un son d’orgue ou de piano. Une position « To Rotary » permet d’envoyer la couche sonore en cours vers l’effet final de HP tournant. Un mode Global permet d’appliquer le délai à toutes les couches sonores simultanément. Le cinquième effet est un compresseur assez basique, capable d’agir en mode lent ou rapide (pompage), avec simple réglage du niveau de compression. Un mode Global permet d’appliquer le compresseur à toutes les couches sonores simultanément. Enfin, le sixième et dernier effet de la section est une réverbération capable de produire 6 ambiances de pièce et leur variation : Spring (2 tailles), Booth (2 pré-délais), Room (idem), Stage (avec mode Chorale amplifiant les modulations de pitch, donc l’ambiance), Hall (idem) et Cathedral (idem). On peut faire briller plus ou moins la queue de réverbe (simple sélecteur Bright/Dark) et doser le signal sec/mouillé. Un mode Global permet d’appliquer la réverbe à toutes les couches sonores simultanément. Dix paramètres fixés de la section effets sont modulables en temps réel via la fonction Morph, ce qui rend les effets vivants.
Un peu à part (d’ailleurs il est placé tout à gauche du clavier), le dernier effet est une modélisation de la cabine Leslie 122. Placé en fin de chaine de traitement (donc après la réverbe), il offre une saturation en entrée, simulant l’overdrive de l’étage de préamplification. On peut alterner entre les vitesses de rotation lente/rapide du haut-parleur à l’aide d’un bouton ou d’une pédale externe. L’accélération (le temps de transfert) entre les deux vitesses est paramétrable via le menu. On peut aussi contrôler la vitesse du rotor avec précision via la fonction Morph, pour ceux qui ne se contenteraient pas des deux vitesses de base. Un réglage de proximité des micros a été ajouté sur le Nord Stage 4. Enfin le mode Stop permet d’arrêter le rotor tout en continuant à faire passer le signal à travers la cabine. Une modélisation parfaitement maitrisée, indispensable à la section orgue mais tout aussi intéressante à expérimenter avec les autres sections, qu’on peut lui assigner très simplement. D’ailleurs au plan sonore, la qualité de ces effets nous a beaucoup plu, tout comme les choix d’algorithmes et de réglages nous ont paru judicieux, compte tenu de l’orientation live de la machine. Sur ce plan, Nord ne cesse de progresser.
Pilotage extérieur
La fonction Extern, permettant de piloter des instruments Midi externes, est désormais intégrée à la section Synthé, les deux s’excluant mutuellement. C’est donc fromage ou dessert, dans chacune des trois parties synthé A-B-C, un léger retour en arrière par rapport au Nord Stage 3 qui gérait cela indépendamment et simultanément (mais uniquement sur deux couches). Pour chaque couche définie comme externe, on peut régler les zones clavier, la transposition d’octave, la courbe de vélocité, les contrôleurs physiques transmis, les deux CC à transmettre et le numéro de banque/programme à envoyer. On peut décider si les valeurs initiales de ces paramètres sont transmises au moment des changements de programme ou uniquement via l’encodeur dédié sur le panneau avant. Le curseur de volume des couches activées envoie le volume Midi (CC7), un bon point. Les canaux Midi de transmission se règlent quant à eux au niveau global de l’instrument, bon…
Conclusion
Nouvel élément de la lignée, le Nord Stage 4 repousse un peu les limites des claviers de scène haut de gamme. Si les parties orgue et piano évoluent à la marge, c’est surtout la partie synthèse et effets qui se voient remaniées avec, pour faire court, davantage de tout. Seule exception fâcheuse, la perte de certaines synthèses pourtant originales comme les ondes numériques variables, les tables d’ondes et les formants. Les commandes ont également été réarrangées et la gestion des programmes améliorée, avec l’apparition de Presets réinscriptibles dans chaque section. Des tirettes d’orgues physiques sont maintenant présentes sur les trois formats de l’instrument, les claviers à triples capteurs ont fait leur apparition pour un jeu rapide plus souple et la série bénéficie de la compatibilité avec les nouvelles pédales « Half-Damping » de la marque pour la section piano. Bien évidemment, le Nord Stage 4 hérite des qualités de son prédécesseur : moteurs sonores très soignés, commandes directes pensées pour la scène, routage aisé vers différentes zones clavier, morphing en temps réel, import de sons et de samples avec utilitaire ou éditeur, pilotage d’appareils Midi externes, qualité de construction irréprochable alliant solidité et transportabilité.
La machine s’est toutefois complexifiée sur certains aspects, compte tenu de l’augmentation des fonctionnalités et des commandes associées : on commence à arriver au bout de l’exercice et de la surface disponible. Il reste cependant des points de frustration hérités de la lignée, tels que l’édition très sommaire de certains paramètres, les points de split fixés, les modulations limitées dans la section synthé, l’absence de kits de percussions et l’impossibilité de transmettre l’audio via USB. Ceci posé, le Nord Stage 4 reste un partenaire de premier choix pour le musicien live exigeant, faisant la preuve qu’il est encore possible de progresser un peu, même à ce niveau premium. Un prix très élevé, mais une valeur sûre qui mérite toujours son Award 2023.