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Award Innovation 2023
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Après l’EssenceFM, la société occitane Kodamo présente le Mask1, un synthé numérique doté d’un clavier de cinq octaves embarquant une nouvelle synthèse maison Bitmask…

Dévoilé en 2019, l’Es­sen­ceFM a été le premier synthé signé Kodamo. Son inter­face très bien pensée et son puis­sant moteur multi­tim­bral nous avaient montré la synthèse FM sous un angle bien plus agréable que tous les synthés FM sortis jusqu’à présent. Au Synth­Fest 2022, ses brillants et sympa­thiques géni­teurs étaient venus nous présen­ter un nouveau synthé baptisé Infini. Doté d’un clavier et d’un grand écran tactile, il asso­ciait diffé­rentes synthèses, dont certaines promet­teuses : VA, FM, formants, Bitmask… Asso­ciait, car la pénu­rie de compo­sants a eu raison du projet – souhai­tons d’ailleurs que ce ne soit qu’une inter­rup­tion. Du coup, Kodamo a réorienté son programme de déve­lop­pe­ment, tout en conser­vant une partie des briques tech­no­lo­giques acquises, telles que la synthèse Bitmask. Le rapport à la synthèse a aussi été redé­fini, passant d’une vision complexe à la recherche de l’es­sen­tiel. Le Mask1 incarne cette nouvelle philo­so­phie. Levons le voile…

Inter­face mini­ma­liste

Mask1 2tof 03 trois quart gaucheLe Mask1 est un synthé compact et léger (89×26×8 cm pour 7,5 kg), soigneu­se­ment inté­gré dans un châs­sis métal fabriqué en France. Il est doté d’un clavier de 5 octaves Fatar TP/9S semi-lesté d’ex­cel­lente qualité, dont la rela­tive dureté s’as­sou­plit rapi­de­ment, sensible à la vélo­cité initiale et à la pres­sion mono. Le panneau avant est des plus spar­tiates, puisqu’il ne comprend que 23 boutons-pous­soirs carrés rétroé­clai­rés de haute qualité, 2 enco­deurs à détente souple pour le volume et les données, sensibles à l’ac­cé­lé­ra­tion et un affi­cheur à 4 diodes 7 segments. Ce dernier indique le nom des programmes ou para­mètres et leur numéro ou valeur, avec défi­le­ment si besoin. La première rangée de touches permet de trans­po­ser l’oc­tave (+/-2), choi­sir le mode de jeu (sons simples, sépa­rés, empi­lés), initia­li­ser/sauve­gar­der le programme, régler les para­mètres globaux (tempé­ra­ment, trans­po­si­tion, accor­dage, Midi, courbes de répon­se…), séquen­cer ou faire défi­ler les para­mètres. La rangée infé­rieure sert à sélec­tion­ner les modules de synthèse, les modu­la­tions, les effets et l’ar­pé­gia­teur. Elle offre aussi une touche Compare isolée à droite.
Mask1 2tof 21 arrière obliqueL’édi­tion se fait en choi­sis­sant un module, puis en faisant défi­ler les para­mètres avec deux touches (ou des pres­sions succes­sives sur un module), avant de modi­fier la valeur avec un enco­deur, tout ça d’une même main. On est aux anti­podes de l’écran tactile couleur de l’Es­sen­ceFM et son édition avant-gardiste. Là, c’est retour direct aux années 80. Cela peut paraitre peu léger au regard du tarif annoncé ; c’est toute­fois en lien avec la philo­so­phie annon­cée et la zéni­tude propo­sée : se foca­li­ser sur des para­mètres essen­tiels avec les réglages perti­nents. À notre sens, cela aurait quand même mérité un écran plus large, par exemple 2×16 carac­tères et 4 enco­deurs contex­tuels. Les deux molettes de pitch et modu­la­tion clas­siques sont placées au-dessus du clavier, ce qui assure une bonne compa­cité. La connec­tique, plutôt réduite, est quant à elle placée à l’ar­rière. On trouve des sorties gauche/droite stéréo symé­triques (bien !), une sortie casque, une entrée pour pédale de main­tien (tout ça en jack 6,35), un duo Midi DIN, une prise USB B et une borne pour alimen­ta­tion externe 12V. Il n’y a donc pas d’en­trée pour pédale de modu­la­tion, ni de Midi Thru DIN, ni d’au­dio via USB. L’ali­men­ta­tion externe est de type bloc central, de bonne qualité, et elle tient bien dans son embase, c’est un moindre mal.

Sono­ri­tés origi­nales

Mask1 2tof 09 face détailLa mémoire interne du Mask1 renferme 120 programmes d’usine et 400 empla­ce­ments pour l’uti­li­sa­teur (programmes simples, sépa­rés ou empi­lés). Les niveaux de sortie sont élevés, la qualité audio est irré­pro­chable, il n’y a aucun bruit de fond, très peu d’alia­sing dans les extrêmes aigus, merci au moteur sonore bien maîtrisé et aux sorties symé­triques. Les graves sont parfois accom­pa­gnés de buzz métal­lique inhé­rent à la forme de synthèse choi­sie, qui n’est pas sans rappe­ler de célèbres synthés hybrides des 80’s, tels que PPG Wave 2 ou Prophet-VS. Le grain sonore s’y appa­rente d’ailleurs quand on utilise certains Masks modu­lés par une enve­loppe. On note un très bel équi­libre sur tout le spectre sonore, des infra­graves aux extrêmes aigus, sans prédo­mi­nance marquée, ainsi qu’une largeur stéréo remarquable. L’al­lo­ca­tion des voix est bien program­mée, le vol est discret.
Mask1 2tof 11 face obliqueOn féli­cite au passage les desi­gners sonores qui ont contri­bué aux présé­lec­tions, soignées, variées et utiles ; il n’y a pas de remplis­sages inop­por­tuns ou de démons­tra­tions de puis­sance intem­pes­tives. Ainsi on découvre avec plai­sir une vaste pano­plie sonore, allant d’ému­la­tions analo­giques (merci à l’ex­cellent filtre) à des textures numé­riques complexes, en passant par des basses FM frap­pées, des tables d’ondes en mouve­ment ou des nappes planantes. Le Mask1 est à la fois capable de produire des sons claquants et agres­sifs, ainsi que des timbres plus doux, voire relaxants, c’est très surpre­nant. Les réglages sont perti­nents, on sent qu’un soin parti­cu­lier a été apporté dans ce domaine, on trouve assez vite le bon ajus­te­ment. La faculté de mélan­ger deux couches sonores permet d’as­so­cier des couleurs distinctes, l’une pour l’at­taque, l’autre pour le main­tien. Les effets, très quali­ta­tifs, apportent une touche de fini­tion parfaite. En résumé, on a le senti­ment d’être en présence d’un synthé racé, d’une certaine classe.

Mask1_1audio 01 Deep Layer
00:0000:38
  • Mask1_1audio 01 Deep Layer00:38
  • Mask1_1audio 02 Palm Prod02:03
  • Mask1_1audio 03 Slur Layer00:59
  • Mask1_1audio 04 Poly Synth01:58
  • Mask1_1audio 05 Clas­sic Split01:01
  • Mask1_1audio 06 Poly Low00:52
  • Mask1_1audio 07 Meta Morph01:14
  • Mask1_1audio 08 Masked Layer00:40
  • Mask1_1audio 09 Arco Strings00:52
  • Mask1_1audio 10 Demas­ked !01:02

 

Géné­ra­tion du signal

Mask1 2tof 07 côté gaucheLe Mask1 est un synthé numé­rique poly­pho­nique 10 voix et multi­tim­bral 4 ou 5 parties. Une ou deux parties sont acces­sibles via le clavier ou le Midi, les trois autres unique­ment via Midi (choix du programme + pilo­tage des notes/CC). Avec le clavier, on peut ainsi jouer en mode simple, séparé ou empilé. En mode séparé ou empilé, deux programmes sont dispo­nibles, le prin­ci­pal et le secon­daire (par poin­tage vers un autre programme en mémoire). On aurait préféré que tous les para­mètres du second programme soient sauve­gar­dés avec le programme prin­ci­pal, dommage. On peut trans­po­ser le programme secon­daire par demi-ton, régler la balance entre les deux programmes, les espa­cer dans le champ stéréo et les désac­cor­der.
Mask1 2tof 16 face obliqueUne voix est consti­tuée de 2 oscil­la­teurs Bitmask, un géné­ra­teur de bruit accor­dable, un filtre multi­mode réso­nant, 3 enve­loppes delta et 4 enve­loppes ADSR ; 2 LFO communs à toutes les voix viennent complé­ter le tableau. Les oscil­la­teurs sont géné­rés par Bitmas­king, un type de trai­te­ment utilisé en infor­ma­tique : il s’agit de modi­fier des tranches multiples d’ondes sinus (par inver­sion, répé­ti­tion, défor­ma­tion, replie­ment, silen­ce…), pour produire des ondes plus complexes. Dans le Mask1, ça revient pour l’uti­li­sa­teur à choi­sir l’une des 256 ondes propo­sées (para­mètre Mask) et modu­ler ce para­mètre. Cela produit des ondes évolu­tives, avec des enchaî­ne­ments plus ou moins abrupts suivant la posi­tion où on se trouve et la vitesse de modu­la­tion. Dommage qu’on ne puisse régler préci­sé­ment la tran­si­tion entre deux Masks (= accé­der aux sous-Masks) ou libre­ment séquen­cer l’ordre des Masks dans des tables utili­sa­teur, une idée à creu­ser…
Parmi les ondes propo­sées, certaines produisent des choses surpre­nantes quand elles sont trans­po­sées (motifs ryth­miques, bruits numé­riques type PPG), d’autres sont des frac­tales, d’autres encore des impul­sions, d’autres enfin des clas­siques (dent de scie, carré, sinus…). Chaque oscil­la­teur peut être accordé par demi-ton (sur 10 octaves) et plus fine­ment. Le numéro de Mask peut être modulé direc­te­ment par une enve­loppe delta dédiée, tout comme le volume de l’os­cil­la­teur, qui possède sa propre enve­loppe ADSR. Les deux oscil­la­teurs ne peuvent inter­agir, c’est bien dommage. Un géné­ra­teur de bruit à fréquence variable complète le tableau des sources sonores, avec sa propre enve­loppe ADSR de volume. Il n’y a pas d’en­ve­loppe sur le volume global, mais on peut éditer toutes les enve­loppes ADSR en même temps.

Trai­te­ment du signal

Mask1 2tof 20 arrière zoomLes deux oscil­la­teurs et le bruit passent ensemble dans un filtre multi­mode réso­nant à 2 pôles. Il est capable de fonc­tion­ner en modes passe-bas, passe-bande, passe-haut et réjec­tion. Cela permet de retailler des ondes numé­riques parfois agres­sives et métal­liques, ou encore d’ac­cen­tuer certaines parties du spectre. La fréquence de coupure est direc­te­ment modu­lable par une enve­loppe ADSR dédiée (bipo­laire), le suivi de clavier du premier oscil­la­teur et la molette de modu­la­tion. La vélo­cité peut aussi pilo­ter l’en­ve­loppe. La réso­nance s’ar­rête tout juste avant l’auto-oscil­la­tion, mais elle se main­tient pendant un moment après relâ­che­ment quand on la pousse à fond, c’est dû à l’ab­sence de VCA après le filtre. Ce filtre est une belle réus­site, il n’a rien à envier à certains VCF, il colore le son merveilleu­se­ment bien, sait réson­ner à basse fréquence, à des années-lumière du filtre de l’Es­sen­ceFM qui parait bien fade à côté.
Mask1 2tof 10 face détailNous avons vu qu’il n’y avait pas de VCA final modu­lable une enve­loppe (cela se passe au sein des sources), la sortie du filtre est direc­te­ment injec­tée dans les effets. On peut toute­fois régler le volume final après effets puis alter­ner les voix en stéréo (largeur program­mable). Les voix peuvent être jouées suivant diffé­rents modes origi­naux, certains combi­nables : poly, mono, Slur (les enve­loppes des notes liées jouées à moins de 3 demi-tons d’in­ter­valle ne sont pas redé­clen­chées) et para­pho­nique (les enve­loppes de la première note jouée sont appliquées à toutes les notes ajou­tées). Sympa !
En bout de chaine, on trouve deux multief­fets stéréo (FX1 et FX2) placés en série (fixe), avec réglage de balance pour chacun. Là encore, la simpli­cité est de mise, puisque le choix se limite à des présé­lec­tions d’al­go­rithmes non éditables, ce qui est frus­trant. L’FX1 offre 16 chorus, 16 distor­sions, 16 réduc­teurs de bits et 16 modu­la­tions en anneau (dont certaines oscil­lant dans l’au­dio, produi­sant des formants de voix humaines quand on joue sur la réso­nance du filtre). L’FX2 produit 16 types de délai (du très long au filtre en peigne), 16 distor­sions (iden­tiques à l’FX1) et 16 types de réverbe (de petites pièces à de grandes cathé­drales). Lorsqu’on utilise deux programmes (sépa­rés, empi­lés), les effets sont communs, le second programme ayant sa propre balance vers l’FX1. Idem pour les canaux pilo­tés en Midi. On ne peut pas dire que cette section soit renver­sante de complexité, mais la qualité sonore est bien au rendez-vous à tous les étages, avec notam­ment de très belles réverbes, du niveau d’un Summit ou d’un Analog Rytm.

Modu­la­tions sélec­tives

Mask1 2tof 12 face obliqueLa modu­la­tion, c’est la vie. Le Mask1 permet de faire bouger le son de diffé­rentes manières. On commence par un porta­mento mono ou poly­pho­nique, avec réglage de temps. Viennent ensuite 2 LFO, iden­tiques, qui rappe­lons-le s’ap­pliquent à toutes les voix d’un programme. Leur cycle est libre et leur modu­la­tion bipo­laire (onde symé­trique). On peut régler la forme d’onde (8 types dont un bruit aléa­toire), la vitesse (qui peut atteindre l’au­dio si on la module par une source comme la molette, mais qui n’offre pas de synchro Midi), la quan­tité d’ac­tion, le délai d’ap­pa­ri­tion, le déclin de modu­la­tion (bien vu !) et la desti­na­tion : fréquence/Mask des deux oscil­la­teurs, coupure du filtre, volume global, pano­ra­mique, fréquence/Mask/volume de chaque oscil­la­teur, fréquence/volume du bruit, type d’FX1, type d’FX2, balance de l’FX2. Hélas, ce choix de desti­na­tion est unique, ce qui limite pas mal les possi­bi­li­tés, même s’il y a deux LFO. On aurait aimé, en plus, des assi­gna­tions prédé­fi­nies dans les para­mètres les plus courants.
Mask1 2tof 14 face obliquePassons aux enve­loppes, hélas toutes assi­gnées dans le dur. On trouve d’abord trois enve­loppes delta sur la fréquence des oscil­la­teurs et sur le Mask de chaque oscil­la­teur. Sur ce type d’en­ve­loppe à trois segments, on règle un déca­lage d’at­taque par rapport au niveau cible (niveau initial bipo­laire + temps initial), un niveau cible et un déca­lage de relâ­che­ment (niveau final bipo­laire + temps initial). On trouve égale­ment 4 enve­loppes ADSR avec bouclage possible sur les segments AD, 3 assi­gnées au volume des sources (oscil­la­teurs et bruit) et la 4e à la coupure du filtre. Les attaques sont linéaires et les segments DR expo­nen­tiels (adou­cis­se­ment progres­sif). Les temps sont globa­le­ment modu­lables par le suivi de clavier (plus haut = plus vite), une bonne idée.
Les autres sources de modu­la­tion sont la vélo­cité, la pres­sion et la molette. La vélo­cité est assi­gnable à l’une des desti­na­tions suivantes : coupure du filtre, contour d’en­ve­loppe du filtre, volume, Mask, niveau/temps de l’en­ve­loppe de pitch. La pres­sion et la molette sont assi­gnables à l’une des desti­na­tions suivantes : quan­tité/vitesse des LFO ainsi que les desti­na­tions des LFO (cf. liste ci-dessus). Là encore, il faut faire des arbi­trages lors de la program­ma­tion, consé­quence directe des choix de simpli­cité opérés à la concep­tion du synthé. Pas toujours faci­le…

Arpèges et séquence

Mask1 2tof 06 côté droitLe Mask1 offre un arpé­gia­teur tout aussi simple d’uti­li­sa­tion que le reste de la machine. On choi­sit le motif (26 types, avec diffé­rents ordres, répé­ti­tions, trans­po­si­tions, inter­valles et modes aléa­toires), la vitesse ou la divi­sion tempo­relle (lorsqu’une synchro Midi est détec­tée), le main­tien et le mode de redé­clen­che­ment. Les notes jouées au clavier pilotent unique­ment le programme prin­ci­pal. Via Midi, on peut jouer quatre arpèges simul­ta­nés (un par partie). Les notes arpé­gées au clavier sont trans­mises via Midi lorsque la fonc­tion Local est sur On, ce qui n’est pas le cas pour les autres canaux Midi (afin d’évi­ter les boucles).
Le séquen­ceur s’ap­pa­rente quant à lui davan­tage à un petit Looper global. On arme la séquence avec la touche Rec puis on joue. Les notes sont enre­gis­trées en temps réel avec les modu­la­tions et sans quan­ti­fi­ca­tion, jusqu’à ce qu’on appuie sur Stop. On peut ensuite relire la séquence en boucle et c’est tout. On ne peut ni super­po­ser, ni éditer, ni sauve­gar­der quoi que ce soit. C’est plus un bloc-notes ou un alter ego live pour tester des choses ou se dédou­bler. Signa­lons que les notes séquen­cées sont trans­mises en Midi.

Conclu­sion

Mask1 2tof 25 plan largeLe Mask1 est un synthé surpre­nant, aux anti­podes de l’Es­sen­ceFM, lui-même très singu­lier dans son genre. Bref, Kodamo ne fait pas dans la bana­lité ! L’in­ter­face et les possi­bi­li­tés sont très simples. Mais simple ne veut pas dire basique. À l’usage, on se rend vite compte de la puis­sance sous le capot et de la diver­sité sonore à portée de doigts. Origi­na­lité de la synthèse, perti­nence des para­mètres propo­sés, intel­li­gence des plages de réglages et belle qualité sonore. Le Mask1 nous invite à décou­vrir de nombreux terri­toires, inédits pour beau­coup, connus pour d’autres, en conser­vant sa séré­nité. En somme, il innove utile­ment. Le grand clavier libère quant à lui le musi­cien. Bref, on se sent bien et on finit par oublier certaines limi­ta­tions, notam­ment les modu­la­tions réduites ou l’ab­sence de commandes directes. Avec son tarif premium, le Mask1 est un synthé discret et racé qui cache bien son jeu, où le ramage surpasse très large­ment le plumage. Nous lui décer­nons l’Award Audio­fan­zine Inno­va­tion 2023.

  • Mask1 2tof 01 face
  • Mask1 2tof 02 face
  • Mask1 2tof 03 trois quart gauche
  • Mask1 2tof 04 trois quart droite
  • Mask1 2tof 05 trois quart droite
  • Mask1 2tof 06 côté droit
  • Mask1 2tof 07 côté gauche
  • Mask1 2tof 08 face détail
  • Mask1 2tof 09 face détail
  • Mask1 2tof 10 face détail
  • Mask1 2tof 11 face oblique
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  • Mask1 2tof 16 face oblique
  • Mask1 2tof 17 arrière
  • Mask1 2tof 18 arrière
  • Mask1 2tof 19 arrière zoom
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  • Mask1 2tof 21 arrière oblique
  • Mask1 2tof 22 arrière oblique
  • Mask1 2tof 23 arrière oblique
  • Mask1 2tof 24 arrière oblique
  • Mask1 2tof 25 plan large
  • Mask1 2tof 26 synoptique synthèse

Inter­view de Stéphane Damo, diri­geant de Kodamo et concep­teur du Mask1

Comment est né le projet Mask1 ?

Mask1 2tof 24 arrière obliqueC’est un enchai­ne­ment d’idées qui a commencé il y a deux ans. J’ai toujours des projets de synthés que je fais sur mon temps libre, à côté des projets pro. J’avais nommé l’un d’entre eux Bitmasky, et il semblait promet­teur. Je sortais d’une année de travail intense avec la sortie de l’Es­sen­ceFM, alors j’ai eu envie de prendre le contre­pied en faisant un appa­reil ultra simple, qui tient dans la poche et propose un nouveau type de synthèse. Peu de temps après, je l’an­nonce publique­ment sous le nom Bitmas­ker. Mais plus son déve­lop­pe­ment avançait, plus j’étais surpris par sa qualité et sa diver­sité sonore. À tel point que j’ai trouvé dommage que ce ne soit qu’un synthé portable, alors j’ai décidé d’en faire un clavier.
Le projet Mask1 est aussi arrivé en même temps que ma décou­verte des synthés analo­giques. Décou­verte, le mot est peut-être fort, mais étant né à l’époque de la synthèse numé­rique, je ne m’y étais pas telle­ment inté­ressé. Ça a été une révé­la­tion. Et ce n’est pas qu’une histoire de carac­tère sonore mais aussi d’es­thé­tique, de la néces­sité de choi­sir un nombre limité de contrôles et que ces contrôles soient aussi effec­tifs et inté­res­sants que possible. En conce­vant le Mask1, j’ai adopté une approche simi­laire. Peu de para­mètres, mais tous bien étudiés pour donner le meilleur son possible et lui donner une iden­tité sonore propre.

Comment le déve­lop­pe­ment s’est-il passé ?

Mask1 2tof 04 trois quart droiteLe déve­lop­pe­ment origi­nel a été très moti­vant, car je partais d’une feuille vierge, je testais diffé­rentes méthodes pour faire du son, sans aucune pres­sion. Il s’est fait en colla­bo­ra­tion avec 4 sound-desi­gners qui ont parti­cipé à l’éla­bo­ra­tion des Presets, en plus de suggé­rer de nouvelles fonc­tion­na­li­tés. On est passé de 14 boutons tactiles, ce qui était initia­le­ment prévu avec le Bitmas­ker, à un clavier 5 octaves avec vélo­cité et after­touch. Il a donc fallu adap­ter le moteur en consé­quence et amélio­rer sa qualité sonore pour qu’il soit digne d’un clavier (le Bitmas­ker était au départ assez lo-fi). La concep­tion méca­nique, quant à elle, a été assez fluide. Grâce à l’ex­pé­rience acquise avec l’Es­sen­ceFM et la rela­tion avec plusieurs indus­triels, j’ai pu conce­voir et faire fabriquer les pièces néces­saires. Tout n’a pas été facile, par exemple les flancs sont en ABS plein de 15 mm d’épais­seur avec une fini­tion sablée, peu savent faire. Pareil quand on veut faire séri­gra­phier une tôle pliée de 80 cm de long. Mais on finit toujours par trou­ver. L’es­sen­tiel c’est de rester motivé sur le long terme, car comme dans tout projet, il y a des hauts et des bas.

Le projet Infini est-il passé dans l’au-delà ?

Il est repoussé à une date incer­taine. Le problème avec l’In­fini, c’est qu’il a été annoncé en plein milieu de la crise des compo­sants. Plusieurs pièces critiques sont désor­mais chères et diffi­ciles à trou­ver. Pour le Mask1, j’ai acheté tous les compo­sants en avance pour éviter ce genre de décon­ve­nue.

Qu’est-ce que la synthèse Bitmask ?

Mask1 2tof 08 face détailAu départ, le Bitmas­king est une tech­nique utili­sée en infor­ma­tique. Il s’agit litté­ra­le­ment d’ap­pliquer un masque sur un nombre, par exemple 9999 avec un masque 1010 devient 9090 (1 = on laisse le chiffre, 0 = on met zéro à la place). Quand on fait du déve­lop­pe­ment logi­ciel embarqué, on est souvent amené à utili­ser les masques, alors étant à la fois dans ce domaine et celui de la musique, j’ai voulu faire du son avec. Sans rentrer dans les détails, la façon dont j’uti­lise les Bitmasks permet de répé­ter des portions de forme d’onde, de produire des silences, inver­sions de phase et chan­ge­ments d’am­pli­tude, en synchro avec la fréquence de la note jouée. J’ai fait des recherches, inter­rogé des gens et personne ne semble l’avoir fait, ou en tout cas pas à un niveau équi­valent à ma méthode.

Qu’est-ce qu’elle apporte par rapport aux autres synthèses ?

Mask1 2tof 13 face obliqueUn son extrê­me­ment riche en harmo­niques et des timbres qu’on ne retrouve dans aucune autre synthèse. Parfois on se rapproche des synthés analo­giques, certains masques produisent une dent de scie ou une onde carrée. Tandis que d’autres évoquent plutôt les synthés à table d’ondes, la FM ou rien de connu, notam­ment avec certaines ondes de type pulse mais plus complexes (long silence, puis au lieu d’un plateau on trouve de multiples formes répé­tées). Ce qui est inté­res­sant, c’est que les ondes géné­rées ne sont pas toujours dans la même octave et certaines ondes sont comme plusieurs oscil­la­teurs super­po­sés. On peut par exemple avoir une onde carrée dont la potion basse est faite de plusieurs dents de scie. Cette spéci­fi­cité rappel­lera parfois le PPG, car ces petits détails imitent les effets d’es­ca­lier produits quand on lit des échan­tillons sans inter­po­la­tion. Cette synthèse ne fait pas tout le son du Mask1, il y a aussi le filtre et les effets qui jouent un rôle impor­tant dans le rendu final.

L’in­ter­face du Mask1 est très spar­tiate, quel est le parti pris ?

Mask1 2tof 15 face obliqueLe Mask1 a un moteur sonore épuré, alors l’in­ter­face a suivi cette tendance. J’avais envie de créer un synthé « Zen » : on se pose devant et on respire, on appré­cie la logique simple qui consiste à choi­sir une section (filtre, LFO, etc.), puis à éditer ses para­mètres.
Les boutons qui permettent de chan­ger de para­mètre sont placés à côté de l’en­co­deur prin­ci­pal, ce qui permet d’édi­ter une section d’une seule main et de jouer avec l’autre. Ça n’a rien à voir avec certains synthé­ti­seurs des années 80, dont les inter­faces semblent proches, alors qu’ils sont en réalité bien plus fasti­dieux à utili­ser.

À qui le synthé se destine-t-il ?

Aux musi­ciens, profes­sion­nels et amateurs, qui aiment jouer du clavier. À ceux qui veulent un synthé capable de créer des sons clas­siques ou plus modernes, avec une patte sonore unique. Et aussi à ceux qui veulent un synthé­ti­seur plus expres­sif.
Car l’un des atouts du Mask1, en plus de ses sono­ri­tés, est sa capa­cité à gérer le phrasé, un aspect souvent ignoré en musique élec­tro­nique. Les notes ne sont pas gérées indi­vi­duel­le­ment, mais en fonc­tion de leurs voisines, pour être liées ou déta­chées, avec des attaques diffé­rentes. Ceci permet au Mask1 d’of­frir un rendu plus musi­cal et orga­nique.

Combien d’exem­plaires vas-tu produire dans un premier temps ?

J’ai les pièces pour produire 120 exem­plaires. Ils seront fabriqués au fur et à mesure, car il faut beau­coup de temps et d’éner­gie pour tout faire. Ensuite selon la demande, d’autres séries pour­ront être lancées.

Comment vois-tu l’ave­nir en matière de compo­sants élec­tro­niques ?

Mask1 2tof 17 arrièreLa dispo­ni­bi­lité des compo­sants semble s’être amélio­rée depuis fin 2022. Mais l’aug­men­ta­tion des prix est durable, je ne vois pas vrai­ment de retour en arrière possible surtout dans ce contexte d’in­fla­tion. La spécu­la­tion a fait beau­coup de mal dans de nombreux secteurs, y compris celui de l’élec­tro­nique, avec des socié­tés qui se sont créées juste pour rafler les stocks et revendre plus cher.
Sur certains compo­sants, on est parfois à 20, 30 ou 40 fois le prix d’avant la crise. Il y a toujours des solu­tions comme chan­ger de compo­sant pour un autre moins connu, moins victime de cette augmen­ta­tion, mais ça implique de refaire un circuit, parfois de redé­ve­lop­per la partie logi­cielle, ce qui peut être compliqué.

Quelles sont les diffi­cul­tés d’un jeune fabri­cant français de synthés ?

La prin­ci­pale diffi­culté selon moi, c’est la force de commu­ni­ca­tion. Aujour­d’hui, tout dépend d’in­ter­net et des youtu­beurs. Kodamo n’a pas autant de poids que les gros construc­teurs ni leur budget marke­ting pour donner envie aux chaines connues de faire des vidéos.
Il y a aussi la crédi­bi­lité vis-à-vis des reven­deurs parte­naires. Ceux qui ont fait confiance à Kodamo ont eu raison car les problèmes sont rares, c’est que du béné­fice pour eux. Mais éton­nam­ment, il y a plus de reven­deurs à l’étran­ger qui ont été moti­vés pour distri­buer mes instru­ments que des maga­sins français. J’es­père que ça va chan­ger avec l’ar­ri­vée du Mask1, pour que les gens puissent l’es­sayer en boutique.

Et après le Mask1 ?

Mask1 2tof 23 arrière obliqueSelon son succès, peut-être une décli­nai­son en module, synthé porta­tif ou Groo­ve­box. Ou une version méga avec des tonnes de potards ? En vrai, tout est possible, je n’ai pas encore prévu la suite car avec ce nouveau synthé­ti­seur et l’Es­sen­ceFM qui conti­nue à être produit, il y a beau­coup de travail. À l’ave­nir, je pense que je conti­nue­rai sur cette lignée de synthé­ti­seurs rela­ti­ve­ment origi­naux, qui tentent des choses que ce soit par leur inter­face ou leurs possi­bi­li­tés sonores. C’est l’avan­tage d’être un petit fabri­cant, on fait de petites séries, donc pas besoin d’être grand public. Nos machines sont faites par des passion­nés, pour des passion­nés. Alors on se permet quelques folies quand on les conçoit.

8/10
Award Innovation 2023
Fabrication (?) : France
Points forts
  • Forme de synthèse originale
  • Sonorités de caractère
  • Polyvalence sonore
  • Modes séparé/empilé à 2 programmes
  • Multitimbralité à 4 ou 5 parties
  • Oscillateurs modulables singuliers
  • Qualité du filtre multimode résonant
  • Enveloppes nombreuses
  • Arpégiateur intégré
  • Effets de qualité
  • Droit au but avec des réglages pertinents
  • Pilotage par CC Midi
  • Construction très soignée
  • Grand clavier dynamique
  • Compact et léger
Points faibles
  • Interface utilisateur spartiate
  • Pas d’interaction d’oscillateurs
  • Modulations limitées ou préassignées
  • Effets restreints à des présélections
  • Pas de pédale de modulation
  • Pas d’audio via USB
  • Alimentation externe
  • Tarif élevé
Auteur de l'article synthwalker Passionné de synthés, concepteur produits et rédacteur presse

J'aime tous les synthés, avec une préférence pour les poly vintage à mémoires, qui m'accompagnent depuis le début des 80's. J'écris depuis 25 ans sur les synthés et j'ai contribué au développement de certains d'entre eux. Plusieurs centaines de mes articles ont été publiés sur Audiofanzine et auparavant dans les magazines PlayRecord, Recording, Keyboards, Musicsound et Musiciens.


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J'aime tous les synthés, avec une préférence pour les poly vintage à mémoires, qui m'accompagnent depuis le début des 80's. J'écris depuis 25 ans sur les synthés et j'ai contribué au développement de certains d'entre eux. Plusieurs centaines de mes articles ont été publiés sur Audiofanzine et auparavant dans les magazines PlayRecord, Recording, Keyboards, Musicsound et Musiciens.